JURISPRUDENCE COUR DE CASSATION
CIVILE

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DANS LES 139 082 ARRETS DE LA COUR DE CASSATION

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1 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.638, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.638, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 4 février 2021



Rejet

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 104 F-P+I
Pourvoi n° M 19-23.638




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 FÉVRIER 2021

La société Gelied, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° M 19-23.638 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Metz (renvoi après cassation), dans le litige l'opposant à la société Les Chênes rouges, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Gelied, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Les Chênes rouges, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-11.266), la société de droit luxembourgeois Gelied a relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant déboutée d'une demande de condamnation à des dommages-intérêts qu'elle avait formée contre la SCI Les Chênes rouges.
2. La société Gelied a saisi la cour d'appel de renvoi par un acte du 17 mai 2018.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société Gelied fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa déclaration de saisine de la cour d'appel de Metz après renvoi de cassation, faite le 17 mai 2018, alors « que le délai de distance de deux mois s'applique au demandeur résidant à l'étranger qui doit saisir la cour de renvoi ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 643, 911-2 et 1034 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article 631 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi. Par conséquent, l'article 643 du code de procédure civile, qui prévoit l'augmentation, au profit des personnes domiciliées à l'étranger, des délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation, ne s'applique pas au délai dans lequel doit intervenir la saisine de la juridiction de renvoi après cassation.
6. Le délai de saisine de la juridiction de renvoi est fixé, depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable à la cause, à une durée de deux mois et court, en application des articles 1034 et 1035 du code de procédure civile, à compter de la notification, que la partie reçoit ou à laquelle elle fait procéder, de l'arrêt de cassation, mentionnant de manière très apparente ce délai ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie. Ces dispositions poursuivent le but légitime d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure, dans le respect des droits de la défense. Elles ne constituent, par conséquent, pas, par elles-mêmes, une entrave au droit d'accès au juge, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Ayant constaté que la société Gelied, établie au Luxembourg, l'avait saisie plus de deux mois suivant la signification de l'arrêt de cassation, à laquelle elle avait elle-même fait procéder, c'est sans violer les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile, qui n'étaient pas applicables, ni méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d'appel a déclaré irrecevable la déclaration de saisine sur renvoi de cassation.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gelied aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gelied et la condamne à payer à la SCI Les Chênes rouges la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Gelied
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de Metz après renvoi de cassation, faite par la société Gelied le 17 mai 2018 ;
- AUX MOTIFS QUE Sur la recevabilité de la saisine de la cour de renvoi. Attendu que selon les dispositions de l'article 1032 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la juridiction de renvoi après cassation est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction ; que selon l'article 1034 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie et ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie ; que l'absence de déclaration dans le délai ou l'irrecevabilité de celle-ci confère force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort lorsque la décision cassée avait été rendue sur appel de ce jugement ; que ces dispositions s'appliquent aux arrêts de cassation notifiés à compter du 1er septembre 2017 ; Qu'en l'espèce, il est constant que la société Gelied a fait signifier l'arrêt de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2017, à la SCI Les Chênes Rouges par acte d'huissier du 26 janvier 2018, de sorte que les dispositions susvisées issues du décret du 6 mai 2017 sont applicables au litige ; que la société Gelied, qui disposait d'un délai de deux mois à compter du 26 janvier 2018 pour saisir la juridiction de renvoi, a saisi la cour d'appel de Metz déclaration déposée au greffe de cette cour le 17 mai 2018, soit au-delà du délai prescrit par l'article 1034 du code de procédure civile ; Que sur la nullité de l'acte de signification de l'arrêt de la Cour de cassation, s'il est exact que cet acte ne comportait pas l'indication des délais et formalités de saisine de cour de renvoi, ces irrégularités relèvent des nullités pour vice de forme, ce qui nécessite la démonstration d'un grief qui ne peut être invoqué que par celui à qui l'acte a été notifié ; que seul le destinataire de la notification peut donc se prévaloir de la nullité de l'acte de notification ; qu'il s'ensuit que la société Gelied, expéditeur de l'acte de signification, ne peut invoquer la nullité de cet acte, étant observé que la SCI Les Chênes Rouges, destinataire, ne s'en prévaut pas ; que ce moyen est inopérant ; Que, sur l'augmentation des délais, les prorogations de délai prévues aux articles 643, 644 et du code de procédure civile ne s'appliquent pas au délai de saisine de la cour de renvoi après cassation ; que l'article 1034 ne prévoit aucune augmentation de délai et les dispositions de l'article 643 ne concernent que les délais limitativement énumérés de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition dans l'hypothèse prévue à l'article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation ; Que l'article 911-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017492 du 6 mai 2017, indique que les délais visés au premier alinéa de l'article 905-1, à l'article 905-2, au alinéa de l'article 902 et à l'article 908 sont augmentés de deux mois si l'appelant réside à l'étranger ; que cependant, il résulte de ce texte que la prolongation des délais ne concerne que les délais pour signifier la déclaration d'appel à la partie adverse et pour déposer les conclusions d'appelant ou d'intimé et ne vise pas le délai pour déposer la déclaration de saisine au greffe de la cour de renvoi ; qu'il en est de même de l'article 1037 du code de procédure civile qui prévoit que la notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais augmentés conformément à l'article 911-2, la référence à l'article 911-2 étant limitée à la seule notification des conclusions ; Qu'en conséquence il n'y a aucune prolongation de délai prévue par la loi pour le dépôt de la déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel de renvoi, ce moyen étant également inopérant ; Que la déclaration de saisine de la cour d'appel de Metz, cour de renvoi après l'arrêt de cassation du 19 octobre 2017, ayant été déposée au greffe de la cour au-delà du délai de deux mois prévu à l'article 1034 du code de procédure civile, cette déclaration est irrecevable, ce qui confère force de chose jugée au jugement rendu le 4 mai 2000 par le tribunal de grande instance d'Epinal ;
1°) ALORS QUE si tout État membre a la faculté, si son droit le permet, de procéder directement, par l'intermédiaire des services postaux ou par huissier, à la notification d'un acte en provenance d'un Etat membre, la signification directe par huissier n'est réputée faite qu'au jour de la remise effective de l'acte à son destinataire ; qu'en ayant déduit de l'acte de « signification » versé aux débats que la société Gelied avait, le 26 janvier 2018, procédé à la signification à la SCI Les Chênes Rouges de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 2017, quand il s'agissait d'une notification par voie postale effectuée par un huissier luxembourgeois à destination d'un huissier local de Saint Barthélémy (avec copie envoyée à la SCI Les Chênes Rouges), chargé de signifier l'acte à sa destinataire, sans que cette dernière ait justifié de la date à laquelle l'acte lui avait été effectivement remis, cette date étant pourtant la seule propre à faire courir le délai de deux mois ouvert pour saisir la cour de renvoi, la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, ensemble l'article 1034 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le délai de distance de deux mois s'applique au demandeur résidant à l'étranger qui doit saisir la cour de renvoi ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 643, 911-2 et 1034 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

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2 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-12.424, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-12.424, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 4 février 2021



Rejet

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 110 FS-P+I
Pourvoi n° X 19-12.424



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 FÉVRIER 2021

1°/ La société Amazon France services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Amazon EU, société à responsabilité limitée de droit étranger, dont le siège est [...] ), ayant un établissement en France [...] ,
ont formé le pourvoi n° X 19-12.424 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant à la société I..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pixmania, mission conduite par M. X... I... , défenderesse à la cassation.
La société I..., es qualités, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Amazon EU et Amazon France services, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société I..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pixmania, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Maunand, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Bohnert, Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 novembre 2018) et les productions, la société Pixmania a exploité, jusqu'en février 2016, avant de faire l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, une plate-forme électronique mettant en relation sur un site internet spécialisé des vendeurs professionnels, parmi lesquels la société Elite GSM, avec des clients.
2. Par deux ordonnances du 12 février 2016, la société Pixmania a été autorisée à faire pratiquer, en garantie de la somme de 600 000 euros, d'une part, une saisie conservatoire sur tous les biens meubles corporels, et notamment les stocks de produits finis, dont la société Elite GSM serait propriétaire et déposés entre les mains des sociétés du groupe Amazon opérant en France (Amazon EU, Amazon France services SAS, Amazon France logistique et plus généralement toute société affiliée à la société Amazon EU au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce) et, d'autre part, une saisie conservatoire sur toutes les sommes, avoirs ou valeurs dont la société Elite GSM serait "titulaire" à l'encontre des mêmes sociétés.
3. La société Pixmania a fait pratiquer, le 12 février 2016, une saisie conservatoire de créances et une saisie conservatoire de biens meubles corporels, notamment des stocks de produits finis, entre les mains des sociétés Amazon France services et Amazon EU en garantie de sa créance de 600 000 euros en principal.
4. Par ordonnance de référé du 25 février 2016, la société Elite GSM a été condamnée à payer à la société Pixmania, à titre provisionnel, la somme de 740 369,71 euros au titre des remboursements effectués par la société Pixmania aux clients en garantie de produits non livrés par la société Elite GSM, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
5. La société Pixmania, a ensuite, fait pratiquer, les 29 février et 1er mars 2016, des saisies conservatoires entre les mains de la société Amazon France logistique.
6. Par acte du 8 juin 2016, la Selarl I..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pixmania, a fait assigner les sociétés Amazon France services et Amazon EU devant un juge de l'exécution à l'effet, d'une part, de constater le refus de répondre de la seconde aux saisies pratiquées entre ses mains le 12 juin 2016, le manquement de la première à son devoir de collaboration dans le cadre de la saisie sur stocks du 12 juin 2016 et le préjudice consécutif en étant résulté pour la société Pixmania à hauteur de la dette de la société Elite GSM, soit 680 735,62 euros, et, d'autre part, d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement des causes de la saisie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. Les société Amazon EU et Amazon France services font grief à l'arrêt de condamner la société Amazon EU à payer à M. I... , en qualité de liquidateur de la société Pixmania, créancier saisissant, la somme de 593 756,01 euros, alors « que le tiers, destinataire d'une saisie, mais à qui celle-ci n'est pas signifiée à personne, a un motif légitime de ne pas répondre à l'interpellation de l'huissier instrumentaire lorsque, dans un bref délai postérieurement à cette signification, l'information sollicitée par l'huissier perd toute utilité pour le créancier saisissant ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le procès-verbal de saisie délivré le 12 février 2016 à l'encontre de la société Amazon EU n'avait pas été signifié à personne et que cette société n'avait pas pu répondre sur-le-champ, d'autre part, que par un courriel du 22 février 2016, la société Amazon France services avait informé l'huissier instrumentaire de ce que le stock était « réparti dans les quatre centres de distribution » de la société Amazon France Logistique en France, enfin, qu'il était apparu, lors des saisies pratiquées entre les mains de la société Amazon France Logistique les 29 février et 1er mars 2016, que c'était cette dernière société qui détenait les stocks appartenant à la société Elite GSM ; qu'il résultait de telles constatations qu'il était devenu inutile pour la société Amazon EU de répondre à l'interpellation qui lui avait été faite le 12 février 2016, ce qui caractérisait un motif légitime de ne pas apporter de réponse à ladite interpellation ; qu'en retenant pourtant que la société Amazon EU n'aurait justifié d'aucun motif légitime, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis ; celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts ; dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur.
11. En application des deux derniers alinéas de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, auxquels renvoie l'article R. 522-5 du même code, l'huissier de justice invite le tiers à déclarer les biens qu'il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.
12. La circonstance que le créancier saisissant ait obtenu, postérieurement à l'accomplissement de la mesure, l'information dont est débiteur à son égard le tiers entre les mains duquel la saisie a été pratiquée n'exonère pas ce dernier de son obligation de fournir les renseignements légalement prévus.
13. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que le tiers n'avait apporté aucune réponse à l'huissier de justice, se trouve légalement justifié.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
14. Les sociétés Amazon EU et Amazon France services font grief à l'arrêt de condamner la société Amazon France services à payer à M. I... , en qualité de liquidateur de la société Pixmania, la somme de 593 756,01 euros, in solidum avec la société Amazon EU à hauteur de 400 000 euros, alors :
« 1°/ que le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation légale de renseignement et n'encourt aucune responsabilité au titre de cette obligation ; que la cour d'appel avait constaté que, selon les mentions du procès-verbal de saisie établi le 12 février 2016, la société Amazon France services avait répondu sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la débitrice, ce dont il résultait que l'obligation légale du tiers requis avait été entièrement et correctement remplie ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Amazon France services au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de renseignement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation de renseignement, peu important la teneur de ses éventuels échanges postérieurs avec l'huissier instrumentaire, lesquels sont insusceptibles de lui être imputés à faute ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir une prétendue faute de la société Amazon France services, sur la teneur des courriers électroniques adressés les 22 et 29 février 2016 par celle-ci en réponse à l'huissier instrumentaire, donc en se déterminant en considération d'échanges postérieurs au 12 février 2016, cependant qu'il avait été constaté que l'obligation de renseignement avait été respectée à cette date, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que toute décision doit être motivée et il est fait interdiction au juge de statuer par voie de pure et simple affirmation ; qu'en énonçant, pour en déduire que les courriers électroniques des 22 et 29 février 2016 seraient venus compléter la réponse supposée incomplète faite sur-le-champ à l'huissier instrumentaire par la société Amazon France services, que le président de cette société avait indiqué oralement audit huissier qu'Amazon reviendrait vers la société Pixmania, créancier saisissant, pour compléter sa réponse avec un état des stocks détenus par les sociétés Amazon et que consigne avait d'ores et déjà été passée d'un blocage desdits stocks, sans préciser de quel élément de preuve elle tirait de telles déclarations orales non consignées au procès-verbal de saisie, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la déclaration, faite par le tiers à l'huissier instrumentaire, de son absence de détention de tout bien pour le compte du débiteur exclut toute croyance légitime du saisissant en un pouvoir de ce tiers de rendre ledit bien indisponible ; que l'arrêt avait constaté que la société Amazon France services avait déclaré sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la société Elite GSM, débitrice, d'où il suivait que le créancier saisissant n'avait pu légitimement croire que la société Amazon France services aurait eu un quelconque pouvoir de rendre les stocks indisponibles ; qu'en retenant au contraire que le saisissant avait pu légitimement considérer que la société Amazon France services avait le pouvoir de rendre indisponibles les stocks d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'« Amazon en France », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article R. 221-13 du même code ;
5°/ que le créancier saisissant, qui, après s'être fait autoriser judiciairement à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de plusieurs personnes regardées comme potentiellement détentrices de stocks appartenant à son débiteur, choisit de ne pratiquer cette saisie qu'entre les mains de certaines des personnes concernées et s'abstient de le faire à l'égard de l'une d'elles qui se révèle en définitive seule détentrice des stocks, commet par sa négligence une faute entièrement causale du préjudice né du retrait des stocks par le débiteur ; que l'arrêt avait constaté que l'ordonnance d'autorisation de saisie conservatoire obtenue par la société Pixmania, créancier saisissant, avait visé conjointement les trois sociétés Amazon EU, Amazon France services et Amazon France logistique et que le créancier saisissant avait néanmoins fait le choix de ne pas pratiquer immédiatement la saisie auprès de l'ensemble de ces trois sociétés, attendant dix-sept jours pour la pratiquer auprès de la troisième société susmentionnée, qui s'était révélée être seule détentrice des stocks ; qu'en retenant que ce comportement du créancier saisissant était seulement de nature à réduire le montant de son préjudice réparable, cependant qu'en réalité, cette faute entièrement causale le privait de tout droit à réparation, la cour d'appel a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
15. En application des deux derniers alinéas de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, auxquels renvoie l'article R. 522-5 du même code, l'huissier de justice invite le tiers à déclarer les biens qu'il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure.En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.
16. Il résulte de ces dispositions que si, après avoir exactement répondu sur-le-champ à l'huissier de justice, le tiers entre les mains duquel la saisie est pratiquée lui fournit ultérieurement des informations complémentaires mensongères ou inexactes, il engage sa responsabilité aux conditions de l'article 1240 du code civil.
17. L'arrêt relève, en premier lieu, par motifs propres, que l'huissier de justice chargé de pratiquer la saisie conservatoire entre les mains de la société Amazon France services avait coché sur le procès-verbal la mention : « le tiers détenteur m'a déclaré ne détenir aucun bien appartenant au débiteur. J'en ai pris acte, attirant son attention sur les conséquences possibles et les sanctions rappelées ci-dessous ».
18. Il relève, en deuxième lieu, qu'interrogé le 22 février 2016 par l'huissier de justice instrumentaire concernant le « montant exact des sommes saisies », la société Amazon France services lui avait répondu le même jour en ces termes : « Nous revenons vers vous suite à votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016. La valeur totale du stock d'Elite GSM se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France s'élève à 897 597,60 euros. Ce stock est réparti dans les quatre centres de distribution d'Amazon.fr Logistique SAS en France et nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 au soir ».
19. Il relève, en troisième lieu, qu'interrogée à nouveau le 26 février suivant sur la localisation des stocks, la société Amazon France services avait répondu le 29 février suivant en ces termes : « Nous vous envoyons dans la journée le détail des stocks par centre de distribution en France. Nous envoyons également cette information pour les centres de Lille et Chalons aux deux huissiers qui se sont présentés dans ces centres ce matin. Pour ce qui est du contact, nous vous suggérons de nous contacter via cet email. Les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock ni aucune information sur le compte Elite GSM, ce compte étant bloqué depuis le 12 février. Madame Q... vous contactera également dans la journée ».
20. Il relève, en quatrième lieu, qu'à la suite d'une sommation interpellative du 2 mars 2016, la société Amazon France services avait répondu le 3 mars suivant en ces termes : « Nous faisons suite à la sommation interpellative que vous avez signifiée ce matin à la demande de la Selarl I..., agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania. Nous relevons que cette sommation s'inscrit dans le prolongement des mesures conservatoires nouvellement réalisées entre les mains de la société Amazon FR Logistique, prise en ses quatre centres de distribution respectivement situés à Sevrey, Saran, Montélimar et Lauwin Plan et que cette sommation vise à vous remettre "le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite GSM, détenus par la société Amazon FR Logistique".A titre liminaire, nous attirons votre attention sur le fait qu'Amazon France services est une société de services dont l'activité est étrangère à la gestion et l'exploitation du site Internet www.amazon.fr, la société Amazon FR Logistique assurant de son côté, des prestations de stockage de marchandises proposées notamment sur la place de marché du site Internet www.amazon.fr. En outre, si ce n'est leur affiliation commune, Amazon France services et Amazon FR logistique sont deux entités juridiques indépendantes.Cela dit, nous vous avons, par email daté du 22 février dernier, apporté des informations sur l'état du stock de produits détenu, pour le compte d'Elite GSM, par Amazon FR Logistique, alors que nous n'étions pas tenus de le faire et qu'Amazon FR Logistique n'était pas visée par une mesure conservatoire. Dès lors, nous ne pouvons que vous confirmer les informations suivantes que nous détenons de la société Amazon FR Logistique : les déclarations faites les 29 février et 1er mars par la société Amazon FR Logistique à la suite de la réalisation entre ses mains de mesures conservatoires comportent déjà le détail du stock détenu à date par chacun de ces centres ainsi que leur valeur. Vous trouverez à cet effet, ci-joint, les éléments d'information communiqués par Amazon FR Logistique aux huissiers instrumentaires ».
21. Il relève, en cinquième lieu, par motifs adoptés, que, sommée par la société Pixmania le 4 mars de justifier de la différence entre la valeur déclarée des stocks par la société Amazon France services, et de confirmer leur blocage au 12 février 2016, la société Amazon France Logistique avait répondu que les saisies conservatoires dans ses centres de distribution n'avaient été opérées que les 29 février et 1er mars 2016, qu'il n'avait pas été fait usage de l'autorisation du 12 février 2016 et, qu'en l'absence de saisie antérieure « le blocage du compte d'Elite GSM mentionné par la société Amazon France services a eu pour effet d'empêcher la réalisation de toutes transactions commerciales depuis la marketplace. Il ne pouvait en revanche empêcher d'éventuelles demandes de restitution formulées par la société Elite GSM. Or, c'est précisément ce qui s'est passé (...) ».
22. Ayant retenu, à bon droit, que quand bien même la société Amazon France services aurait satisfait sur-le-champ à son obligation déclarative, les réponses données les 22 et 29 février 2016 à l'huissier de justice l'engageaient, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et énonciations que la société Amazon France services avait commis une faute ayant occasionné un préjudice dont elle a apprécié souverainement l'étendue.
23. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il attaque des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne les sociétés Amazon EU et Amazon France services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Amazon EU et Amazon France services et les condamne in solidum à payer à la Selarl I..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pixmania, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour les sociétés Amazon EU et Amazon France services
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Amazon EU à payer à maître I... , en qualité de liquidateur de la société Pixmania, créancier saisissant, la somme de 593 756,01 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la responsabilité des appelantes, aux termes de l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. / Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. / Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur » ; qu'aux termes de l'article R. 221-21 alinéa 2 et 3 du même code auquel renvoyait l'article R. 522-5, seuls applicables en matière de saisie conservatoire, l'huissier de justice invitait le tiers-saisi « à déclarer les biens qu'il détient pour le compte de celui-ci et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts » ; que le tiers saisi, qui n'était tenu à aucune obligation envers le débiteur, pouvait engager sa responsabilité délictuelle lorsqu'il n'apportait pas son concours et être condamné aux causes de la saisie et s'il faisait des déclarations incomplètes ou mensongères, il pouvait être condamné à des dommages et intérêts, si sa faute avait entraîné un préjudice pour le créancier ; que sur la demande dirigée contre la société Amazon EU, le tiers saisi dans le cadre d'une mesure conservatoire était dans l'obligation de répondre « sur le champ » pour satisfaire à son obligation de renseignement, sauf à justifier d'un motif légitime ; qu'en ce cas, et s'il justifiait d'un motif légitime se traduisant le plus souvent par le fait qu'il n'avait pas pu avoir immédiatement connaissance de la saisie, le tiers saisi avait l'obligation de fournir les informations qui lui étaient demandées dès qu'il avait connaissance de la saisie ou dès qu'il était censé en avoir connaissance ; qu'il était constant que la société Amazon UE n'avait pas répondu sur le champ, ce qu'elle ne pouvait faire, non plus que par la suite ; que s'agissant de l'absence de communication des coordonnées de l'entité Amazon détenant les stocks litigieux, le lieu de situation ou bien encore le détail de ces stocks, Amazon EU soutenait d'une part que le fait d'appartenir à un groupe de sociétés n'avait effectivement aucune incidence sur les contours de l'obligation de concours au sens de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution et n'emportait aucune obligation de désigner la société du groupe Amazon détenant les stocks litigieux, d'autre part qu'elle n'avait pas davantage d'obligation judiciaire de le faire au motif que l'acte de signification de l'ordonnance du 12 février 2016 autorisant la saisie sur stock ne comportait pas le texte de l'ordonnance, et que l'interpellation judiciaire figurant dans ladite ordonnance du 12 février 2016 d'indiquer la société du groupe détenant les stocks n'avait pas été reprise dans le procès-verbal de mesure conservatoire ; mais que c'était par une exacte appréciation des faits de la cause et des motifs que la cour reprenait à son compte que le juge de l'exécution avait estimé qu'en tout état de cause, dès lors que la société Amazon n'avait justifié d'aucun motif légitime d'exonération de son obligation d'apporter son concours, ni sur le champ, mais pas non plus par la suite, engageait sa responsabilité, le seul fait pour le tiers saisi qui avait obligation de répondre au créancier saisissant de n'avoir apporté aucune réponse s'assimilant dès lors à un refus de déclaration du tiers saisi quant aux biens qu'il détenait, et ce, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les circonstances de son interpellation relative aux autres sociétés du groupe détenant les stocks, étrangères à son obligation de renseignement dans le strict périmètre de la saisie ; que sur le préjudice, en l'espèce, dans les jours qui avaient suivi le 29 février, la concluante avait appris à l'occasion des nouvelles saisies et des sommations interpellatives que la société Amazon France Logistique avait restitué plus de 90% des stocks qu'elle détenait à Elite Gsm, ruinant les chances pour le créancier d'obtenir le remboursement de sa créance ; qu'en effet, il n'était pas contesté qu'à la suite des saisies de stocks réalisées auprès de la société Amazon France Logistique, seuls ceux encore en sa possession au 29 février et 1er mars 2016 avaient pu être appréhendés pour une valeur de 76 979,61 euros, sur une valeur initialement déclarée de 897 597,60 euros, la déperdition de stock depuis le 12 février étant due à l'exécution des ordres de retour auxquels avait procédé la société Elite Gsm depuis cette date, et auxquels Amazon avait obtempéré au motif que le « blocage du compte » mentionné par Amazon France Services n'aurait eu pour seul effet que de bloquer les transactions commerciales depuis la marketplace mais non de s'opposer aux demandes de restitution du la société Elite Gsm ; que la créancière avait obtenu condamnation selon ordonnance de référé du 25 février 2016 de la société Elite Gsm à lui restituer la somme de 740 369,71 euros TTC, et à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et était parvenue à saisir la somme totale de 59 634,09 euros sur les comptes bancaires d'Elite Gsm ; qu'elle avait par ailleurs saisi chez Amazon France Logistique les stocks qu'elle n'avait pas encore restitués le 29 février 2016 à Elite Gsm d'une valeur totale de 76 979,61 euros, et était parvenue à récupérer 15 000 euros à la suite de la vente des fruits des deux saisies de biens meubles corporels conduites chez Elite Gsm ; qu'elle évaluait donc son dommage à la somme de 593 756,01 euros ; que la société Amazon EU, qui s'était abstenue de répondre, pouvait être condamnée aux causes de la saisie sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ; que le jugement serait donc infirmé sur ce point, la société Amazon EU étant condamnée au paiement de la somme de 593 756,01 euros (arrêt, p. 11, al. 4 à p. 12, al. 3 ; p. 15, al. 2 à 7 ; p. 16, al. 3) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur le manquement de la société Amazon EU à son obligation de renseignement et le préjudice causé à la société Pixmania, la saisie-conservatoire de biens querellée ayant valablement pu produire effet, la société Amazon EU était, contrairement à ce qu'elle alléguait, soumise aux prescriptions de l'article R. 521-21 l'obligeant à déclarer les biens qu'elle détenait pour le compte de la société Elite Gsm, sous peine, en cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, de condamnation au paiement des causes de la saisie ou à des dommages et intérêts ; qu'en l'espèce, aucune réponse n'avait été apportée par la société Amazon EU dans le cadre de ladite saisie, ni immédiatement, ni ultérieurement ; qu'ainsi que le faisait valoir la requérante, la question n'était pas de savoir si la réponse devait avoir lieu « sur-le-champ », et si, ainsi que tentait de le faire valoir la société Amazon EU, elle avait ou pas un « motif légitime » de ne pas répondre immédiatement en raison des circonstances de la signification de l'acte, étant observé au surplus que la jurisprudence invoquée relative au « motif légitime » avait été rendue en matière de saisie bancaire, et non de biens meubles ; qu'en effet, la loi faisait obligation au tiers saisi de répondre au créancier saisissant, et qu'en l'espèce, il n'avait été apporté aucune réponse, même ultérieurement une fois l'acte transmis à toute personne habilitée, dans le cadre de la saisie conservatoire diligentée le 12 février 2016 ; que dès lors, cette seule circonstance, qui s'assimilait à un refus de déclaration du tiers saisi quant aux biens qu'il détenait, était susceptible d'engager la responsabilité de la société Amazon EU, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les circonstances de son interpellation relative aux autres sociétés du groupe détenant les stocks, étrangères à son obligation de renseignement dans le strict périmètre de la saisie ; qu'au vu de ces énonciations, de l'article R. 521-21 précité et de la jurisprudence considérant que le tiers saisi qui n'était tenu à aucune obligation envers le débiteur ne pouvait qu'être condamné à des dommages et intérêts, et non aux causes de la saisie, il en résultait que la société Amazon EU n'avait vocation à répondre que du préjudice résultant pour la société Pixmania de sa perte de chance de saisir des stocks d'une valeur supérieure à sa créance au moment de la saisie ; que là encore, il convenait de tenir compte, non pour diminuer la responsabilité personnelle de la société Amazon EU, mais seulement dans l'évaluation du préjudice, de l'abstention fautive du créancier saisissant, muni dès l'origine d'une autorisation de saisir les stocks auprès de l'ensemble des entités Amazon et qui avait concouru à la réalisation de son dommage ; qu'au final, la société Amazon EU devrait indemniser Maître X... I... en qualité de liquidateur de la société Pixmania de cette perte de chance à hauteur de la somme de 400 000 euros, somme à laquelle elle serait condamnée ; qu'il convenait en revanche de rejeter la demande de condamnation in solidum de la société Amazon EU et la société Amazon France Services dont les fautes étaient distinctes et procédaient de deux actes différents bien que concomitants (jugement, pp. 10 à 12) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'un tiers ne peut être condamné aux causes d'une saisie que s'il a la qualité juridique de tiers saisi, c'est-à-dire s'il se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur ; qu'en énonçant au contraire, pour condamner la société Amazon EU au paiement des causes de la saisie, que pouvait être qualifiée de « tiers saisi », et partant condamnée aux causes de la saisie en cas de défaut de concours, une personne qui n'était tenue d'aucune obligation envers le débiteur, la cour d'appel a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le tiers qui n'a pas eu immédiatement connaissance de la saisie, notamment si elle ne lui a pas été signifiée à personne, a un motif légitime de ne pas répondre sur-le-champ à l'interpellation de l'huissier ; que la cour d'appel avait constaté que la saisie n'avait pas été signifiée à personne à la société Amazon EU, et a du reste énoncé que cette société n'avait donc pas été en mesure de répondre sur-le-champ ; qu'en retenant néanmoins que la société Amazon EU n'avait eu aucun motif légitime de ne pas répondre sur-le-champ à l'huissier instrumentaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le tiers, destinataire d'une saisie, mais à qui celle-ci n'est pas signifiée à personne, a un motif légitime de ne pas répondre à l'interpellation de l'huissier instrumentaire lorsque, dans un bref délai postérieurement à cette signification, l'information sollicitée par l'huissier perd toute utilité pour le créancier saisissant ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le procès-verbal de saisie délivré le 12 février 2016 à l'encontre de la société Amazon EU n'avait pas été signifié à personne et que cette société n'avait pas pu répondre sur-le-champ, d'autre part, que par un courriel du 22 février 2016, la société Amazon France Services avait informé l'huissier instrumentaire de ce que le stock était « réparti dans les quatre centres de distribution » de la société Amazon France Logistique en France, enfin, qu'il était apparu, lors des saisies pratiquées entre les mains de la société Amazon France Logistique les 29 février et 1er mars 2016, que c'était cette dernière société qui détenait les stocks appartenant à la société Elite Gsm ; qu'il résultait de telles constatations qu'il était devenu inutile pour la société Amazon EU de répondre à l'interpellation qui lui avait été faite le 12 février 2016, ce qui caractérisait un motif légitime de ne pas apporter de réponse à ladite interpellation ; qu'en retenant pourtant que la société Amazon EU n'aurait justifié d'aucun motif légitime, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la connaissance, par le créancier saisissant, de l'absence de rapport de droit entre le débiteur et le tiers interpellé par l'huissier instrumentaire, prive de toute utilité la saisie pratiquée et caractérise un motif légitime de non réponse ou de réponse différée dudit tiers à l'interpellation de l'huissier ; que la société Amazon EU avait fait valoir (conclusions, pp. 29 à 32) que l'absence de renseignement fourni de sa part était justifiée par un motif légitime, lequel résidait notamment dans la connaissance qu'avait eue la société Pixmania, créancier saisissant, de l'absence de stock détenu par les sociétés Amazon France Services et Amazon EU, le stock étant détenu par la société Amazon France Logistique ; qu'en se bornant à affirmer que la société Amazon EU n'aurait justifié d'aucun motif légitime, sans rechercher si ces circonstances ne caractérisaient pas un tel motif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Amazon France Services à payer à maître I... , en qualité de liquidateur de la société Pixmania, la somme de 593 756,01 euros, in solidum avec la société Amazon EU à hauteur de 400 000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la responsabilité des appelantes, aux termes de l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. / Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. / Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur » ; qu'aux termes de l'article R. 221-21 alinéas 2 et 3 du même code auquel renvoyait l'article R. 522-5, seuls applicables en matière de saisie conservatoire, l'huissier de justice invitait le tiers-saisi « à déclarer les biens qu'il détient pour le compte de celui-ci et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts » ; que le tiers saisi, qui n'était tenu à aucune obligation envers le débiteur, pouvait engager sa responsabilité délictuelle lorsqu'il n'apportait pas son concours et être condamné aux causes de la saisie et s'il faisait des déclarations incomplètes ou mensongères, il pouvait être condamné à des dommages et intérêts, si sa faute avait entraîné un préjudice pour le créancier ; que sur la demande dirigée contre la société Amazon France Services, cette société reprochait au juge de l'exécution d'avoir retenu sa responsabilité sur le fondement de l'article R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution alors qu'elle n'avait pas qualité de tiers saisi ; que la notion de tiers n'étant pas précisée par les textes, le tiers était toute personne physique ou morale qui détenait, en vertu d'un pouvoir propre, des effets mobiliers devant être remis au saisissant ou qui était tenue, sous sa responsabilité, de conserver, par-devers elle, les biens qu'elle détenait pour le compte du débiteur avec lequel elle se trouvait ainsi dans un rapport de droit, détenant un pouvoir propre par rapport à celui-ci ; qu'en l'espèce, lors de la saisie, le président de la société Amazon France Services, requis légalement de répondre « sur le champ » à la saisie, avait précisé oralement à l'huissier instrumentaire ce qui suivait : - la société Amazon France Services, dont il était le Président, ne détenait pas de stocks pour le compte de la société Elite Gsm (ce que le PV de saisie confirmait) ; - il n'était pas en mesure de dire si le groupe Amazon détenait des stocks pour le compte d'Elite Gsm, et, le cas échéant, où les stocks de la société Elite Gsm seraient détenus, étant précisé que le groupe reviendrait vers Pixmania pour compléter sa réponse avec un état des stocks détenus dans les jours qui suivaient ; - consigne était passée d'ores et déjà du blocage des stocks litigieux ; que l'huissier avait coché la mention : « le tiers détenteur m'a déclaré ne détenir aucun bien appartenant au débiteur. J'en ai pris acte, attirant son attention sur les conséquences possibles et les sanctions rappelées ci-dessous » ; qu'après la saisie du 12 février 2016, le 22 février suivant, l'huissier instrumentaire avait interrogé par courriel le service juridique d'Amazon en la personne de monsieur Y..., sur « le montant exact des sommes saisies », et il lui avait été répondu par courriel du même jour provenant de la société Amazon France Services, et intitulé « votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016 » : « Nous revenons vers vous suite à votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016. La valeur totale du stock d'Elite Gsm se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France s'élève à 897 597,60 euros. Ce stock est réparti dans les quatre centres de distribution d'Amazon.fr Logistique SAS en France et nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 au soir » ; qu'interrogée à nouveau le 26 février suivant sur la localisation des stocks, la société Amazon France Services avait répondu que le 29 février suivant, sous l'intitulé « votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016 », « Nous vous envoyons dans la journée le détail des stocks par centre de distribution en France. Nous envoyons également cette information pour les centres de Lille et Chalons aux deux huissiers qui se sont présentés dans ces centres ce matin. Pour ce qui est du contact, nous vous suggérons de nous contacter via cet email. Les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock ni aucune information sur le compte Elite Gsm, ce compte étant bloqué depuis le 12 février. Madame Q... vous contactera également dans la journée » ; qu'il était constant qu'entre temps, la société créancière avait réalisé des mesures conservatoires les 29 février et 1er mars 2016, entre les mains de la société Amazon France Logistique, qui en réalité détenait les stocks, soit auprès des centres logistiques d'Amazon de Sevrey, Montélimar, Saran et V..., sur l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 février 2016 ; que la société avait donc répondu sur le champ et précisé sa réponse par deux fois, sur sollicitation de l'huissier, indépendamment des sommations interpellatives ultérieures, consécutives au résultat des saisies opérées sur les sites de la société Amazon France Logistique ; qu'en effet, la société Pixmania faisait délivrer le 2 mars 2016 à la société Amazon France Services une sommation interpellative d'avoir : « à remettre sur le champ le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite Gsm, détenus par la société Amazon FR Logistique » ; que la sommation avait été reçue pour la société Amazon France Services par un nouvel interlocuteur, monsieur R... F..., legal counsel, qui avait répondu : « nous prenons acte de votre demande et allons conduire nos diligences internes afin de répondre à votre question » ; puis que le 3 mars la société Amazon France Services avait répondu : « Nous faisons suite à la sommation interpellative que vous avez signifiée ce matin à la demande de la Selarl I..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania. Nous relevons que cette sommation s'inscrit dans le prolongement des mesures conservatoires nouvellement réalisées entre les mains de la société Amazon FR Logistique, prise en ses quatre centres de distribution respectivement situés à Sevrey, Saran, Montélimar et Lauwin Plan et que cette sommation vise à vous remettre "le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite Gsm, détenus par la société Amazon FR Logistique". / A titre liminaire, nous attirons votre attention sur le fait qu'Amazon France Services est une société de services dont l'activité est étrangère à la gestion et l'exploitation du site Internet www.amazon.fr, la société Amazon FR Logistique assurant de son côté, des prestations de stockage de marchandises proposées notamment sur la place de marché du site Internet www.amazon.fr. En outre, si ce n'est leur affiliation commune, Amazon France Services et Amazon FR Logistique sont deux entités juridiques indépendantes. / Cela dit, nous vous avons, par email daté du 22 février dernier, apporté des informations sur l'état du stock de produits détenu, pour le compte d'Elite Gsm, par Amazon FR Logistique, alors que nous n'étions pas tenus de le faire et qu'Amazon FR Logistique n'était pas visée par une mesure conservatoire. Dès lors, nous ne pouvons que vous confirmer les informations suivantes que nous détenons de la société Amazon FR Logistique : les déclarations faites les 29 février et 1er mars par la société Amazon FR Logistique à la suite de la réalisation entre ses mains de mesures conservatoires comportent déjà le détail du stock détenu à date par chacun de ces centres ainsi que leur valeur. Vous trouverez à cet effet, ci-joint, les éléments d'information communiqués par Amazon FR Logistique aux huissiers instrumentaires » ; que la cour ne pouvait que reprendre à son compte l'analyse objective et pertinente que le juge de l'exécution avait faite des mails adressés les 22 et 29 février 2016 à l'huissier par le service juridique d'Amazon France Services ayant pour objet « votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016 » et retenir, indépendamment des éléments de fait ultérieurs relatifs aux saisies des 29 février et 1er mars 2016 entre les mains de la société Amazon France Logistique, qu'ils complétaient la première réponse faite sur le champ à l'huissier le 12 février 2016 et que les réponses données premièrement sur la valeur des stocks d'Elite Gsm se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France et deuxièmement sur la confirmation que ces stocks étaient bloqués depuis le 12 février 2016, avaient pu légitimement être considérées par le saisissant comme émanant du tiers saisi, ou à tout le moins comme émanant de l'entité du groupe Amazon détentrice du pouvoir de rendre indisponibles les biens saisis ; que le jugement serait donc confirmé en ce qu'il avait retenu la responsabilité de la société Amazon France Services ; que sur le préjudice, en l'espèce, dans les jours qui avaient suivi le 29 février, la concluante avait appris à l'occasion des nouvelles saisies et des sommations interpellatives que la société Amazon France Logistique avait restitué plus de 90% des stocks qu'elle détenait à Elite Gsm, ruinant les chances pour le créancier d'obtenir le remboursement de sa créance ; qu'en effet, il n'était pas contesté qu'à la suite des saisies de stocks réalisées auprès de la société Amazon France Logistique, seuls ceux encore en sa possession au 29 février et 1er mars 2016 avaient pu être appréhendés pour une valeur de 76 979,61 euros, sur une valeur initialement déclarée de 897 597,60 euros, la déperdition de stock depuis le 12 février étant due à l'exécution des ordres de retour auxquels avait procédé la société Elite Gsm depuis cette date, et auxquels Amazon avait obtempéré au motif que le « blocage du compte » mentionné par Amazon France Services n'aurait eu pour seul effet que de bloquer les transactions commerciales depuis la marketplace mais non de s'opposer aux demandes de restitution du la société Elite Gsm ; que la créancière avait obtenu condamnation selon ordonnance de référé du 25 février 2016 de la société Elite Gsm à lui restituer la somme de 740 369,71 euros TTC, et à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et était parvenue à saisir la somme totale de 59 634,09 euros sur les comptes bancaires d'Elite Gsm ; qu'elle avait par ailleurs saisi chez Amazon France Logistique les stocks qu'elle n'avait pas encore restitués le 29 février 2016 à Elite Gsm d'une valeur totale de 76 979,61 euros, et était parvenue à récupérer 15 000 euros à la suite de la vente des fruits des deux saisies de biens meubles corporels conduites chez Elite Gsm ; qu'elle évaluait donc son dommage à la somme de 593 756,01 euros ; que la société Amazon France Services en s'abstenant dans ses réponses de mentionner la marketplace, et le fait que le blocage du stock évoqué le 22 février, ne pouvait concerner que la poursuite des transactions commerciales sur internet, incitant ainsi la société Pixmania à croire au caractère fructueux de la saisie conservatoire du 12 février, avait commis une faute qui était à l'origine du préjudice de la société créancière et pour laquelle elle devait des dommages et intérêts ; que toutefois, il convenait de relever que la société Pixmania disposait d'une autorisation du président du tribunal de commerce de Lille datée du 12 février 2016 visant expressément Amazon France Logistique, mais n'en avait pas fait usage à l'encontre de ladite société et avait attendu de disposer d'un nouveau titre exécutoire (l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 25 février 2016) pour réaliser une mesure conservatoire entre les mains de la société Amazon France Logistique, ce qui avait contribué à son préjudice ; que c'était par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge avait évalué la perte de chance à la somme de 400 000 euros ; que le jugement serait donc infirmé sur ce point, la société Amazon EU étant condamnée au paiement de la somme de 593 756,01 euros et la société Amazon France Services condamnée in solidum à hauteur de 400 000 euros (arrêt, p. 11, al. 4 à 8 ; p. 12, al. 4, à p. 15, al. 6 ; p. 15, al. 8, à p. 16, al. 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'obligation de renseignement de la société Amazon France Services, aux termes de l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. / Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. / Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur » ; qu'aux termes de l'article R. 521-21 alinéas 2 et 3 du même code auquel renvoyait l'article R. 522-5, seuls applicables en matière de saisie conservatoire, l'huissier de justice invitait le tiers saisi « à déclarer les biens qu'il détient pour le compte de celui-ci et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts » ; qu'il résultait des débats et pièces du dossier que dûment autorisée par ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille du même jour, la société Pixmania avait fait pratiquer le 12 février 2016, à l'encontre de la société Elite Gsm et entre les mains de la société Amazon France Services deux saisies conservatoires dont une de biens meubles corporels, notamment des stocks de produits finis, en garantie de sa créance de 600 000 euros en principal ; que cette saisie avait été dénoncée à la société Elite Gsm le 18 février suivant ; qu'il résultait du procès-verbal que l'huissier avait coché la mention : « le tiers détenteur m'a déclaré ne détenir aucun bien appartenant au débiteur. J'en ai pris acte, attirant son attention sur les conséquences possibles et les sanctions rappelées ci-dessous » ; que le procès-verbal avait été signifié au directeur juridique d'Amazon France Services, monsieur Y... Y..., lequel avait déclaré, en outre : « cette société ayant vocation à fournir des services aux autres sociétés du groupe elle n'a aucun stock appartenant à cette société » ; que le 22 février suivant, l'huissier instrumentaire avait interrogé par courriel le service juridique d'Amazon en la personne de monsieur Y... Y..., sur « le montant exact des sommes saisies », et il lui avait été répondu par courriel du même jour provenant de la société Amazon France Services, et intitulé « votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016 » : « Nous revenons vers vous suite à votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016. La valeur totale du stock d'Elite Gsm se trouvant dans les centres de distribution d'Amazon en France s'élève à 897 597,60 euros. Ce stock est réparti dans les quatre centres de distribution d'Amazon.fr Logistique SAS en France et nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 au soir » ; que de nouveau interrogée par l'huissier le 26 février suivant sur la localisation des stocks, à la suite de l'obtention par le créancier de son titre exécutoire contre la société Elite Gsm, la société Amazon France Services avait répondu que le 29 février suivant, toujours sous l'intitulé « votre saisie conservatoire en date du 12 février 2016 », « Nous vous envoyons dans la journée le détail des stocks par centre de distribution en France. Nous envoyons également cette information pour les centres de Lille et Chalons aux deux huissiers qui se sont présentés dans ces centres ce matin. Pour ce qui est du contact, nous vous suggérons de nous contacter via cet email. Les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock ni aucune information sur le compte Elite Gsm, ce compte étant bloqué depuis le 12 février. Madame Q... vous contactera également dans la journée » ; qu'entre-temps, la société Pixmania avait fait procéder le 29 février 2016 à la saisie de stocks auprès de : - l'établissement AFRL de Saran (45), dont la responsable avait déclaré détenir des stocks et mis l'huissier en relation avec Madame Q..., juriste, ayant précisé que les informations n'était pas détenues par le personnel sur site ; - l'établissement AFRL de Sevrey (71), dont le responsable avait déclaré détenir des stocks pour Elite Gsm, désigné à l'huissier le service juridique en la personne de Madame Q..., et indiqué que cette marchandise n'était plus proposée à la vente dès maintenant ; - deux autres dépôts AFRL ayant communiqué immédiatement leurs stocks ; qu'à la suite de ces mesures ayant permis la saisie de stocks d'une valeur totale de l'ordre 76 000 euros, la société Pixmania avait fait sommation à la société Amazon France Services le 2 mars 2016 de remettre le détail intégral et par site des stocks appartenant à la société Elite Gsm, compte tenu de ses réponses des 22 et 29 février 2016, ce à quoi la société Amazon France Services avait répondu par courriel du même jour : « Nous faisons suite à la sommation interpellative que vous avez signifiée ce matin à la demande I..., agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la société Pixmania. Nous relevons que cette sommation s'inscrit dans le prolongement des mesures conservatoires nouvellement réalisées entre les mains de la société Amazon FR Logistique, prise en ses quatre centres de distribution respectivement situés à Sevrey, Saran, Montélimar et Lauwin Plan et que cette sommation vise à vous remettre "le détail intégrai et par site des stocks appartenant à la société Elite Gsm, détenus par la société Amazon FR Logistique". / A titre liminaire, nous attirons votre attention sur le fait qu'Amazon France Services est une société de services dont l'activité est étrangère à la gestion et l'exploitation du site Internet www.amazon.fr. la société Amazon FR Logistique assurant de son côté, des prestations de stockage de marchandises proposées notamment sur la place de marché du site Internet www.amazon.fr. En outre, si ce n'est leur affiliation commune, Amazon France Services et Amazon FR Logistique sont deux entités juridiques indépendantes. / Cela dit, nous vous avons, par email daté du 22 février dernier, apporté des informations sur l'état du stock de produits détenu, pour le compte d'Elite Gsm, par Amazon FR Logistique, alors que nous n'étions pas tenus de le faire et qu'Amazon FR Logistique n'était pas visée par une mesure conservatoire. Dès lors, nous ne pouvons que vous confirmer les informations suivantes que nous détenons de la société Amazon FR Logistique : les déclarations faites les 29 février et 1er mars par la société Amazon FR Logistique à la suite de la réalisation entre ses mains de mesures conservatoires comportent déjà le détail du stock détenu à date par chacun de ces centres ainsi que leur valeur. Vous trouverez à cet effet, ci-joint, les éléments d'information communiqués par Amazon FR Logistique aux huissiers instrumentaires » ; qu'enfin, sommée par la société Pixmania le 4 mars notamment, de justifier de la différence entre la valeur déclarée des stocks par la société Amazon France Services, et de confirmer leur blocage au 12 février, la société Amazon France Logistique (AFRL) avait répondu que les saisies conservatoires dans ses centres de distribution n'avaient été opérées que les 29 février et 1er mars 2016, qu'il n'avait pas été fait usage de l'autorisation du 12 février 2016 et, qu'en l'absence de saisie antérieure « le blocage du compte d'Elite Gsm mentionné par la société Amazon France Services a eu pour effet d'empêcher la réalisation de toutes transactions commerciales depuis la marketplace. Il ne pouvait en revanche empêcher d'éventuelles demandes de restitution formulées par la société Elite Gsm. Or, c'est précisément ce qui s'est passé (...) » ; que pour s'opposer à l'action en responsabilité fondée sur sa négligence fautive dans les réponses par elle apportées à la saisie querellée, la société Amazon France Services fondait l'essentiel de son argumentation sur l'inaction fautive de la société Pixmania dans l'utilisation des autorisations délivrées contre les sociétés de logistique, ainsi que sur sa propre réponse donnée le jour de la saisie, qu'elle estimait satisfactoire ; que s'agissant de l'abstention fautive reprochée à la requérante, il convenait d'observer que celle-ci n'avait pas lieu d'être considérée dans le cadre d'une appréciation portant sur la responsabilité personnelle de la société Amazon France Services quant à son obligation de renseignement en qualité de tiers saisi ; qu'à la date de la saisie, la société Pixmania faisait état de son choix de saisir seulement entre les mains de la holding, à qui, en outre, devait être délivrée une sommation de désigner les entités détentrices de stocks, ainsi qu'entre les mains de la société Amazon France Services, dont le siège social se trouvait au même endroit, mais non entre celles de l'ensemble des centres AFRL, identifiés ou à identifier, et répartis sur l'ensemble du territoire national ; qu'or, si ce choix pouvait être critiquable à certains égards, il ne pouvait être pris en compte que dans le cadre de l'évaluation du préjudice subi par le créancier, mais non au stade de l'appréciation des fautes individuelles des tiers saisis ; qu'à cet égard, la société Amazon France Services se prévalait de sa réponse immédiate lors de la saisie conservatoire, tenant à l'absence de stock entre ses mains, réponse selon elle sans ambiguïté et libératoire à l'égard de la société Pixmania ; qu'il était exact que la société Pixmania ne détenait pas la preuve des déclarations orales que lui aurait faites le président de la société Amazon France Services le jour de la saisie et dont elle faisait état dans ses écritures, et qui tendaient à revenir vers l'huissier avec un état précis des stocks, lesquels auraient fait immédiatement l'objet d'un blocage ; qu'il convenait donc de s'en tenir aux déclarations précitées de la société Amazon France Services effectuées dans le procès-verbal lui-même, lesquelles pouvaient apparaître comme satisfaisantes, dès lors qu'elle se suffisaient à elles-mêmes ; que cependant, quand bien même la défenderesse aurait satisfait sur-le-champ à son obligation déclarative, il ne pouvait être passé outre les réponses données les 22 et 29 février 2016 à l'huissier, certes à sa demande, mais qui, effectuées en référence explicite à la saisie querellée, étaient particulièrement précises et documentées tant sur le volume du stock que sur les effets de la saisie, les termes « nous vous confirmons qu'il a été bloqué depuis le 12 février 2016 », étant également dénués de toute ambiguïté ; qu'ainsi, outre son intitulé explicite, cette réponse, antérieure aux saisies entre les mains d'AFRL, ne pouvait que se rapporter à celle réalisée le 12 février entre les mains de la société Amazon France Services, qui n'indiquait d'ailleurs pas répondre au nom ou pour le compte d'une autre entité du groupe Amazon ; que plus encore, en donnant la précision selon laquelle le stock était bien bloqué depuis l'origine, la société Amazon France Services s'était comportée à tout le moins comme le titulaire de la garde au moins juridique des biens saisis, pouvoir qui ne pouvait être que celui du tiers saisi ; que par conséquent, cette réponse avait pu légitimement être considérée par le saisissant comme émanant du tiers saisi, afin de compléter sa première réponse effectuée immédiatement ; que de surcroît, cette réponse du 22 février ne pouvait qu'être lue en regard de celle également apportée, avec les mêmes références, le 29 février suivant, certes après les saisies chez AFRL, mais dans laquelle la société Amazon France Services était clairement apparue comme l'interlocuteur légitime du créancier saisissant, y compris dans le cadre de saisies concernant d'autres entités du groupe, auxquelles toute légitimité pour répondre avait été déniée sans équivoque par la précision : « les équipes locales n'ont pas accès aux informations sur le stock », ce qui s'était avéré exact pour au moins deux centres de stockage ; que dès lors, il résultait de ces énonciations que la société Amazon France Services, qui s'était comportée postérieurement à sa première réponse comme l'interlocuteur unique de la société Pixmania concernant l'assiette de la saisie et, surtout, comme la détentrice du pouvoir de rendre indisponibles les biens saisis, ne pouvait à ce jour et de bonne foi s'abriter derrière sa réponse faite à l'huissier le 12 février 2016 pour dénier sa qualité de tiers saisi, dont toute réponse engageait nécessairement la responsabilité ; qu'ainsi, la réponse faite par la société Amazon France Services dans le cadre de la sommation du 2 mars, et où elle se prévalait, pour la première fois, de sa qualité de « société de services » n'assurant aucune prestation de stockage et étrangère aux centres de distribution, ne pouvait suffire à l'exonérer de sa responsabilité engagée par ses précédentes réponses en qualité de tiers saisi ; que sur le manquement de la société Amazon France Services et le préjudice causé à la société Pixmania, il était constant qu'à la suite des saisies de stocks réalisées auprès d'AFRL, seuls ceux encore en sa possession au 29 février et 1er mars 2016 avaient pu être appréhendés, soit pour une valeur de 76 979,61 euros ; qu'en effet, la déperdition de stock depuis le 12 février était due à l'exécution des ordres de retour auxquels avait procédé la société Elite Gsm depuis cette date, et auxquels Amazon avait obtempéré dès lors que le « blocage du compte » mentionné par la société Amazon France Services n'aurait eu pour seul effet que de bloquer les transactions commerciales depuis la marketplace mais non de s'opposer aux demandes de restitution du la société Elite Gsm ; que dès lors, l'absence d'indisponibilité des biens dès la saisie avait rendu possible la disparition de stocks d'une valeur initiale de 820 617,99 euros, selon les propres déclarations de la société Amazon France Services ; que la société Pixmania qui avait pu légitimement se fonder sur les réponses apportées par la société Amazon France Services les 22 et 29 février 2016, ne pouvait en aucune manière déduire de celles-ci, qui n'évoquaient ni la marketplace, ni une autre entité juridique en qualité de gardienne des stocks, que le blocage du stock évoqué le 22 février, ne pouvait concerner que la poursuite des transactions commerciales sur internet ; que pour sa part, la société Amazon France Services ne pouvait aujourd'hui sérieusement soutenir qu'elle se serait contentée, de bonne foi, de donner des informations au saisissant sans rapport avec les effets juridiques attendus d'une saisie, sous couvert d'une organisation interne – non étayée par le dossier – sectorisée et confiée à des entités juridiques distinctes, dont le degré de complexité rendait difficile voire impossible l'identification d'un responsable compétent pour ses interlocuteurs même auxiliaires de justice ; que par conséquent, il devait être considéré que les réponses tardives et, à tout le moins, inexactes données par la société Amazon France Services à la société Pixmania et l'ayant incité à croire au caractère fructueux de la saisie conservatoire du 12 février engageaient sa responsabilité sur le fondement de l'article R. 521-21 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'eu égard à la jurisprudence, constante bien que rendue en matière de saisie-attribution, qui estimait que le tiers saisi qui n'était tenu à aucune obligation envers le débiteur ne pouvait qu'être condamné à des dommages et intérêts, mais non aux causes de la saisie, il n'y avait pas lieu d'appliquer cette sanction à la société Amazon France Services dont l'absence d'obligation envers le débiteur principal n'était pas contestée ; qu'il en résultait que la société Amazon France Services serait ainsi tenue du préjudice résultant pour la société Pixmania de sa perte de chance de saisir des stocks d'un montant supérieur à sa créance ; qu'il serait toutefois tenu compte, dans l'évaluation du préjudice, de l'abstention fautive du créancier saisissant, muni dès l'origine d'une autorisation de saisir l'ensemble des entités Amazon et qui avait concouru à la réalisation de son dommage ; qu'au final, la société Amazon France Services devrait indemniser maître X... I... en qualité de liquidateur de la société Pixmania de cette perte de chance à hauteur de la somme de 400 000 euros, somme à laquelle elle serait condamnée (jugement, pp. 6 à 10) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation légale de renseignement et n'encourt aucune responsabilité au titre de cette obligation ; que la cour d'appel avait constaté que, selon les mentions du procès-verbal de saisie établi le 12 février 2016, la société Amazon France Services avait répondu sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la débitrice, ce dont il résultait que l'obligation légale du tiers requis avait été entièrement et correctement remplie ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Amazon France Services au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de renseignement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le tiers, qui déclare sur-le-champ à l'huissier instrumentaire être un simple tiers dénué de lien de droit avec le débiteur, a par là-même rempli son obligation de renseignement, peu important la teneur de ses éventuels échanges postérieurs avec l'huissier instrumentaire, lesquels sont insusceptibles de lui être imputés à faute ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir une prétendue faute de la société Amazon France Services, sur la teneur des courriers électroniques adressés les 22 et 29 février 2016 par celle-ci en réponse à l'huissier instrumentaire, donc en se déterminant en considération d'échanges postérieurs au 12 février 2016, cependant qu'il avait été constaté que l'obligation de renseignement avait été respectée à cette date, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE toute décision doit être motivée et il est fait interdiction au juge de statuer par voie de pure et simple affirmation ; qu'en énonçant, pour en déduire que les courriers électroniques des 22 et 29 février 2016 seraient venus compléter la réponse supposée incomplète faite sur-le-champ à l'huissier instrumentaire par la société Amazon France Services, que le président de cette société avait indiqué oralement audit huissier qu'Amazon reviendrait vers la société Pixmania, créancier saisissant, pour compléter sa réponse avec un état des stocks détenus par les sociétés Amazon et que consigne avait d'ores et déjà été passée d'un blocage desdits stocks, sans préciser de quel élément de preuve elle tirait de telles déclarations orales non consignées au procès-verbal de saisie, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la déclaration, faite par le tiers à l'huissier instrumentaire, de son absence de détention de tout bien pour le compte du débiteur exclut toute croyance légitime du saisissant en un pouvoir de ce tiers de rendre ledit bien indisponible ; que l'arrêt avait constaté que la société Amazon France Services avait déclaré sur-le-champ à l'huissier instrumentaire ne détenir aucun stock pour le compte de la société Elite Gsm, débitrice, d'où il suivait que le créancier saisissant n'avait pu légitimement croire que la société Amazon France Services aurait eu un quelconque pouvoir de rendre les stocks indisponibles ; qu'en retenant au contraire que le saisissant avait pu légitimement considérer que la société Amazon France Services avait le pouvoir de rendre indisponibles les stocks d'Elite Gsm se trouvant dans les centres de distribution d'« Amazon en France », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article R. 221-13 du même code ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE le créancier saisissant, qui, après s'être fait autoriser judiciairement à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de plusieurs personnes regardées comme potentiellement détentrices de stocks appartenant à son débiteur, choisit de ne pratiquer cette saisie qu'entre les mains de certaines des personnes concernées et s'abstient de le faire à l'égard de l'une d'elles qui se révèle en définitive seule détentrice des stocks, commet par sa négligence une faute entièrement causale du préjudice né du retrait des stocks par le débiteur ; que l'arrêt avait constaté que l'ordonnance d'autorisation de saisie conservatoire obtenue par la société Pixmania, créancier saisissant, avait visé conjointement les trois sociétés Amazon EU, Amazon France Services et Amazon France Logistique et que le créancier saisissant avait néanmoins fait le choix de ne pas pratiquer immédiatement la saisie auprès de l'ensemble de ces trois sociétés, attendant dix-sept jours pour la pratiquer auprès de la troisième société susmentionnée, qui s'était révélée être seule détentrice des stocks ; qu'en retenant que ce comportement du créancier saisissant était seulement de nature à réduire le montant de son préjudice réparable, cependant qu'en réalité, cette faute entièrement causale le privait de tout droit à réparation, la cour d'appel a violé les articles L. 123-1, R. 522-5 et R. 221-21 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1240 du code civil.Le greffier de chambre

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3 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 20-10.685, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 20-10.685, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 4 février 2021



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 107 F-P+I
Pourvoi n° C 20-10.685




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 FÉVRIER 2021

La société L'Araignée de la roche, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 20-10.685 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune de Saint-Firmin, représentée par son maire en exercice, domicilié [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société L'Araignée de la roche, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la commune de Saint-Firmin, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 2019), la société L'Araignée de la roche, propriétaire d'une parcelle sur la commune de Saint-Firmin, a obtenu l'annulation de l'arrêté lui refusant le permis de construire un hangar sur ce terrain.
2. Elle a, ensuite, assigné devant un tribunal de grande instance la commune de Saint-Firmin, auprès de laquelle elle avait acquis cette parcelle, à fin d'obtenir l'annulation de la vente.
3. Par un jugement en date du 5 février 2018, le tribunal l'a déboutée de ses demandes.
4. Un appel de ce jugement a été relevé par une déclaration d'appel formée au nom de la société L'Araignée sous la roche.
5. Par une ordonnance du 28 mai 2019, le conseiller de la mise en état a dit nulle la déclaration d'appel et irrecevables les conclusions déposées par la « SCI L'Araignée sous la Roche ».
6. La société L'Araignée de la roche a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société L'Araignée de la roche fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à déféré et de maintenir l'ordonnance du 28 mai 2019, qui dit que sa déclaration d'appel était nulle et déclare irrecevables les conclusions déposées par elle, alors « qu'une erreur relative à la dénomination de la personne morale ne la prive pas de la capacité d'ester en justice, qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'une simple irrégularité de forme susceptible d'être régularisée ; qu'en décidant qu'en raison de la désignation de la société L'Araignée de la Roche par le nom L'Araignée « sous » la Roche, dans les actes de procédure, la procédure concernerait une société inexistante dépourvue de capacité d'ester en justice et que cette irrégularité serait une irrégularité de fond qui ne serait pas susceptible d'être couverte, la cour d'appel a violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 114 et 117 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes que, dans un acte de procédure, l'erreur relative à la dénomination d'une partie n'affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief.
9. Pour dire n'y avoir lieu à déféré et maintenir l'ordonnance du 28 mai 2019, l'arrêt retient que c'est par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le conseiller de la mise en état a dit que « la SCI L'Araignée sous la Roche » n'avait pas la capacité d'ester en justice puisqu'elle n'avait pas d'existence juridique et que l'inexistence d'une personne morale qui agit en justice n'est pas une irrégularité susceptible d'être couverte.
10. En statuant ainsi, alors que la désignation de la société l'Araignée de la roche sous le nom de L'Araignée sous la roche dans la déclaration d'appel et les conclusions, qui s'analysait, en réalité, en une erreur de dénomination de la société, constituait un vice de forme, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la commune de Saint-Firmin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de Saint-Firmin et la condamne à payer à la société L'Araignée de la roche la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société L'Araignée de la roche

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à déféré et d'avoir maintenu l'ordonnance du 28 mai 2019 qui a dit que la déclaration d'appel de la SCI L'Araignée sous la Roche est nulle et déclaré irrecevables les conclusions déposées par la SCI L'Araignée de la Roche ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice.
C'est par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le conseiller de la mise en état a dit que la « SCI L'Araignée sous la Roche » n'a pas la capacité d'ester en justice puisqu'elle n'a pas d'existence juridique.
Il est de jurisprudence constante que l'inexistence d'une personne morale qui agit en justice n'est pas une irrégularité susceptible d'être couverte.
C'est en vain que « la SCI L'Araignée de la Roche » invoque une simple erreur matérielle sans conséquence, susceptible d'être régularisée alors que :
- toute la procédure de première instance depuis l'acte introductif d'instance jusqu'au jugement concerne une société inexistante,
- aucune rectification d'erreur matérielle du jugement ne pourrait être sollicitée dès lors que l'erreur n'émane pas de la juridiction qui a rendu la décision.
1°- ALORS QU'une erreur relative à la dénomination de la personne morale ne la prive pas de la capacité d'ester en justice, qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'une simple irrégularité de forme susceptible d'être régularisée ; qu'en décidant qu'en raison de la désignation de la société L'Araignée de la Roche par le nom L'Araignée « sous » la Roche, dans les actes de procédure, la procédure concernerait une société inexistante dépourvue de capacité d'ester en justice et que cette irrégularité serait une irrégularité de fond qui ne serait pas susceptible d'être couverte, la Cour d'appel a violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QUE la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater l'existence pour la commune de Saint-Firmin d'un grief résultant de la désignation de la société L'Araignée de la Roche par la dénomination L'Araignée sous la Roche, la Cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile ;
3°- ALORS QUE l'erreur matérielle imputable à une partie, dès lors qu'elle ne consiste pas en l'omission d'un acte de procédure incombant à celle-ci, ne fait pas obstacle à une demande de rectification ; qu'en énonçant qu'aucune rectification d'erreur matérielle du jugement concernant la dénomination de la société L'Araignée de la Roche ne pourrait être sollicitée dès lors que l'erreur n'émane pas de la juridiction qui a rendu la décision, la Cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile.

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4 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.615, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.615, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 4 février 2021



Rejet

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 103 F-P+I
Pourvoi n° M 19-23.615








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 FÉVRIER 2021
1°/ M. H... F...,
2°/ Mme Y... G..., épouse F...,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° M 19-23.615 contre l'arrêt rendu le 16 août 2019 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société Banque Courtois, société anonyme, dont le siège est [...] , successeur de l'ancienne maison Courtois & Cie depuis 1760, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de M. et Mme F..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Banque Courtois, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 août 2019), M. et Mme F... ont été condamnés, l'un par un jugement du 11 avril 2006, et l'autre, par un arrêt du 4 mars 2008, à payer diverses sommes à la société banque Courtois (la banque).
2. M. et Mme F... ont fait assigner la banque devant un juge de l'exécution, en vue de la mainlevée de diverses mesures conservatoires et d'exécution forcée, que cette dernière avait pratiquer à leur encontre, puis ont relevé appel du jugement rejetant leurs demandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable, et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de rejeter leurs contestations relatives à la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax du 11 avril 2006 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et, en conséquence, de rejeter les demandes tendant à voir juger non avenu le jugement précité, juger nuls et de nul effet les actes d'exécution réalisés en vertu de ce jugement, ordonner la mainlevée des inscriptions prises au service de la publicité foncière de Rennes 3 le 24 février 2016 et les 24 et 25 mai 2016 et ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement des parts sociales de M. F... dans la société RKcom, et de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'une signification ne peut intervenir selon ces modalités que dans le cas où les diligences nécessaires, que l'huissier de justice est tenu d'accomplir, n'ont permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l'acte doit être signifié ; qu'elle en a déduit que ces démarches étaient « nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire » ; que, pour juger que la signification du 31 août 2006 était régulière et ne saurait être annulée, la cour d'appel a relevé que « le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat que le destinataire de l'acte n'habite pas à l'adresse indiquée, les démarches auprès de la mairie et de la gendarmerie, les recherches sur Minitel, ainsi que celles effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée par son destinataire » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que l'huissier connaissait l'adresse en poste restante des époux F... à Tosse, de sorte qu'il lui appartenait, avant de délivrer l'acte, de procéder aux vérifications nécessaires à Tosse, village de 2 000 habitants situé à proximité de Seignosse, pour pouvoir effectuer une signification à personne, la cour d'appel a violé les articles 659 et 693 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification ; que cette seconde formalité d'information en dernier recours, faute d'avoir retrouvé le destinataire de l'acte, doit être faite à la « dernière adresse connue », laquelle peut-être une adresse en poste restante ; qu'en l'espèce, en jugeant la signification du 31 août 2006 régulière cependant que les lettres recommandées et simples dont l'envoi est prévu par l'article 659 du code de procédure civile n'avaient pas été envoyés à l'adresse connue en « poste restante » de M. F..., la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.
6. Il ressort des énonciations de l'arrêt, se référant aux dernières conclusions d'appel déposées pour M. et Mme F..., que, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, ces derniers se bornaient à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejetée par ce jugement.
7. Il en résulte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme F... et les condamne à payer à la société Banque Courtois la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme F...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les contestations de Mme F... relatives à la validité de la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Pau, du 4 mars 2008, effectuée le 11 juin 2008 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et d'avoir, en conséquence, rejeté ses demandes tendant à voir déclarer nuls les actes d'exécution réalisés en vertu de cet arrêt, à voir ordonner la mainlevée des inscriptions d'hypothèques des 24 février 2016 et 24 et 25 mai 2016 et la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 1er février 2017 par la Banque Courtois sur le compte ouvert au nom de Mme F... auprès du CIC Ouest et d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour saisies abusives ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la mainlevée de la saisie-attribution ; Que Mme F... conteste la validité du titre exécutoire fondant la saisie, en faisant valoir que la Banque Courtois a volontairement fait signifier l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 4 mars 2008 à l'adresse de Seignosse, alors qu'elle était informée, notamment par le biais de l'acte notarié du 21 juin 2006, de son déménagement ;qu'il résulte des mentions du procès-verbal établi par l'huissier de justice le 11 juin 2008 qu'aux fins de signifier à Mme F... l'arrêt rendu le 4 mars 2008 par la cour d'appel de Pau, l'huissier s'est présenté le 11 juin 2008 à la dernière adresse connue de Mme F... "[...] ", telle qu'elle figurait dans la décision, et que sur place, ce dernier relate :"J'ai appris que la maison a été vendue depuis deux ans.Sur la boîte aux lettres, figurent maintenant les noms de C... et Q....Mme J... Y... est partie sans laisser d'adresse et est recherchée par beaucoup de monde (gendarmerie, police, etc.)Les voisins et les commerçants du quartier m'ont déclaré que l'intéressée serait peut-être repartie en Hollande, son pays d'origine, sans laisser d'adresse précise.Les services de la mairie, du commissariat et de la gendarmerie n'ont pu me fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle "du sus-nommé."Les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée étant restées vaines et aucune information n'ayant pu être recueillie sur ce point [...]"
qu'ainsi, la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Pau a été faite à l'adresse du dernier domicile connu de Mme F..., et le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat de l'absence du nom du destinataire sur la boîte aux lettres, les déclarations des voisins et commerçants, les démarches auprès de la mairie, du commissariat et de la gendarmerie, ainsi que les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée, démarches nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire ;que Mme F... considère que la signification aurait dû être faite à Tosse 40230 "Poste restante", comme il est mentionné dans l'acte notarié de mainlevée d'hypothèque judiciaire du 21 juin 2006 ;que s'il convient en effet de relever, à l'instar du premier juge, que le 28 août 2006, l'huissier de justice a signifié une sommation de payer à Mme F... à cette adresse, démontrant par la même qu'il avait bien connaissance de cet élément, il demeure que suivant l'article 655 du code de procédure civile, la signification doit d'abord être faite à domicile et à défaut de domicile connu à résidence ;qu'or, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la poste restante, même si elle est la seule adresse connue n'entraîne pas une résidence dans la commune du bureau de poste indiqué, ce procédé permettant aux personnes sans adresse fixe ou de passage de récupérer leur courrier, ou encore dans un souci de confidentialité de ne pas divulguer leur adresse ;qu'il s'ensuit que la domiciliation en poste restante ne permet pas d'opérer une signification régulière, de sorte qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir fait signifier l'arrêt à Mme F... à cette adresse de poste restante puisqu'elle ne constitue pas un domicile ou une résidence ;que d'autre part, Mme F... ne démontre pas que la banque avait connaissance d'une autre adresse et qu'elle aurait volontairement choisi de signifier l'acte à Seignosse, en fraude de ses droits, alors que la Banque Courtois a fait diligenter, fin 2006, une enquête auprès du Cabinet Flemming's qui confirme que le domicile des époux F... était [...] , et que, d'autre part, l'extrait kbis au 17 août 2007 mentionne que la société RKT Logistique avait pour gérante Mme F... demeurant "[...] ." ;que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté les contestations relatives à la validité de la signification du 11 juin 2008 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile » ().Sur la demande en paiement de dommages-intérêtsQue les époux F... demandent la condamnation de la Banque Courtois au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent à celui des intérêts réclamés à chacun d'eux, en faisant valoir que les procédures d'exécution dont ils ont fait l'objet seraient abusives en raison du comportement fautif et négligent du créancier. Mais, dès lors que les contestations des époux F... concernant la validité des mesures d'exécution ont été rejetées, la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédures d'exécutions forcées abusives est dénuée de fondement » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l'existence d'un titre exécutoire ;que suivant l'article L 111-2 du code des procédures civiles et d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ;qu'il convient donc d'apprécier si le créancier poursuivant dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre de madame F... ;
Sur le moyen tiré de la nullité de la signification de l'arrêt du 4 mars 2008 effectué le 11 juin 2008 ;qu'il convient de rappeler que suivant l'article 654 du code de procédure civile : « La signification doit être faite à personne ».L'article 655 dudit code précise que :« Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ».Et, l'article 659 prévoit notamment que « Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. ».qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 4 mars 2008 a été signifié à madame F... par acte d'huissier du 11 juin 2008 remis selon les modalités de l'article 659 dudit code ;que l'huissier de justice indique sur le procès-verbal dressé le 11 juin 2008 qu'il s'est rendu à l'adresse « [...] » déclarée par le créancier poursuivant comme étant l'adresse de la dernière demeure connue du débiteur et que sur place :« j'ai appris que la maison a été vendue depuis deux ans ;Madame F... est partie sans laisser d'adresse et est recherchée par beaucoup de monde (gendarmerie, police, ..) ;les voisins et les commerçants du quartier m'ont déclaré que l'intéressée serait peut-être repartie en Hollande, son pays d'origine, sans laisser d'adresse précise ;les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée étant restée vaines et aucune information n'ayant pu être recueillie sur ce point (...) ;une copie du présent procès-verbal (..) a été envoyée, ce jour (...) à la dernière adresse connue (...) » ;que Madame F... considère que la signification aurait dû être faite à l'adresse suivante « Poste restante » à Tosse, puisqu'elle n'était plus domiciliée à Seignosse et n'y résidait pas et que cette « Poste restante » étant connue du créancier poursuivant ;qu'il convient en effet de relever que le 28 août 2006, l'huissier de justice a signifié une sommation de payer à monsieur et madame F... à l'adresse suivante « Poste restante [...] », démontrant par là même qu'il avait bien connaissance de cet élément » ;que cependant, il y a lieu de rappeler que suivant l'article 655 sus-cité, la signification doit d'abord être faite à domicile et à défaut de domicile connu à résidence ;que la résidence doit être stable et ne peut être un lieu de passage éphémère ;qu'il en est ainsi de la poste restante qui, même si elle est la seule adresse connue, n'entraîne pas une résidence dans la commune du bureau de poste indiqué (en ce sens CA Douai, 12 juin 1962, JCP A 1963, IV, 4270) ;qu'une signification à une poste restante n'est ainsi pas valable (en ce sens CA Nîmes, 8 avril 2010, n°10/01919) et il ne peut donc être reproché à la banque de ne pas avoir signifié le jugement à madame F... à cette adresse de poste restante puisqu'elle ne constitue pas un domicile ou une résidence ;que Madame F... n'apporte aucun élément sur son lieu de domicile ou sa résidence quand le jugement lui a été signifié ;qu'il n'est pas produit de pièce démontrant que l'huissier de justice aurait pu trouver un autre domicile ou une autre résidence alors que ce dernier relate précisément les différentes diligences entreprises à cette fin ;qu'il n'est pas contesté par madame F..., ainsi qu'il résulte des pièces produites aux débats, que le domicile de Seignosse constituait bien son dernier domicile connu le 11 juin 2008 ;qu'il convient à ce titre de relever que suivant l'extrait K bis extrait au 17 août 2007 que la SARL RKT Logistique avait pour gérante madame F... demeurant [...] ;qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la signification contestée » ;
1) ALORS QUE lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que l'huissier doit effectuer toutes les démarches utiles permettant de retrouver le domicile ou la résidence du destinataire de la signification, notamment en procédant aux vérifications nécessaires auprès des administrations et des services fiscaux ; qu'en l'espèce, ainsi que le soulignaient les exposants (conclusions, p. 9 § 1-3), le 10 avril 2008 - soit avant la signification litigieuse du 11 juin 2008 -, les époux F... avaient fait publier l'acte de vente du 27 mars 2008 par lequel ils étaient devenus propriétaires de la maison sise à « [...] ) ; qu'en retenant toutefois que les diligences accomplies par l'huissier pour retrouver le domicile de la débitrice auraient été suffisantes, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il avait procédé aux vérifications nécessaires auprès des services de la publicité foncière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification ; que cette seconde formalité d'information en dernier recours, faute d'avoir retrouvé le destinataire de l'acte, doit être faite à la « dernière adresse connue », laquelle peut-être une adresse en poste restante ; qu'en l'espèce, en jugeant la signification du 11 juin 2008 régulière cependant que les lettres recommandées et simples dont l'envoi est prévu par l'article 659 du code de procédure civile n'avaient pas été envoyés à l'adresse en poste restante de Mme F... dont l'huissier avait pourtant connaissance, la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la fraude corrompt tout, de sorte que la nullité d'une signification peut également être prononcée lorsqu'il est démontré que le créancier a sciemment diligenté une procédure à une adresse "non effective" ; qu'en l'espèce, les exposants démontraient que la Banque Courtois savait que les époux F... ne résidaient plus « [...] », puisqu'elle avait été désintéressée sur le prix de vente de leur maison située à cette adresse ; qu'ils soulignaient en outre que la banque, qui aurait pu aisément s'enquérir par courriel de leur lieu de résidence, avait usé de manoeuvres pour engager une procédure judiciaire à leur insu, et ce afin « de se procurer facilement un titre exécutoire » (conclusions, p. 7) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque n'avait pas agi en fraude de leurs droits pour obtenir à moindre frais un titre exécutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les contestations de M. F... relatives à la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax du 11 avril 2006 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et d'avoir, en conséquence, rejeté les demandes tendant à voir juger non avenu le jugement précité, juger nuls et de nul effet les actes d'exécution réalisés en vertu de ce jugement, ordonner la mainlevée des inscriptions prises au service de la publicité foncière de Rennes 3 le 24 février 2016 et les 24 et 25 mai 2016 et ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement des parts sociales de M. F... dans la société RKcom, et d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la mainlevée du nantissement de parts sociales que M. F... conteste également la validité du titre exécutoire fondant le nantissement de parts sociales, en faisant valoir que la Banque Courtois a volontairement fait signifier le jugement du tribunal de commerce de Dax du 11 avril 2006 à l'adresse de Seignosse, alors qu'elle était informée, notamment par le biais de l'acte notarié du 21 juin 2006, de son déménagement ;qu'il résulte des mentions du procès-verbal établi par l'huissier de justice le 31 août 2006 qu'aux fins de signifier à M. F... le jugement rendu le 11 avril 2006 par le tribunal de commerce de Dax, l'huissier s'est présenté le 31 août 2006 à la dernière adresse connue de M. F... "Villa "[...] ", telle qu'elle figurait dans les énonciations de la décision, et que sur place, ce dernier relate :"Je n'ai pu rencontrer M. J... R..., ce dernier n'habitant pas à l'adresse indiquée. De l'enquête diligentée, il s'avère que le défendeur est inconnu sur place.Les services de la mairie et de la gendarmerie n'ont pu me fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle du sus-nommé.Les recherches effectuées sur Minitel se sont avérées infructueuses. Les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée étant restées vaines et aucune information n'ayant pu être recueillie sur ce point [...]"qu'ainsi, la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax a été faite à l'adresse du dernier domicile connu de M. F..., et le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat que le destinataire de l'acte n'habite pas à l'adresse indiquée, les démarches auprès de la mairie et de la gendarmerie, les recherches sur Minitel, ainsi que celles effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée, démarches nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire ;que M. F... considère, comme son épouse, que la signification aurait dû être faite à Tosse 40230 "Poste restante", comme il est mentionné dans l'acte notarié de mainlevée d'hypothèque judiciaire du 21 juin 2006 ;qu'ainsi que la cour l'a précédemment relevé, si l'huissier de justice a, le 28 août 2006, signifié une sommation de payer à Mme F... à cette adresse, démontrant par la même qu'il avait bien connaissance de celle-ci, il demeure toutefois que suivant l'article 655 du code de procédure civile, la signification doit d'abord être faite à domicile et à défaut de domicile connu à résidence ;que comme il a été précédemment énoncé, la poste restante, même si elle est la seule adresse connue n'entraîne pas une résidence dans la commune du bureau de poste indiqué, ce procédé permettant aux personnes sans adresse fixe ou de passage de récupérer leur courrier, ou encore dans un souci de confidentialité de ne pas divulguer leur adresse ;qu'il s'ensuit que la domiciliation en poste restante ne permet pas d'opérer une signification régulière, de sorte qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir signifié le jugement à M. F... à cette adresse de poste restante puisqu'elle ne constitue pas un domicile ou une résidence ;que d'autre part, M. F... ne démontre pas que la banque avait connaissance d'une autre adresse et qu'elle aurait volontairement choisi de signifier l'acte à Seignosse, en fraude de ses droits, alors que la Banque Courtois a fait diligenter, fin 2006, une enquête auprès du Cabinet Flemming's qui confirme que les époux F... étaient domiciliés "[...] ", et que, d'autre part, si M. F... disposait d'une adresse professionnelle à Vitré, il demeure que les recherches n'ont pu permettre d'identifier un abonnement téléphonique et que sa résidence principale était bien celle située à Seignosse ;que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté les contestations relatives à la validité de la signification du 31 août 2006 effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. () ;
Sur la demande en paiement de dommages-intérêtsque les époux F... demandent la condamnation de la Banque Courtois au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent à celui des intérêts réclamés à chacun d'eux, en faisant valoir que les procédures d'exécution dont ils ont fait l'objet seraient abusives en raison du comportement fautif et négligent du créancier ;mais, que dès lors que les contestations des époux F... concernant la validité des mesures d'exécution ont été rejetées, la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédures d'exécutions forcées abusives est dénuée de fondement » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la demande de mainlevée du nantissement judiciaire provisoire de parts sociales.Sur le moyen tiré de la nullité de la signification du jugement du tribunal de commerce de Dax rendu le 11 avril 2006 et signifié le 31 août 2006 ;qu'il convient de rappeler que suivant l'article 654 du code de procédure civile : « La signification doit être faite à personne ».L'article 655 dudit code précise que :« Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence ;que l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification » ;que l'article 659 prévoit notamment que « Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte » ;qu'en l'espèce, le jugement du 11 avril 2006 rendu par le tribunal de commerce de Dax a été signifié à Monsieur F... par acte d'huissier du 31 août 2006 remis selon les modalités de l'article 659 dudit code ;que l'huissier de justice indique sur le procès-verbal dressé le 31 août 2006 qu'il s'est rendu à l'adresse « [...] » déclarée par le créancier poursuivant comme étant l'adresse de la dernière demeure connue du débiteur et que sur place :« je n'ai pu rencontrer monsieur F... (...) ce dernier n'habitant pas à l'adresse indiquée. De l'enquête diligentée, il s'avère que le défendeur est inconnu sur place.Les services de la mairie et de la gendarmerie n'ont pu me fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle du sus-nommé ;les recherches effectuées sur Minitel se sont avérées infructueuses ;les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée étant restée vaines et aucune information n'ayant pu être recueillie sur ce point (..) ;une copie du présent procès-verbal (...) a été envoyée, ce jour (..) à la dernière adresse connue (...) » ;que Monsieur F... considère que la signification aurait dû être faite à l'adresse suivante « Poste restante » à Tosse, puisqu'il n'était plus domicilié à Seignosse et n'y résidait pas et que cette « Poste restante » étant connue du créancier poursuivant ;qu'il convient en effet de relever que le 28 août 2006, soit trois jours avant la signification contestée, l'huissier de justice a signifié une sommation de payer à monsieur F... à l'adresse suivante « Poste restante [...] », démontrant par là même qu'il avait bien connaissance de cet élément ;que cependant, il y a lieu de rappeler que suivant l'article 655 sus-cité, la signification doit d'abord être faite à domicile et à défaut de domicile connu à résidence ;que la résidence doit être stable et ne peut être un lieu de passage éphémère ;qu'il en est ainsi de la poste restante qui, même si elle est la seule adresse connue, n'entraîne pas une résidence dans la commune du bureau de poste indiqué (en ce sens CA Douai, 12 juin 1962, JCP A 1963, IV, 4270) ;qu'une signification à une poste restante n'est ainsi pas valable (en ce sens CA Nîmes, 8 avril 2010, n°10/01919) et il ne peut donc être reproché à la banque de ne pas avoir signifié le jugement à monsieur F... à cette adresse de poste restante puisqu'elle ne constitue pas un domicile ou une résidence ;que Monsieur F... n'apporte aucun élément sur son lieu de domicile ou sa résidence quand le jugement lui a été signifié ;qu'il n'est pas produit de pièce démontrant que l'huissier de justice aurait pu trouver un autre domicile ou une autre résidence alors que ce dernier relate précisément les différentes diligences entreprises à cette fin ;qu'or, il n'est pas contesté par monsieur F..., ainsi qu'il résulte des pièces produites aux débats, que le domicile de Seignosse constituait bien son dernier domicile connu le 31 août 2006 ;qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la signification contestée étant observé au surplus que monsieur F... n'a pas fait état à ce titre d'un grief » ;
1) ALORS QUE lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'une signification ne peut intervenir selon ces modalités que dans le cas où les diligences nécessaires, que l'huissier de justice est tenu d'accomplir, n'ont permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l'acte doit être signifié ; que, pour juger que la signification du 31 août 2006 était régulière et ne saurait être annulée, la cour a relevé que « le procès-verbal mentionne les vérifications faites sur place par l'huissier, le constat que le destinataire de l'acte n'habite pas à l'adresse indiquée, les démarches auprès de la mairie et de la gendarmerie, les recherches sur Minitel, ainsi que celles effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée » (arrêt, p. 6, in fine) ; qu'elle en a déduit que ces démarches étaient « nécessaires et suffisantes pour caractériser l'impossibilité pour l'huissier de remettre l'acte à son destinataire » (arrêt, p. 6, in fine) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que l'huissier connaissait l'adresse en poste restante des époux F... à Tosse, de sorte qu'il lui appartenait, avant de délivrer l'acte, de procéder aux vérifications nécessaires à Tosse, village de 2.000 habitants situé à proximité de Seignosse, pour pouvoir effectuer une signification à personne, la cour d'appel a violé les articles 659 et 693 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE subsidiairement, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification ; que cette seconde formalité d'information en dernier recours, faute d'avoir retrouvé le destinataire de l'acte, doit être faite à la « dernière adresse connue », laquelle peut-être une adresse en poste restante ; qu'en l'espèce, en jugeant la signification du 31 août 2006 régulière cependant que les lettres recommandées et simples dont l'envoi est prévu par l'article 659 du code de procédure civile n'avaient pas été envoyés à l'adresse connue en « poste restante » de M. F..., la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la fraude corrompt tout, de sorte que la nullité d'une signification peut également être prononcée lorsqu'il est démontré que le créancier a sciemment diligenté une procédure à une adresse "non effective" ; qu'en l'espèce, les exposants démontraient que la Banque Courtois savait que les époux F... ne résidaient plus au lieu de signification, puisqu'elle avait été désintéressée sur le prix de vente de leur maison à Seignosse ; qu'ils soulignaient en outre que la banque, qui aurait pu aisément s'enquérir par courriel de leur lieu de résidence, avait usé de manoeuvres pour engager une procédure judiciaire à leur insu, et ce afin « de se procurer facilement un titre exécutoire » (conclusions, p. 7) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque n'avait pas agi en fraude de leurs droits pour obtenir à moindre frais un titre exécutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
4) ALORS QU'en retenant - à supposer ce motif adopté – que M. F... n'aurait pas fait état d'un grief résultant de l'irrégularité alléguée (jugement, p. 9 § 6), cependant que M. F... soutenait au contraire que, d'une part, il n'avait pas été en mesure de présenter sa défense dans des conditions conformes au droit à un procès équitable, et, d'autre part, qu'il n'avait appris qu'en 2016 qu'il était toujours le débiteur de la banque, de sorte que le montant des intérêts réclamés était devenu exorbitant (conclusions, p. 10-11), la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

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5 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 16-19.691, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 16-19.691, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation partielle

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 février 2021



Cassation partielle

Mme BATUT, président


Arrêt n° 108 FS-P
Pourvoi n° J 16-19.691



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021
M. I... Y... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 16-19.691 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société [...], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. Y... , de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2016), M. Y..., avocat associé au sein de la société d'avocats [...] (la société d'avocats), était en arrêt maladie depuis le 6 février 2013 lorsque, le 29 août, il a informé celle-ci de son intention de quitter le cabinet, puis lui a adressé, le 1er octobre 2013, sa démission à effet au 31 décembre suivant.
2. Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée au titre de cette démission sur laquelle elle n'a pas statué et par délibération du 25 novembre 2013, la société d'avocats a prononcé l'exclusion de M. Y... , en application de l'article 11 des statuts, au titre d'une incapacité d'exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une période totale de douze mois.
3. Le 23 décembre 2013, M. Y... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande d'arbitrage portant sur des rappels de rétrocession d'honoraires depuis 2008 et l'octroi de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 700 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en rejetant la demande de dommages-intérêts de M. Y... motifs pris qu'il « ne verse aucune pièce de nature à établir avant septembre 2013 les comportements précise qu'il dénonce et les attestations qu'il produit, à l'exception de celle de M. N... H... avec lequel la SELAS [...] est en contentieux devant l'ordre des avocats, relatent uniquement le malaise qu'il ressentait alors dans son exercice professionnel, ce que corroborent les certificats médicaux produits qui relient l'état dépressif du patient à un contexte professionnel difficile sans autre précision », sans se prononcer, même succinctement, sur l'attestation de Mme T... laquelle démontrait que le syndrome d'épuisement de M. Y... trouvait sa source dans le mode d'exercice de la profession d'avocat qui lui était imposé par la société d'avocats en énonçant que « depuis trois ans environ, j'ai vraiment senti combien I... M... souffrait de ces méthodes de gestion de « l'humain », se traduisant par la formation de clans () se faisant et se défaisant et à l'égard desquels I... restait à distance ; mais aussi par une défiance injustifiée à l'égard de ses propres méthodes de travail. Une telle attitude a clairement contribué à son isolement car il était le seul à oser ouvertement contrer les excès de gestion », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en rejetant la demande de dommages-intérêts de M. Y... motifs pris qu'il « ne verse aucune pièce de nature à établir avant septembre 2013 les comportements précise qu'il dénonce et les attestations qu'il produit, à l'exception de celle de M. N... H... avec lequel la SELAS [...] est en contentieux devant l'ordre des avocats, relatent uniquement le malaise qu'il ressentait alors dans son exercice professionnel, ce que corroborent les certificats médicaux produits qui relient l'état dépressif du patient à un contexte professionnel difficile sans autre précision », sans se prononcer, même succinctement sur l'attestation de M. et Mme W... dont il s'évinçait très clairement que l'exercice de la profession d'avocat tel qu'il était imposé par la société d'avocats affectait énormément M. Y... , la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits, la cour d'appel a estimé, sans être tenue de s'expliquer sur chaque élément de preuve invoqué, que la réalité d'un comportement fautif des dirigeants de la société d'avocats, à l'origine du syndrome d'épuisement professionnel dont M. Y... avait été victime en février 2013, n'était pas démontrée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
7. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la résolution n° 1 votée par l'assemblée générale le 25 novembre 2013 ayant prononcé son exclusion de la société d'avocats, et sa demande en paiement de sa rémunération pour un montant de 627 519,10 euros au titre de l'année 2013, alors « qu'est nulle la délibération abusive de l'assemblée générale extraordinaire des associés d'une SELAS ; qu'en considérant qu'en raison du caractère abusif de l'exclusion de M. Y... , "seuls peuvent être alloués à M. Y... des dommages-intérêts s'il démontre que la décision litigieuse lui a causé un préjudice", la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1832 et 1833 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1832, 1833 et 1844-10, alinéa 3, du code civil :
8. Il résulte du dernier de ces textes que la décision prise abusivement par une assemblée générale d'exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l'annulation.
9. Pour rejeter la demande d'annulation de la résolution d'assemblée générale du 25 novembre 2013 et la demande en paiement de la rétrocession d'honoraires pour l'année 2013, l'arrêt énonce que, si l'exclusion prononcée par l'assemblée générale est abusive, dès lors que cette assemblée avait été convoquée pour prendre acte de la démission de M. Y... et que la mesure prononcée était motivée par la volonté de résister à ses prétentions financières, seuls peuvent être alloués à celui-ci des dommages-intérêts s'il démontre que cette décision lui a causé un préjudice.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la délibération n° 1 votée lors de l'assemblée générale du 25 novembre 2013 et la demande de rétrocession d'honoraires pour l'année 2013, l'arrêt rendu le 15 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société d'avocats [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'avocats [...] et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir débouté M. I... Y... de sa demande en annulation de la résolution n° 1 votée par l'assemblée générale le 25 novembre 2013 ayant prononcé son exclusion de la société [...] et, partant, sa demande en paiement de sa rémunération variable pour un montant de 627 519,10 € H.T.;
Aux motifs propres que devant la cour ne sont plus discutées les demandes de rétrocession d'honoraires pour les années 2009,2010, 2011 et 2012 dont M I... Y... a été débouté en première instance et seules demeurent en litige les rétrocessions d'honoraires pour 2008 et 2013 ; que le contrat d'associé de catégorie B liant alors les parties en date du 10 juillet 2007 prévoit en son article 3.1 une rétrocession d'honoraires mensuelle de 25 000 € soit 300 000 € H.T par an et l'article 3.2 stipule que ce montant est réexaminé lors des assemblées générales ; qu'en l'espèce l'assemblée générale du 19 décembre 2007 a modifié cette somme en prévoyant pour l'exercice 2008 un montant annuel de 250 000 € H.T comme le confirme le procès-verbal de cette assemblée versé aux débats en cause d'appel et duquel il résulte que ce point, à l'ordre du jour, a fait l'objet de la deuxième résolution votée à l'unanimité des associés de catégorie A selon laquelle M I... Y... , alors associé de catégorie B, devait percevoir pour l'exercice 2008 une rétrocession d'honoraires brute H.T de 250 000 € ; que c'est donc à tort que la, décision déférée a condamné la SELAS [...] à payer à M I... Y... la somme de 50 000 € H.T au titre du solde de rétrocession d'honoraires pour l'exercice 2008 et il convient d'ordonner la restitution de cette somme à la SELAS [...] par M I... Y... ; que la résolution n° 1 d'exclure M I... Y... a été adoptée par l'assemblée générale extraordinaire des associés de la SELAS [...] réunis le 25 novembre 2013 sur convocation par LRAR du 15 novembre 2013 visant l'article 11 des statuts de la Selas relatif aux causes d'exclusion et plus particulièrement le motif tiré de l'incapacité d'exercice professionnel de l'associé pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une période totale de douze mois ; que M. I... Y... soutient que cette décision est illicite en application des dispositions combinées des articles 10 et 21 de la loi du 31 décembre 1990, 28 du décret du 25 mars 1993 et L 227-16 du code de commerce ; que la loi de 1990 et son décret d'application qui envisagent bien la possibilité d'une exclusion statutaire moyennant le respect de la règle de la majorité des deux tiers, prévoient l'exclusion disciplinaire en cas de condamnation pénale ou disciplinaire uniquement dans le silence des statuts auxquels renvoie l'article L 227-16 précité pour la détermination des conditions dans lesquelles un associé peut être tenu de céder ses actions, de sorte que l'article 11 des statuts qui prévoit les cas d'exclusion selon une procédure respectant les règles de la majorité n'est pas illicite ; que lorsque M I... Y... a informé la SELAS de sa démission le 1er octobre 2013, le cabinet d'avocats ne pouvait envisager l'exclusion de l'article 11 finalement adoptée le 25 novembre 2013, puisqu'alors M I... Y... , en arrêt maladie depuis le 6 février 2013, ne totalisait pas les neuf mois d'arrêt maladie visés par cet article selon lequel : "Tout associé peut faire l'objet d'une exclusion par décision de la collectivité des associés de la société... en cas d'incapacité d'exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une période totale de douze mois... à la majorité des deux tiers» ; qu'en revanche quand la SELAS a convoqué le 8 novembre 2013 l'assemblée générale des associés pour le 18 novembre 2013 avec comme ordre du jour « la prise d'acte de la démission anticipée au 4 novembre 2013 de M I... Y... », assemblée générale qui ne s'est finalement pas tenue, l'associé totalisait déjà une période cumulée de neuf mois d'arrêt maladie au cours d'une période totale de douze mois, mais la Selas n'a alors pas entendu prononcer son exclusion pour ce motif, mais uniquement prendre acte de sa démission ; que dans sa délibération du 25 novembre 2013 l'assemblée générale extraordinaire de la SELAS [...] a cependant prononcé l'exclusion de M I... Y... pour le motif tiré de l'incapacité d'exercice professionnel de l'associé pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une période totale de douze mois ; que le changement d'attitude du cabinet d'avocats qui a conduit à un détournement de procédure, a été motivé par la volonté de résister aux prétentions financières de son associé démissionnaire auquel il opposait "la règle" selon laquelle : "en cas de démission en cours d'année, l'associé sortant renonce à toute rémunération notamment au titre de l'exercice en cours", comme le démontre la lettre de convocation du 15 novembre 2013, lettre qui fait également état d'autres motifs de rupture liés au comportement considéré comme: "incompatible avec [le] maintien dans [la] société", de l'associé par le cabinet d'avocat et non à ses arrêts-maladie, pourtant seuls motifs de son exclusion ; qu'en conséquence il convient de retenir le caractère abusif de l'exclusion de M I... Y... de la SELAS [...] prononcée le 25 novembre 2013 au visa de l'article 11 des statuts ; que seuls peuvent être alloués à M I... Y... des dommagesintérêts s'il démontre que la décision litigieuse lui a causé un préjudice ; que M I... Y... réclame la totalité des sommes que sa démission actée au 31 décembre 2013 lui aurait, selon lui, permis de percevoir, mais il ne démontre pas que le caractère fautif de l'exclusion prononcée le 25 novembre 2013 l'a privé du paiement de la somme de 627 519,10 € H.T qu'il soutient lui être due au titre du solde de sa rétrocession d'honoraires pour l'année 2013 dans le cadre de sa démission dont il entend faire produire les effets au 31 décembre 2013 ;
1°) Alors qu' est nulle la délibération frauduleuse d'assemblée générale extraordinaire d'une SELAS ; qu'en rejetant la demande de nullité de la délibération du 25 novembre 2013 ayant abouti à l'exclusion de M. I... Y... après avoir pourtant constaté un « détournement de procédure », ce dont il résultait qu'elle a ainsi caractérisé la fraude entachant cette délibération et l'exclusion en résultant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation du principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
2°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le caractère abusif de la délibération ayant prononcé l'exclusion de M. I... Y... n'ouvrait droit qu'au paiement de dommages-intérêts, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en considérant que le caractère abusif de la délibération ayant prononcé l'exclusion de M. I... Y... n'ouvrait droit qu'au versement de dommages-intérêts, la société [...] n'ayant pourtant pas conclu en ce sens et M. I... Y... sollicitant l'annulation de cette délibération, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) Alors qu' est nulle la délibération abusive de l'assemblée générale extraordinaire des associés d'une SELAS ; qu'en considérant qu'en raison du caractère abusif de l'exclusion de M. I... Y... , « seuls peuvent être alloués à M. I... Y... des dommages-intérêts s'il démontre que la décision litigieuse lui a causé un préjudice », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1832 et 1833 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir débouté M. I... Y... de sa demande de paiement de sa rémunération variable pour l'année 2013, pour un montant de 627.519,10 € HT ;
Aux motifs propres qu'il sera rappelé que M I... Y... a perçu les sommes suivantes :
- 9 526,03 € au titre de sa rémunération fixe du 1er janvier au 5 avril 2013, sur une base annuelle de 36 600 €,
-65 431,23 € au titre de sa rémunération variable 2013 hors base fixe et prorata temporis du 1er janvier au 5 février 2016, soit, déduction faite des indemnités journalières perçues, la somme totale de 62 825,58 € ;
que M I... Y... , qui avait fixé arbitrairement son préavis à trois mois et la fin de son exercice professionnel au sein de la SELAS au 31 décembre 2013, terme que cette dernière a toujours contesté, ne démontre pas qu'il a été privé de la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre à la fin de l'exercice 2013 en application des dispositions adoptées lors de l'assemblée générale du 20 décembre 2012, étant précisé que le procès-verbal de la dite assemblée générale approuvant le vade-mecum dont l'avocat échoue à démontrer le caractère inopposable, a bien été versé aux débats ; qu'en effet l'article 7 du vade-mecum précité liant les parties prévoit que le départ d'un associé entraîne d'une part sa renonciation immédiate à tout complément de rémunération variable et d'autre part la remise en cause de la rémunération des autres associés avec obligation de fixer par voie d'assemblée le niveau de rémunération pour ladite période pour les associés restants ; que la date du départ effectif de M I... Y... n'a pas été déterminée d'un commun accord en l'absence de tenue de l'assemblée générale du 18 novembre 2013 dont l'ordre du jour prévoyait de la fixer au 4 novembre 2013 ce qui confirme que le préavis de trois mois donné par l'associé démissionnaire au 31 décembre 2013 a toujours été contesté par le cabinet d'avocats ; qu'en conséquence, et à défaut de démontrer que son contrat d'associé se terminait bien au 31 décembre 2013, terme fixé unilatéralement par l'avocat, M I... Y... ne démontre pas que ses honoraires prévisionnels de 700 000 € H.T votés fin 2012 lui étaient bien dus pour la totalité de l'année 2013 et auraient dû lui être versés en 2014 ; qu'au surplus, étant en arrêt de travail depuis le 6 février 2013 jusqu'au 31 décembre 2013, M I... Y... ne rapporte pas la preuve que sa rémunération aurait été autre que celle qui a été versée par l'intimée au prorata temporis comme le prévoit l'article 11 des statuts, étant rappelé qu'en application des dispositions de l'article 3.5 du contrat de collaboration d'associé: "en cas d'indisponibilité pour raison de santé au cours d'une même année civile [ l'associé] recevra pendant deux mois sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues au titre de régimes de prévoyance collective du Barreau ou individuelle obligatoire" ; qu'en effet M I... Y... soutient sans en justifier aucunement que sa maladie n'a pas interrompu les activités dont il avait la responsabilité et qui auraient été accomplies par son équipe en l'absence temporaire de l'associé ; qu'en particulier il n'apporte pas la preuve des 1 800 H facturables demandées à chaque associé A pour l'exercice en cours, première condition exigée pour le versement de la partie variable des rétrocessions d'honoraires ; qu'enfin si M I... Y... soutient que les dispositions de l'article 11 des statuts font référence aux dividendes et non à la partie variable de sa rémunération, c'est bien cette dernière qu'il a perçue au prorata temporis selon le calcul effectué par la SELAS et qui reprend les modalités convenues lors de la décision de l'assemblée générale de décembre 2012 relative à la rémunération de 2013 et figurant dans te vadémécum ; qu'en conséquence M I... Y... sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 627 519,10 € H.T ;
Et aux motifs éventuellement adoptés qu'au titre de l'exercice 2008, M. I... Y... , alors associé de catégorie B au sein de la Selas [...], estime que 50 000 euros HT de rétrocession d'honoraires lui étant dus ne lui auraient pas été versés, ce que conteste la Selas [...] qui invoque, à titre subsidiaire, la prescription de cette demande par application des dispositions de l'article 2224 du code civil ; qu'en application de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer » ; que l'article 2241, alinéa 1er du code civil précise que « la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription » ; que les rémunérations en cause portant sur l'année 2008, la computation du délai de prescription court à compter du 31 décembre 2008 ; que la prescription de cette demande n'est donc acquise qu'à compter du 31 décembre 2013 ; que tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, à défaut de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier en application de l'article 21 de la loi n° 71-130 du 31 décembre 1971, modifiée, et des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié ; que dès lors, vu l'acte de saisine parvenu à l'Ordre des Avocats le 23 décembre 2013 aux termes duquel M. I... Y... a saisi la juridiction du Bâtonnier de sa demande de rappel d'honoraires au titre de l'exercice 2008, la demande de M. I... Y... n'est pas prescrite ; que le contrat du 10 Juillet 2007 liant M. I... Y... à la Selas [...] stipule :
- en son article 3.1 que « la Selas [...] verse annuellement à I... Y... une rétrocession d'honoraires d'un montant de 300 000 é' (trois cent mille euros) hors TVA, soit 25 000 € par mois, compte tenu du fait que cette collaboration est à temps complet » ;
- et en son article 3.2 que « Le montant annuel de la rétrocession d'honoraires défini à l'article 3.1 sera réexaminé dans le cadre des assemblées générales de la Selas [...] conformément aux statuts de cette dernière ».
Que les parties sont toutefois en désaccord sur le montant annuel de la rétrocession d'honoraires due à M. I... Y... au titre de l'exercice 2008 :
- M. I... Y... prétend qu'elle était fixée à 300 000 euros HT conformément aux stipulations de son contrat de collaboration ;
- la Selas [...] soutient qu'elle avait été fixée à 250 000 euros HT par résolution de l'assemblée générale de la Selas [...] du 19 décembre 2007, ce que confirmerait « l'attestation du commissaire aux comptes relative au versement des rémunérations servies à M. I... Y... sur la période 2007 à 2013» en date du 21 février 2014, produite par la Selas [...] ; que la déléguée du Bâtonnier constate que le procès-verbal de l'assemblée générale de la Selas [...] du 19 décembre 2007 n'a pas été Versé aux débats ; que quant à l'attestation du commissaire aux comptes en date du 21 février 2014, produite par la Selas [...], elle se prononce uniquement sur la concordance avec la comptabilité de la Selas [...] des informations relatives aux dates et montants des versements des rémunérations de M. I... Y... entre 2007 et 2013 portées sur un document établi par la Selas [...] ; que cette attestation précise d'ailleurs expressément qu'il n'appartient pas au commissaire aux comptes « de se prononcer sur la détermination du montant desdites rémunérations annuelles » ; que la déléguée du Bâtonnier considère dès lors que cette pièce permet d'attester des montants des rémunérations annuelles versées par la Selas [...] à M. I... Y... ; qu'elle ne permet pas d'attester des montants des rémunérations annuelles dues par la Selas [...] à M. I... Y... ; qu'en conséquence, La déléguée du Bâtonnier considère que :
- la Selas [...] ne rapporte pas la preuve que le montant de la rémunération de M. I... Y... tel que prévu à son contrat de collaboration aurait été modifié par résolution de l'assemblée générale de la Selas [...] du 19 décembre 2007 ;
- Il y a donc lieu de retenir que sa rémunération pour l'exercice 2008 devait être de 300 000 euros HT, somme à laquelle devait s'ajouter un complément de rétrocession de 100 000 euros HT accordé par résolution de l'assemblée générale de la Selas [...] du 19 décembre 2008, soit un total de 400 000 euros HT ;
- il n'est pas contesté que M. I... Y... a reçu de la Selas [...] une somme totale de 350 000 euros HT au titre de l'exercice 2008.
que dès lors, en l'état des pièces communiquées par les parties, la Selas [...] apparaît devoir régler à M. I... Y... un complément de rétrocession d'honoraires de 50 000 euros HT au titre de l'année 2008 ; que la déléguée du Bâtonnier la condamne de ce chef ; que M. I... Y... demande la condamnation de la Selas [...] à lui régler la somme de 90 000 euros HT au titre d'honoraires non payés au cours de l'année 2009, alors qu'il était associé de catégorie A. M. I... Y... considère n'avoir perçu en 2009 que 360 000 euros HT alors que sa rétrocession globale devait être de 450 000 euros HT ; qu'il estime en effet que l'intégralité de cette somme aurait dû lui être versée au cours de l'année civile 2009, alors que la Selas [...] considère qu'il était convenu entre les parties qu'une portion de cette rétrocession d'honoraires ne devait lui être versée qu'en début d'année 2010, après l'approbation des comptes de l'exercice 2009 ; que le contrat du 23 juillet 2010, entré en vigueur rétroactivement le 1 janvier 2009, liant M. I... Y... à la Selas [...] stipule en son article 3.1 que « le montant annuel et les modalités de versement de la rémunération d'I... Y... sont examinés dans le cadre des assemblées générales de la Selas [...] conformément aux statuts de cette dernière » ; qu'en outre, M. I... Y... a signé le document établi par Seras [...] intitulé « Critères d'évolution de la rémunération des associés » à jour au ler janvier 2009 qui stipule, s'agissant des associés de catégorie A, que :
- « Pour la première année et par exception, tout nouvel associé A peut bénéficier d'avances de trésorerie (...) sur une partie de sa rémunération pour lui éviter des difficultés de trésorerie »;
- « Il est d'ores et déjà précisé que la rémunération pour une année n considérée au-delà de la rémunération fixe de base de 36 600 euros et qui peut être versée au titre de cette année n est autorisée par les associés en décembre de l'année n-1 et peut être versée en n+1, pour autant que les résultats et la trésorerie (toutes charges par ailleurs provisionnées) le permettent ».
qu'en conséquence, la déléguée du bâtonnier considère que :
- il est établi que la rémunération due par la Selas [...] aux associés de catégorie A au titre d'une année n pouvait être versée pour partie au cours de l'année n+1 ;
- il n'est pas contesté par M. I... Y... qu'il a perçu au titre de l'exercice 2009, les sommes de 360 000 euros HT en 2009 et 90 000 euros HT en 2010 (en deux règlements en février et mars 2010) ; ceci est d'ailleurs confirmé par l'attestation fournie par le commissaire aux comptes de la Seras [...] en date du 21 février 2014 ;
- ces sommes sont conformes à la rémunération de M. I... Y... fixée par résolution de l'assemblée générale mixte de la Selas [...] du 19 décembre 2008.
Que la demande de rappel de rétrocession d'honoraires de M. I... Y... au titre de l'exercice 2009 sera donc rejetée ; que M. I... Y... demande la condamnation de la Selas [...] à lui régler la somme de 256 514 euros HT au titre d'honoraires non payés au cours de l'année 2010, alors qu'il était associé de catégorie A, considérant n'avoir perçu en 2010 que 193 486 euros HT alors que sa rémunération globale pour 2010 devait être a minima identique à celle prévue au titre de l'exercice 2009, soit 450 000 euros HT ; que la Selas [...] considère que la rémunération annuelle due au titre de l'exercice 2010 à M. I... Y... était de 526 850 euros HT conformément aux termes de la résolution de l'assemblée générale mixte de la Selas [...] du 15 décembre 2009 ; que cette somme a été réglée à M. I... Y... pour partie en 2010 et pour partie en janvier 2011, après approbation des comptes de l'exercice 2010 ; qu'aux termes du contrat du 23 juillet 2010, entré en vigueur rétroactivement le 1er janvier 2009, liant M. I... Y... à la Selas [...] et du document Intitulé « Critères d'évolution de la rémunération des associés », signé par M. I... Y... , il est établi que la rémunération due par la Selas [...] aux associés de catégorie A au titre d'une année n pouvait être versée pour partie au cours de l'année n+1 ; qu'en outre, la résolution de l'assemblée générale mixte de la Salas [...] du 15 décembre 2009, prévoit expressément que la rémunération annuelle de M. I... Y... au titre de l'exercice 2010 était de 526 850 euros HT, composée :
- d'honoraires annuels de base d'un montant de 36 600 euros HT (versé mensuellement) ;
- d'une quote-part annuelle de complément d'honoraires variable de 51 601 euros HT (avance versée mensuellement) ;
- d'un solde de partie variable de 299 044 euros HT (versé annuellement) ;
- d'une partie variable de 139 605 euros HT (versée annuellement).
Qu'enfin, l'analyse du grand livre général de M. I... Y... et de l'attestation fournie par le commissaire aux comptes de la Selas [...] en date du 21 février 2014 fait apparaître que M. I... Y... a perçu :
- en 2010, la somme de 90 000 euros HT au titre de l'exercice 2009 et 88 201 euros HT au titre de l'exercice 2010;
- en janvier 2011, la somme de 438 649 euros HT au titre de l'exercice 2010.
Qu'en conséquence, la déléguée du Bâtonnier considère qu'il est établi que :
- la rémunération due par la Selas [...] aux associés de catégorie A au titre d'une année n pouvait être versée pour partie au cours de l'année n+1
- la rémunération due à M. I... Y... par la Selas [...] au titre de l'exercice 2010 était de 526 850 euros HT ;
- M. I... Y... a perçu de la Selas [...] la somme de 526 850 euros HT pour partie sur l'année 2010 (88 201 euros HT) et pour partie sur l'année 2011 (438 649 euros HT).
Que la demande de rappel de rémunération de M. I... Y... au titre de l'exercice 2010 sera donc rejetée ; que M. I... Y... demande la condamnation de la Selas [...] à lui régler la somme de 31 968,77 euros HT au titre d'un solde d'honoraires de l'exercice 2012 non payé en 2013, alors qu'il était associé de catégorie A, considérant n'avoir perçu en 2012 que 668 031,23 euros HT alors que sa rémunération globale devait être de 700 000 euros HT ; que la Selas [...] considère que la rémunération annuelle due au titre de l'exercice 2012 à M. I... Y... était bien de 700 000 euros HT conformément aux termes de la résolution de l'assemblée générale mixte de la Selas [...] du 20 décembre 2011 ; que cette somme a été réglée à M. I... Y... pour partie en 2012 et pour partie en 2013, après approbation des comptes de l'exercice 2012 ; qu'aux termes du contrat du 23 juillet 2010, entré en vigueur rétroactivement le 1er janvier 2009, liant M. I... Y... à la Selas [...] et du document intitulé « Critères d'évolution de la rémunération des associés », signé par M. I... Y... , il est établi que la rémunération due par la Selas [...] aux associés de catégorie A au titre d'une année n pouvait être versée pour partie au cours de l'année n+1 ; qu'en outre, la résolution de l'assemblée générale mixte de la Selas [...] du 20 décembre 2011, prévoit expressément que la rémunération annuelle de 700 000 euros HT de M. I... Y... au titre de l'exercice 2012 était composée :
- d'honoraires annuels de base d'un montant de 36 600 euros HT (versé mensuellement) ;
- d'une quote-part annuelle de complément d'honoraires variable de 51 918 euros HT (avance versée mensuellement) ;
- d'un solde de partie variable de 311 482 euros HT (versé annuellement) ; - d'une partie variable de 300 000 euros HT (versée annuellement).
Qu'enfin, l'analyse du grand livre général de M. I... Y... et de l'attestation fournie par le commissaire aux comptes de la Selas [...] en date du 21 février 2014 fait apparaître que M. I... Y... a perçu :
- en 2012, la somme de 538 375 euros HT au titre de l'exercice 2011 et 88.518 euros HT au titre de l'exercice 2012 ;
- en 2013, la somme de 611 482 euros HT au titre de l'exercice 2012.
Qu'en conséquence, la déléguée considère:
- qu'il est établi que la rémunération due par la Scias [...] aux associés de catégorie A au titre d'une année n pouvait être versée pour partie au cours de l'année n+1 ;
- que la rémunération due M. I... Y... par la Selas [...] au titre de l'exercice 2012 était de 700 000 euros HT ;
- que M. I... Y... a perçu de la Selas [...] la somme de 700 000 euros HT pour partie sur l'année 2012 (88 518 euros HT) et pour partie sur l'année 2013 (611 482 euros HT).
Que la demande de rappel de rétrocession d'honoraires de M. I... Y... au titre de l'exercice 2012 sera donc rejetée ; que M. I... Y... demande la condamnation de la Selas [...] à lui régler la somme de 700 000 euros HT au titre de la rémunération non payée en 2013, alors qu'Il était associé de catégorie A, considérant n'avoir perçu aucune rétrocession en 2013 alors que sa rétrocession globale devait être de 700 000 euros HT ; que La Selas [...] considère que la rétrocession annuelle due au titre de l'exercice 2013 à M. I... Y... était de 700 000 euros HT conformément aux termes de la résolution de l'assemblée générale mixte de la Selas [...] du 20 décembre 2012 ; que toutefois que M. I... Y... ayant été arrêté pour raison de santé à compter du 6 février 2013, il a perçu l'exacte rémunération qui lui était due en application de l'article 3.5 de son contrat et de l'article 11 des statuts de la Selas [...], à savoir sa rémunération fixe mensuelle de 3 050 euros HT du 1" janvier au 5 avril 2013, soit 9 526,03 euros HT et le prorata temporis de sa rémunération variable, soit 65 431,23 euros HT ; qu'étant rappelé que M. I... Y... a été arrêté pour maladie, à compter du 6 février 2013 ; que cet arrêt maladie a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'à son départ de la Selas [...] fin décembre 2013 ; que par courriel du ler octobre 2013, M. I... Y... a notifié sa démission à la Selas [...] avec effet à l'expiration de l'exercice 2013, soit au 31 décembre 2013 ; que la Selas [...] a décidé lors de l'assemblée générale extraordinaire du 25 novembre 2013, de prononcer l'exclusion de M. I... Y... conformément aux règles figurant dans ses statuts ; que la Selas [...] a expliqué que cette exclusion devait permettre à M. I... Y... de conserver un droit aux dividendes au titre de l'exercice en cours, prorata tampons jusqu'à la date de l'exclusion et déduction faite de sa période d'incapacité ; que c'est en considération de l'ensemble de ces éléments, que la demande doit être tranchée ; qu'aux termes de l'article 3.5 du contrat du 23 juillet 2010, entré en vigueur rétroactivement le 1' janvier 2009, liant M. I... Y... à la Selas [...] « en cas d'indisponibilité pour raison de santé au cours d'une même année civile, I... Y... recevra pendant deux mois sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues au titre des régimes de prévoyance collective du Barreau ou individuelle obligatoire » ; que dès lors, M. I... Y... devait percevoir la partie fixe de sa rémunération d'honoraires du 1" janvier 2013 jusqu'au 5 avril 2013 (deux mois après le début de son indisponibilité le 6 février 2013) ; qu'en conséquence, la rémunération fixe annuelle de M. I... Y... étant de 36 600 euros HT, il devait percevoir pour la période du ler janvier 2013 jusqu'au 5 avril 2013 (soit 95 jours sur 365), une rémunération de 9 526,03 euros HT ; qu'aux termes de l'article 7 du document intitulé « Critères d'évolution de [a rémunération des associés », signé par M. I... Y... , « le départ d'un associé A pour quelque cause que ce soit (sauf décès, retraite et invalidité) entraînera renonciation immédiate à tout complément de rémunération variable par l'associé partant » ; qu'en revanche, aux termes de l'article 11 des statuts de la Selas [...] l'associé exclu à la suite d'une incapacité conserve son droit aux dividendes « au titre de l'exercice en cours, prorata temporis jusqu'à la date de l'exclusion (sur la base d'une année de 365 jours). En ce qui concerne l'associé exclu à la suite d'une incapacité, la période de calcul du dividende est cependant réduite prorata temporis de la durée de son incapacité (sur la base d'une année de 365 jours) » ; que la Selas [...] ayant prononcé l'exclusion de M. I... Y... lors de l'assemblée générale extraordinaire du 25 novembre 2013, M. I... Y... devait percevoir sa rémunération variable au titre de l'exercice 2013, prorata temporis jusqu'à sa date d'exclusion diminuée de la durée de son incapacité (du 6 février 2013 au 31 décembre 2013) ; qu'en conséquence, la rémunération variable de M. I... Y... au titre de l'exercice 2013 ayant été fixée initialement à 663 400 euros HT, il devait percevoir pour la période du 1er janvier au 5 février 2013 (soit 36 jours sur 365) la somme de 65 431,23 euros HT ; que dès lors, M. I... Y... devait percevoir de la Selas [...] la somme de 74 957,26 euros HT (9 526,03 + 65 431,23) au titre de l'exercice 2013 ; que l'analyse de l'attestation fournie par le commissaire aux comptes de la Scias [...] en date du 21 février 2014, fait apparaître que M. I... Y... a bien perçu en 2013, la somme de 74 957,26 euros HT au titre de l'exercice 2013 ; que la demande de rappel de rémunération de M. I... Y... au titre de l'exercice 2013 sera donc rejetée ;
1°) Alors que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que l'article 11 des statuts de la société [...] relatif à la « radiation – exclusion- suspension - suspension provisoire » prévoit qu' « en ce qui concerne l'associé exclu à la suite d'une incapacité, la période de calcul du dividende est cependant réduite prorata temporis de la durée de son incapacité » ; qu'en considérant que la somme versée par la société [...] à M. I... Y... au titre de sa rémunération variable était conforme aux prévisions de l'article 11 des statuts de la société [...], cette disposition ne concernant pas la rémunération variable d'un associé de catégorie A, mais uniquement les dividendes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des statuts de la société [...], en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;
2°) Alors que le contrat tient lieu de loi à ceux qui l'ont formés ; que l'article 11 des statuts de la société [...] relatif à la « radiation – exclusion- suspension - suspension provisoire » énonce qu' « en ce qui concerne l'associé exclu à la suite d'une incapacité, la période de calcul du dividende est cependant réduite prorata temporis de la durée de son incapacité » ; qu'en rejetant la demande de M. I... Y... en paiement de sa rémunération variable motif pris « qu'au surplus, étant en arrêt de travail depuis le 6 février 2013 jusqu'au 31 décembre 2013, M I... Y... ne rapporte pas la preuve que sa rémunération aurait été autre que celle qui a été versée par l'intimée au prorata temporis comme le prévoit l'article 11 des statuts », la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°) Alors que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que l'article 7 du vade-mecum énonce « qu'il est précisé ici que le départ d'un associé A pour quelque cause que ce soit (sauf décès, retraite et invalidité) entrainera (i) renonciation immédiate à tout complément de rémunération variable par l'associé partant et (ii) remise en cause de la dernière autorisation du niveau de rémunération des autres associés A pour la période considérée avec obligation de revoir et fixer par voie d'assemblée le niveau de rémunération pour ladite période pour les associés restant » ; qu'en faisant application de l'article 7 du vade-mecum pour statuer sur la demande en paiement de la rémunération variable, cette disposition ne concernant que « le complément de rémunération variable », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 7 du vade-mecum approuvé par l'assemblée générale du 20 décembre 2012, en violation des dispositions de l‘article 1134 du code civil ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;
4°) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société [...] soutenait que la rémunération variable devait être fixée conformément à l'article 11 de ses statuts, tandis que M. I... Y... faisait valoir l'absence d'objet et de cause licites de l'article 7 du vade-mecum; qu'en appliquant l'article 7 du vade-mecum à la détermination de la rémunération variable de M. I... Y... , la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5°) Alors que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que l'article 3.5 du contrat de collaboration associé catégorie A énonce qu' « en cas d'indisponibilité pour raison de santé au cours d'une même année civile, I... Y... recevra pendant deux mois sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues au titres des régimes de prévoyance collective du Barreau ou individuelle obligatoire » ; qu'en considérant que la rémunération variable versée à M. I... Y... pour l'année 2013 était conforme à l'article 3.5 du contrat de collaboration associé de catégorie A, cette disposition ne s'appliquant qu'à la rémunération fixe, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 3.5 du contrat de collaboration associé en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;
6°) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en faisant application de l'article 3.5 du contrat de collaboration associé de catégorie A à la rémunération variable , la société [...] ne se prévalant de ce texte que pour en faire application à la rémunération fixe, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
7°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que M. I... Y... « n'apportait pas la preuve des 1.800 heures facturables demandées à chaque associé A pour l'exercice en cours, première condition exigée pour le versement de la partie variable des rétrocessions d'honoraires », sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
8°) Alors que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que le vade-mecum intitulé « critères d'évolution de la rémunération des associés » énonce en son principe 1er : « Etre associé de catégorie A implique de satisfaire aux critères suivants : [] sixième critère : 1800 heures facturables » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'exposant « n'apporte pas la preuve des 1 800 H facturables demandées à chaque associé A pour l'exercice en cours, première condition exigée pour le versement de la partie variable des rétrocessions d'honoraires », cette exigence ne constituant qu'une condition d'accès au statut d'associé A, la cour d'appel a dénaturé les termes claires et précis de l'article 1er du vade-mecum approuvé par l'assemblée générale du 20 décembre 2012, et a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
9°) Alors, en toute hypothèse, que en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'exposant « n'apporte pas la preuve des 1 800 H facturables demandées à chaque associé A pour l'exercice en cours, première condition exigée pour le versement de la partie variable des rétrocessions d'honoraires », la cour d'appel a ajouté une condition au vade-mecum approuvé par l'assemblée générale du 20 décembre 2012 et a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir débouté M. I... Y... de sa demande en paiement de la somme de 700.000 € au titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs propres que M I... Y... soutient que les agissements fautifs du cabinet [...] sont à l'origine du syndrome d'épuisement professionnel dont il a été victime et qui l'a conduit à l'arrêt de travail du 6 février 2013 ;qu'il évoque un procédé de facturation complexe et opaque, un management humain volontairement destructeur et des pratiques professionnelles contestables de nature à porter atteinte à ses conditions d'exercice et à altérer sa santé et qui ont irrémédiablement compromis sa situation professionnelle ; qu'il indique que son préjudice a été aggravé par les agissements du cabinet faisant obstruction à la reprise de son activité à compter du mois de septembre 2013 puisque son bureau a été vidé et affecté à un autre avocat et ses affaires personnelles confisquées ainsi que son accès à l'intranet du cabinet ; que la SELAS [...] fait valoir que son ancien associé n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses affirmations alors qu'il fait état d'une dégradation des relations professionnelles sur quatre ans; qu'ainsi et bien que l'objectif d'heures fixé par le vademecurn n'ait jamais été atteint, M I... Y... a vu sa rémunération progresser, n'a jamais été soumis au stress des activités de gestion et a disposé de collaborateurs en nombre suffisant pour l'assister et prendre en charge ses dossiers pendant sa maladie au cours de laquelle sa rémunération tant fixe que variable lui a été payée et qu'enfin aucune obstruction n'a été faite à la reprise de son activité puisque l'associé a disposé d' un bureau et de tous ses dossiers ; que la cour qui n'a pas à examiner dans le cadre du présent litige le caractère avéré des éventuels manquements déontologiques reprochés aux dirigeants du cabinet d'avocats par M I... Y... , relève que ce dernier ne démontre pas le lien de causalité entre les reproches qu'il formule de ce chef et la prétendue attitude fautive des mêmes à son égard ; que pas davantage il n'est démontré que précédemment à son arrêt de travail du 6 février 2013 M I... Y... a fait part aux dirigeants de la SELAS de difficultés d'organisation ou de gestion du cabinet dont il aurait eu à souffrir et qui seraient à l'origine du "bure out" dont il a été victime au début de l'année 2013 ; qu'ainsi M I... Y... ne verse aucune pièce de nature à établir avant septembre 2013 les ,comportements précis qu'il dénonce et les attestations qu'il produit, à l'exception de celle de M N... H... avec lequel la SELAS [...] est en contentieux devant l'ordre des avocats, relatent uniquement le malaise qu'il ressentait alors dans son exercice professionnel, ce que corroborent les certificats médicaux produits qui relient l'état dépressif du patient à un contexte professionnel difficile sans autre précision ;qu'en revanche si l'attestation très circonstanciée de Mme A... E..., avocate associée au sein du cabinet révèle qu'en 2011 il existait effectivement des aspects négatifs en particulier dans la communication interne, elle établit également qu'il y a été progressivement remédié sous l'impulsion des deux dirigeant et par le biais des comités de management mis en place ; qu'en conséquence M I... Y... ne démontre pas la réalité d'un comportement fautif des dirigeants de la SELAS [...] à l'origine du syndrome d'épuisement professionnel dont il a été victime en février 2013 ; qu'enfin le constat d'huissier dressé le 8 novembre 2013 à la requête de la SELAS [...] établit qu'à cette date M I... Y... disposait dans les locaux de la SELAS d'un bureau sur la porte duquel figurait son nom, équipé de meubles professionnels, d'un ordinateur et de classeurs ainsi que d'objets personnels, (tableau et sculpture en bois), et M I... Y... qui ne démontre pas avoir été privé d'accès à l'intranet du cabinet ou s'être vu interdire l'accès au cabinet, ne rapporte pas davantage la preuve de l'interdiction qui aurait été faite à son assistante et à ses collaborateurs de travailler avec lui ; qu'ainsi les échanges de mails entre la SELAS [...] et le conseil de M I... Y... établissent seulement l'existence d'un transfert du bureau de ce dernier en raison de l'aménagement de nouveaux locaux ; qu'en conséquence M I... Y... sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 700 000 € à titre de dommages-intérêts ; qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M I... Y... sera condamné à payer à la SELAS [...] la somme de 6 000 € ; que M I... Y... qui succombe en son appel sera condamné aux dépens ;
Aux motifs adoptes que M. I... Y... estime avoir été victime d'un « burn-out » imputable à son activité professionnelle au sein de la Selas [...] et demande à ce titre, réparation du préjudice qu'il estime avoir subi, évalué à 8/12e d'une année d'honoraires rétrocédés, soit 466.667 euros ; que la Selas [...] conteste toutefois tant l'imputation de l'état dépressif de M. I... Y... à son activité professionnelle que le préjudice que celui-ci estime avoir subi ; que la déléguée du Bâtonnier constate que les seuls documents communiqués par M. I... Y... à l'appui de sa demande consistent en trois attestations médicales faisant état d'un « état anxio-dépressif réactionnel à un contexte professionnel difficile », « un épisode dépressif qui s'inscrit dans un conflit professionnel » et de quelques régressions de son état de santé « compte tenu de son contexte professionnel qu'il vit avec une grande difficulté » ; qu'aucun des échanges des parties communiqués dans le cadre de la procédure ne vient corroborer le fait que l'état dépressif de M. I... Y... serait lié à la Selas [...] ; que bien au contraire, les courriels échangés les 29 août et 1er octobre 2013 traduisent un climat cordial entre M. I... Y... et M. C... Q... ainsi que la volonté de M. I... Y... de mettre un terme à son activité dans la perspective d'une nouvelle aventure professionnelle avec des collaborateurs de la Selas [...] dont les démissions sont annoncées ; qu'Aussi, s'il n'est pas contesté que M. I... Y... a subi un état dépressif qui l'a empêché de travailler à compter du 5 février 2013, la déléguée du Bâtonnier considère que les pièces communiquées ne sont pas suffisantes pour démontrer que son état de santé serait directement consécutif à son activité professionnelle au sein de la Selas [...] ; qu'en effet, aucune pièce ne permet d'établir un comportement fautif de la Selas [...] ou encore un lien de causalité entre l'état dépressif de M. I... Y... et ses conditions de travail au sein de la Selas [...] ;
1°) Alors que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en rejetant la demande de dommages-intérêts de M. I... Y... motifs pris qu'il « ne verse aucune pièce de nature à établir avant septembre 2013 les comportements précise qu'il dénonce et les attestations qu'il produit, à l'exception de celle de M. N... H... avec lequel la SELAS [...] est en contentieux devant l'ordre des avocats, relatent uniquement le malaise qu'il ressentait alors dans son exercice professionnel, ce que corroborent les certificats médicaux produits qui relient l'état dépressif du patient à un contexte professionnel difficile sans autre précision », sans se prononcer, même succinctement, sur l'attestation de Madame O... T... laquelle démontrait que le syndrome d'épuisement de M. I... Y... trouvait sa source dans le mode d'exercice de la profession d'avocat qui lui était imposé par la société [...] en énonçant que « depuis trois ans environ, j'ai vraiment senti combien I... M... souffrait de ces méthodes de gestion de « l'humain », se traduisant par la formation de clans () se faisant et se défaisant et à l'égard desquels I... restait à distance ; mais aussi par une défiance injustifiée à l'égard de ses propres méthodes de travail. Une telle attitude a clairement contribué à son isolement car il était le seul à oser ouvertement contrer les excès de gestion », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en rejetant la demande de dommages-intérêts de M. I... Y... motifs pris qu'il « ne verse aucune pièce de nature à établir avant septembre 2013 les comportements précise qu'il dénonce et les attestations qu'il produit, à l'exception de celle de M. N... H... avec lequel la SELAS [...] est en contentieux devant l'ordre des avocats, relatent uniquement le malaise qu'il ressentait alors dans son exercice professionnel, ce que corroborent les certificats médicaux produits qui relient l'état dépressif du patient à un contexte professionnel difficile sans autre précision », sans se prononcer, même succinctement sur l'attestation de M. G... W... et Mme K... W... dont il s'évinçait très clairement que l'exercice de la profession d'avocat tel qu'il était imposé par la société [...] affectait énormément M. I... Y... , la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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6 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 19-10.669, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 19-10.669, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 février 2021



Rejet

Mme BATUT, président


Arrêt n° 132 FP-P+I
Pourvoi n° Q 19-10.669






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021
La société Commissions Import Export (Commisimpex), dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° Q 19-10.669 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la République du Congo, dont le siège est ministère de la justice, boulevard Denis Sassou-N'Guesso, BP 2497, Brazzaville (République du Congo), agissant poursuites et diligences de son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen d'annulation et trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Commissions Import Export, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la République du Congo, et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen de chambre, Mme Auroy, conseiller doyen de section, M. Vigneau, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Mouty-Tardieu, M. Vitse, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2018), la société Commissions Import Export (Commisimpex), en exécution des deux sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, a fait pratiquer, le 19 octobre 2016, entre les mains d'une banque, une saisie-attribution de différents comptes ouverts en ses livres au nom de la mission diplomatique de cet Etat à Paris. Celui-ci, opposant son immunité souveraine d'exécution, a contesté la validité de ces mesures, en l'absence de renonciation expresse et spéciale, et en a demandé la mainlevée.
Examen des moyens
Sur le moyen d'annulation et le deuxième moyen de cassation, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premier et troisième moyens de cassation, réunis
Enoncé du moyen
3. Par son premier moyen, la société Commisimpex fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution en ce qu'elle a porté sur les comptes « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Pres Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville », alors :
« 1°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il « est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci », pour en déduire que la charge de la preuve de ce que les comptes bancaires en cause n'étaient pas affectées à des fins diplomatiques pèse sur la société Commisimpex, sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que s'il existe une présomption d'affectation à l'exercice des missions diplomatiques des fonds qui sont déposés sur des comptes bancaires diplomatiques, cette présomption ne vaut que pour les comptes ouverts par l'État étranger pour les besoins de ses missions diplomatiques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'il appartenait à la République du Congo de prouver que les comptes avaient été ouverts pour l'exercice de ses missions diplomatiques pour que les fonds déposés puissent bénéficier de la présomption d'affectation à l'exercice de ses missions, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, le principe de l'égalité des armes, qui participe du droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, suppose que chaque partie soit astreinte à des obligations processuelles, notamment en termes de preuve, qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en l'espèce, la preuve que des comptes bancaires ne sont pas affectés à l'exercice de la mission diplomatique est impossible à rapporter par le créancier saisissant dès lors que les données pertinentes nécessaires à cette preuve ne peuvent être détenues que par l'établissement bancaire qui tient les comptes, lequel peut opposer le secret bancaire, ou par le débiteur lui-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'une telle preuve est impossible à rapporter pour la société Commisimpex et que la preuve inverse est extrêmement aisée pour la République du Congo, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'il garantit le principe de l'égalité des armes. »
4. Par son troisième moyen, la société Commisimpex fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis à une juridiction ne saurait, en toute hypothèse, servir de fondement à la décision de cette dernière ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que « contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (1re Civ., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057, 1re Civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.093 et n° 11-10.450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », la cour d'appel a violé l'article 5 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ que l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation le 28 septembre 2011, et ne peut s'appliquer à des clauses de renonciation à immunité conclues antérieurement ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, la République du Congo ayant consenti la clause de renonciation à son immunité en 1993, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation par un arrêt rendu le 28 septembre 2011, la solution ayant ensuite été réitérée le 28 mars 2013, avant d'être abandonnée le 13 mai 2015, pour être reprise par une loi du 9 décembre 2016 entrée en vigueur le 11 décembre 2016 et applicable aux voies d'exécution postérieures, puis par arrêt du 10 janvier 2018 ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, pour juger de la validité de saisies pratiquées le 19 octobre 2016, alors qu'à cette date, l'état du droit positif n'imposait pas une renonciation spéciale, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Selon le droit international coutumier, les missions diplomatiques des Etats étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l'Etat accréditaire, d'une immunité d'exécution à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale (1re Civ., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057, Bull. 2011, I, n° 153 ; 1re Civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.938, n° 11-10.450 et n° 11-13.323, Bull. 2013, I, n° 62 à 64 ; 1re Civ., 10 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.494, Bull. 2018, I, n° 2). Cette immunité s'étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l'Etat accréditaire.
6. Cette présomption, justifiée par la nécessité de préserver cette mission à l'exercice de laquelle participent les représentations diplomatiques, cède devant la preuve contraire qui, pouvant être rapportée par tous moyens, n'est pas rendue impossible aux créanciers.
7. Ayant retenu, d'abord, que l'intitulé des comptes bancaires saisis, à l'exception de deux d'entre eux, confortait la présomption d'affectation des fonds les créditant à l'exercice de la mission diplomatique de la représentation du Congo en France, ensuite, que la société Commisimpex n'apportait pas d'éléments de preuve contraire, enfin, qu'il n'était pas discuté que la République du Congo n'avait pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques, la cour d'appel, qui a fait application des règles du droit positif en se plaçant, comme elle le devait, à la date à laquelle elle statuait, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître le principe de l'égalité des armes, en a exactement déduit que la mainlevée de la saisie devait être ordonnée.
8. Elle n'a pas, ainsi, porté atteinte à la sécurité juridique, laquelle ne peut faire obstacle à l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, dès lors que la société Commisimpex n'a pas été privée du droit à l'accès au juge.
9. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Commisimpex aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen d'annulation produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Commissions Import Export
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 19 octobre 2016 en ce qu'elle a porté sur les comptes suivants « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Pres Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville » ;
AUX MOTIFS QUE sur la renonciation à l'immunité d'exécution : À l'appui de son appel, la République du Congo soutient encore qu'elle n'a pas expressément et spécialement renoncé à son immunité d'exécution sur les biens rattachés à sa mission diplomatique, que ce soit aux termes de la lettre d'engagement du 3 mars 1993 ou à ceux des dispositions du règlement CCI sur le fondement duquel ont été rendues les sentences arbitrales de 2000 et 2013. La société Commisimpex rappelle que les dispositions de la loi du 9 décembre 2016 qui exigent une renonciation expresse et spéciale des États étrangers à leur immunité d'exécution concernant leurs biens diplomatiques ne sont pas applicables à la présente espèce, qu'il convient d'appliquer les dispositions du droit international coutumier qui n'exige pas de renonciation autre qu'expresse à l'immunité d'exécution. Cependant, contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (Civ. 1, 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72057, Civ. 1, 28 mars 2013, pourvois n° 10-25093 et n° 11-10450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale. La décision de la Cour de cassation du 13 mai 2015, de par sa nature isolée, n'a pu constituer, pour la société Commisimpex, un obstacle à son droit à un procès équitable. Dès lors qu'il n'est pas discuté que la République du Congo n'a pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques et que la saisie litigieuse a porté sur ces biens tels que déterminés plus haut, il convient d'en ordonner la mainlevée ;
ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité par le Conseil Constitutionnel d'une disposition législative produit son effet sur les instances en cours ; que par l'effet du prononcé de l'inconstitutionnalité de la portée effective de l'interprétation jurisprudentielle constante conférée par la Cour de cassation à l'article L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d'exécution, issu de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, la décision attaquée a perdu son fondement juridique ; que l'annulation de l'arrêt est donc encourue. Moyens de cassation produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Commissions Import Export
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 19 octobre 2016 en ce qu'elle a porté sur les comptes suivants « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Pres Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville » ;
AUX MOTIFS que sur la nature des comptes : A l'appui de son appel, la République du Congo soutient que les comptes bancaires visés par la saisie litigieuse sont affectés à l'exercice de la mission diplomatique, que la Société Générale, tiers-saisi, indiquait à l'huissier instrumentaire : «Nous vous communiquons la liste ci-jointe des comptes bancaires avec mention de leur nature et leur solde à la date de la saisie-attribution sous réserve du dénouement des opérations en cours», que cette lettre présentait sous forme de tableau, l'intitulé desdits comptes, à savoir:- « Ambassade du Congo OGES » ;- « Ambassade du Congo » ; - « Ambassade du Congo » ;- « Paierie Pres Ambassade du Congo France » ; - « Ambassade du Congo-cellule communication » ; - « Caisse congolaise d'amortissement»; - « Del Congo Brazzaville» ; que la Société Générale prenait encore soin de préciser :« Nous avons également relevé, sauf erreur ou omission, que les garanties suivantes qui constituent des créances à terme et conditionnelles bénéficiant, à la date de la saisie attribution aux Ministères et services de la République du Congo Brazzaville ci-après, ainsi qu'il en est justifié ci-joint :- Au Ministère de l'Economie et des Finances: garantie au 11 05 2016 de 84. 354.000 XAF date d'expiration, 12 05 2017- Au Ministère de l'Economie, des Finances : garantie au 11 05 2016 de 131. 100.000 XAF date d'expiration 12 05 2017.- Au Ministère Transport et Aviation: garantie au 07 03 2016 de 12.509.458 XAF date d'expiration 01 10 2017- Au Ministère Transport et Aviation : garantie au 08 03 2916 de 76.282 euros, date d'expiration au 01 10 2017 ». La République du Congo ajoute que la société Commisimpex n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que ces comptes ne sont pas affectés à la mission diplomatique, qu'il appartient à la République française de respecter son obligation de protéger les missions diplomatiques présentes sur son sol conformément tant à la Convention de Vienne de 1961 qu'à la loi française. La société Commisimpex soutient que la République du Congo ne rapporte pas la preuve, dont elle a la charge, de la réalité de l'affectation des comptes bancaires saisis, à titre subsidiaire, qu'elle est bien fondée à solliciter la communication des documents pertinents. Sur la charge de la preuve, elle expose qu'il appartient à l'État étranger de démontrer que les comptes bancaires saisis ont été ouverts pour les besoins de ses missions diplomatiques et au créancier poursuivant, une fois cette démonstration faite, de prouver que les fonds déposés sur lesdits comptes ne sont pas affectés auxdits besoins, que l'intitulé des comptes est déclaratif, facilement modifiable et ne démontre en rien leur affectation et que le tiers saisi a déjà été condamné à lui verser des dommages-intérêts pour avoir refusé de lui verser des sommes valablement saisies entre ses mains au préjudice de la République du Congo. Elle expose qu'elle bénéficie, comme toute partie, d'un droit à la preuve et qu'il appartient à la République du Congo de lui produire les conventions d'ouverture de ces comptes et leurs mouvements sur une durée d'au moins une année. Pour l'intimée, la saisie a, par ailleurs, porté sur des engagements de garantie consentis par la Société Générale, non pas au profit de l'ambassade de la République du Congo en France, mais au profit de deux ministères, le « Ministère de l'économie et des finances » et « Ministère des transports et aviation ». Elle soutient que le droit international coutumier, ensemble les dispositions de la loi Sapin 2 qui ne sont pas applicables au présent litige, n'exige aucune renonciation spéciale à l'immunité d'exécution au-delà des biens affectés au fonctionnement de la mission diplomatique.Cependant, il est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci. L'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'injonction qu'elle sollicite. En ce qui concerne les engagements de garantie, ainsi que le relève utilement l'intimée, dès lors qu'ils ont été souscrits par la Société Générale au profit du « ministère de l'économie et des finances » et du « ministère des transports et aviation », ils ne sont pas, à l'évidence, affectés au fonctionnement de la mission diplomatique ;
1°) ALORS QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il « est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci », pour en déduire que la charge de la preuve de ce que les comptes bancaires en cause n'étaient pas affectées à des fins diplomatiques pèse sur la société Commisimpex, sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que s'il existe une présomption d'affectation à l'exercice des missions diplomatiques des fonds qui sont déposés sur des comptes bancaires diplomatiques, cette présomption ne vaut que pour les comptes ouverts par l'État étranger pour les besoins de ses missions diplomatiques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'il appartenait à la République du Congo de prouver que les comptes avaient été ouverts pour l'exercice de ses missions diplomatiques pour que les fonds déposés puissent bénéficier de la présomption d'affectation à l'exercice de ses missions, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le principe de l'égalité des armes, qui participe du droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, suppose que chaque partie soit astreinte à des obligations processuelles, notamment en termes de preuve, qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en l'espèce, la preuve que des comptes bancaires ne sont pas affectés à l'exercice de la mission diplomatique est impossible à rapporter par le créancier saisissant dès lors que les données pertinentes nécessaires à cette preuve ne peuvent être détenues que par l'établissement bancaire qui tient les comptes, lequel peut opposer le secret bancaire, ou par le débiteur lui-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « l'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe », alors qu'une telle preuve est impossible à rapporter pour la société Commisimpex et que la preuve inverse est extrêmement aisée pour la République du Congo, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'il garantit le principe de l'égalité des armes.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Commisimpex d'enjoindre à la République du Congo de communiquer les conventions d'ouverture de chacun des treize comptes saisis avec leurs avenants éventuels, les documents justifiant de l'identité et de la qualité des personnes autorisées à les mouvementer, les relevés des opérations et mouvements effectués sur les treize comptes saisis sur une période suffisante pour déterminer l'utilisation effective des fonds transitant par ces comptes ;
AUX MOTIFS qu'il est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci. L'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés « Caisse Congolaise d'amortissement » et « Equatorial Congo Airlines-Ecair » permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'injonction qu'elle sollicite ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en rejetant la demande de production de pièces formée par la société Commisimpex au seul motif qu'il n'y a pas « lieu de faire droit à la demande d'injonction qu'elle sollicite », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le respect du droit à la preuve doit conduire le juge à faire droit à une demande de production de pièces détenues par l'autre partie dès lors qu'elles sont nécessaires pour établir le bien-fondé des prétentions formées ; qu'en rejetant la demande de production de pièces formée par la société Commisimpex au seul motif qu'il n'y a pas « lieu de faire droit à la demande d'injonction qu'elle sollicite », la cour d'appel a violé les articles 9, 11 et 146 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 19 octobre 2016 en ce qu'elle a porté sur les comptes suivants « Ambassade du Congo OGES », « Ambassade du Congo », « Ambassade du Congo », « Paierie Pres Ambassade du Congo France », « Ambassade du Congo-cellule communication », « Del Congo Brazzaville » ;
AUX MOTIFS QUE sur la renonciation à l'immunité d'exécution : À l'appui de son appel, la République du Congo soutient encore qu'elle n'a pas expressément et spécialement renoncé à son immunité d'exécution sur les biens rattachés à sa mission diplomatique, que ce soit aux termes de la lettre d'engagement du 3 mars 1993 ou à ceux des dispositions du règlement CCI sur le fondement duquel ont été rendues les sentences arbitrales de 2000 et 2013. La société Commisimpex rappelle que les dispositions de la loi du 9 décembre 2016 qui exigent une renonciation expresse et spéciale des États étrangers à leur immunité d'exécution concernant leurs biens diplomatiques ne sont pas applicables à la présente espèce, qu'il convient d'appliquer les dispositions du droit international coutumier qui n'exige pas de renonciation autre qu'expresse à l'immunité d'exécution. Cependant, contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (Civ. 1, 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72057, Civ. 1, 28 mars 2013, pourvois n° 10-25093 et n° 11-10450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale. La décision de la Cour de cassation du 13 mai 2015, de par sa nature isolée, n'a pu constituer, pour la société Commisimpex, un obstacle à son droit à un procès équitable. Dès lors qu'il n'est pas discuté que la République du Congo n'a pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques et que la saisie litigieuse a porté sur ces biens tels que déterminés plus haut, il convient d'en ordonner la mainlevée ;
1°) ALORS QUE la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis à une juridiction ne saurait, en toute hypothèse, servir de fondement à la décision de cette dernière ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que « contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (Civ. 1, 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72057, Civ. 1, 28 mars 2013, pourvois n° 10-25093 et n° 11-10450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », la cour d'appel a violé l'article 5 du code civil, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale », sans préciser le fondement juridique de sa décision sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation le 28 septembre 2011, et ne peut s'appliquer à des clauses de renonciation à immunité conclues antérieurement ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, la République du Congo ayant consenti la clause de renonciation à son immunité en 1993, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'exigence d'une renonciation spéciale à l'immunité diplomatique d'exécution des comptes bancaires des missions diplomatiques a été posée pour la première fois par la Cour de cassation par un arrêt rendu le 28 septembre 2011, la solution ayant ensuite été réitérée le 28 mars 2013, avant d'être abandonnée le 13 mai 2015, pour être reprise par une loi du 9 décembre 2016 entrée en vigueur le 11 décembre 2016 et applicable aux voies d'exécution postérieures, puis par arrêt du 10 janvier 2018 ; qu'en imposant une renonciation spéciale à l'immunité d'exécution de la mission diplomatique de la République du Congo, pour juger de la validité de saisies pratiquées le 19 octobre 2016, alors qu'à cette date, l'état du droit positif n'imposait pas une renonciation spéciale, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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7 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 19-21.403, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 19-21.403, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 février 2021



Rejet

Mme BATUT, président


Arrêt n° 109 FS-P
Pourvoi n° H 19-21.403








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021
1°/ la société Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat, anciennement dénommée Les Trois caps, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Côte d'Azur Sotheby's Cannes, anciennement dénommée Burger Real Estate, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° H 19-21.403 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3,1), dans le litige les opposant à la société Océan 24, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat et Côte d'Azur Sotheby's Cannes, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Océan 24, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juillet 2019), la société Burger Real Estate finance (la société BREF), qui a pour dirigeant M. H..., a constitué notamment deux sociétés dont elle est l'associé unique : les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ayant une activité d'agent immobilier et pour gérante Mme S.... Par contrat du 30 octobre 2013 complété par un avenant du 1er décembre 2015, signés par M. H... au nom de la société BREF, Mme S... s'est vu confier des fonctions de directrice commerciale. Par deux contrats du 1er janvier 2015, les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ont confié à Mme S... un mandat d'agent commercial de prospection et de transaction de vente d'appartements, maisons et terrains. Ces actes ont été signés par Mme S... et par M. H....
2. Du 29 septembre 2017 au 26 juin 2018, la société Océan 24, constituée par Mme S... qui en est la gérante, a émis dix factures d'honoraires ou commissions sur des ventes ou locations, l'une à l'égard de la société Les Trois caps et les neuf autres à l'égard de la société Burger Real Estate. Les 31 décembre 2017 et 12 février 2018, Mme S... a émis à l'égard de la société BREF trois factures de primes conformes à l'avenant du 1er décembre 2015. Contestant les factures émises tant par la société Océan 24 que par Mme S..., la société BREF a rompu le contrat de direction générale conclu avec cette dernière. Les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps ont révoqué Mme S... de ses fonctions de gérante et ont obtenu, par ordonnance de référé du 31 août 2018, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens et avoirs de la société Océan 24.
3. Par actes des 27 et 28 septembre 2018, la société Océan 24 a assigné les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps, devenues respectivement la société Côte d'Azur Sotheby's Cannes et la société Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat, aux fins de mainlevée des saisies pratiquées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Cannes et Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat font grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 31 août 2018 et d'ordonner la mainlevée des saisies-conservatoires, alors « que, pour établir l'existence de créances fondées en leur principe, la société Les Trois caps et la société Burger Real Estate se prévalaient de ce que les factures émises par la société Océan 24 ne correspondaient à aucune créance ; qu'à cet égard, elles soutenaient notamment que les conventions du 1er janvier 2015 invoquées par la société Océan 24 comme fondant les créances ayant donné lieu à factures, procédaient de conventions illicites pour n'être pas conformes aux règles gouvernant les conventions réglementées dans la mesure où Mme S... assumait la direction générale des deux sociétés ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Ayant constaté que les contrats d'agent commercial conclus par les sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps avec Mme S... avaient été signés par cette dernière ainsi que par M. H..., dirigeant de la société BREF, laquelle est l'unique associée de chacune des deux sociétés, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Cannes et Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat font grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors :
« 1°/ que le premier juge, dont les motifs ont été adoptés, relève que les factures correspondent à des prestations accomplies en exécution des contrats d'agent commercial, et que Mme S... a strictement appliqué les conventions ; que l'arrêt lui-même constate que les conventions du 1er janvier 2015 conféraient à Mme S... un mandat d'agent commercial en vue de prospection et de transaction de vente d'appartements, maisons et terrains et que les factures émises visent des honoraires ou des commissions sur ventes ou locations ; qu'en refusant de rechercher, dans ces conditions, si, exercées par une personne morale dans le secteur de l'immobilier, comme il était constaté, les conventions conclues avec la société Océan 24 n'étaient pas illicites, excluant de ce fait l'existence de créances contractuelles, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
2°/ qu'en tout cas, eu égard aux constatations figurant à l'arrêt attaché ainsi qu'à l'ordonnance entreprise, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale faute de s'expliquer sur la nullité, au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
3°/ que les juges du second degré ont retenu : « les factures d'honoraires et de commissions [] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate » ; que ce motif confortait à son tour l'idée qu'il y avait eu exercice par une personne morale d'une activité d'agent commercial dans le domaine de l'immobilier ; qu'en refusant néanmoins d'examiner le moyen de nullité invoqué par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
4°/ que, si les juges du fond ont énoncé : « les factures d'honoraires et de commissions [] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les Trois caps et Burger Real Estate », ce motif, fondé sur le libellé des factures, devait être regardé comme impropre à justifier l'absence de créance, dès lors qu'à supposer même que les libellés des factures aient été imprécis, de toute façon, les juges du fond avaient constaté par ailleurs que les factures avaient été émises par une personne morale en exécution d'actes relevant de l'activité d'agent immobilier et sur la base de conventions confiant à l'intermédiaire un mandat d'agent commercial dans le domaine immobilier ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. »
Réponse de la Cour
8. Si, en vertu de l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, un mandat d'agent commercial est confié à une personne physique, celle-ci peut, sous réserve de dispositions de ce contrat le prévoyant, se substituer une personne morale à la condition que cette dernière soit titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier.
9. Ayant estimé, par motifs propres et adoptés, que les deux contrats d'agent commercial consentis à Mme S... lui ouvraient une faculté de substitution, et relevé que la société Océan 24, que s'était substituée Mme S... dans l'exécution de ces deux contrats, exerçait elle-même l'activité d'agent immobilier, de sorte que les factures d'honoraires et de commissions émises par la société Océan 24 à l'égard des sociétés Burger Real Estate et Les Trois caps, qui correspondaient à des prestations effectivement accomplies, étaient valables, la cour d'appel en a justement déduit que les créances alléguées par ces deux dernières sociétés n'étaient pas justifiées et que la mainlevée des saisies conservatoires devait être ordonnée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Cannes et Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour les sociétés Côte d'Azur Sotheby's Saint-Jean-Cap-Ferrat et Côte d'Azur Sotheby's Cannes
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant l'ordonnance du 22 décembre 2018, il a rétracté l'ordonnance du 31 août 2018 et ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « il convient, pour examiner si l'ordonnance du 31 août 2018 était ou non fondée, de se reporter à la date de la requête c'est-à-dire le 28 précédent ; que dans cette requête la société Les trois caps et la société Burger Real Estate exposaient : - d'une part que l'audit du Cabinet C... a mis en lumière de graves dysfonctionnements imputables à Madame S... que Madame S... s'est appropriée, via la société Océan 24 dont elle ne les pas informées de la création, une partie très importantes de leurs chiffres d'affaires et des commissions d'agent commercial que ne peut être une société ; - et d'autre part que la création récente (30 mai 2017) de la société Océan 24 les privent de toute visibilité sur sa situation financière ; que les 2 contrats d'agent commercial conclus le 1er janvier 2015 par les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate avec Madame S... comportent une apparente contradiction, puis leur début stipule "Madame Q... S... (...) ou toute autre société ultérieurement créée la représentant dans cette activité", tandis que l'article 9-3 précise "Le présent contrat étant conclu intuitu personae, L‘AGENT COMMERCIAL s'interdit de céder ou de transférer (...) les droits et obligations en résultant; sans l'accord exprès, préalable et écrit du MANDANT" ; que, mais en réalité la faculté de substitution ouverte à Madame S..., à laquelle les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ont clairement consenti par Monsieur H... dirigeant de leur associée unique la société BREF, ne constitue ni une cession ni un transfert, et par suite n'a pas à obtenir leur accord ; que les factures d'honoraires et de commissions établies par la société Océan 24 ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par cette structure, au profit d'une activité illicite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ; que le rapport de mission du Cabinet I..., missionné par la société BREF et établi le 31 mai 2018, ne relève pas de dysfonctionnements ni même d'anomalies de la part tant de Madame S... pour ses facturations entre 2015 et 2017, que de la société Océan 24 pour 2017, peu important que le contrat concernant cette dernière ne lui ait pas été communiqué ; qu'enfin si Madame K... F... a été engagée le 8 septembre 2017 par la société Burger Real Estate représentée par Madame S..., c'est en qualité d'assistance commerciale ce qui n'empêchait pas cette dernière de continuer à exercer son activité d'agent commercial ; que c'est donc à bon droit que l'ordonnance de référé a constaté que les créances des sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ne sont pas fondées en leur principe, ce qui exclut toute saisie conservatoire au préjudice de la société Océan 24 » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « il ressort des éléments du dossier et des explications fournies au cours des débats qu'il est démontré que les factures querellées par les sociétés Les trois caps et BRE correspondent à des prestations effectivement réalisées par Madame S... au titre des contrats d'agent commercial conclus avec lesdites sociétés ; que la rémunération de l'agent commercial basée sur le chiffre d'affaires est fixée ainsi : - entrée d'un mandat, 25%, - vente d'un bien, 25%, - entrée et vente du bien, 50% ; qu'il conviendra de constater que Madame S... a strictement appliqué les dispositions sus-évoquées, au regard des conventions liant les parties ; que surabondamment, prétendre que ces contrats n'auraient jamais existé ou auraient été conclus sans l'accord de son co-contractant, Monsieur H... relève de la pure mauvaise foi, dans la mesure où ils ont été signés par le dirigeant de la société ; qu'il conviendrait de connaître les tenants et aboutissants de cette « faute d'une exceptionnelle gravité » comme par Madame S..., lorsque l'on constate de quelle façon Monsieur H... qualifie son travail de « formidable » ; qu'au surplus, ce qualificatif s'applique sur tous les dossiers traités par Madame S... et les facturations non-sérieusement contestables ; que les trois contrats d'agents commerciaux querellés avec la société BRE et Les trois caps ne souffriraient d'une contestation après que la société Océan 24 les ait remis à la barre du tribunal ; que la société Océan 24 excipe que si tout ce qui lui était reproché reflétait une quelconque réalité, cela justifierait d'une action pénale non-actionnée à ce jour ; qu'enfin, Madame S... a toujours réalisé ses prestations sous son statut d'agent commercial de la société BRE ou la société Les trois caps (par exemple, les correspondances avec les clients et différents intervenants aux opérations étaient toujours envoyées sur la boîte mail professionnelle Sotheby's de Madame S... : [...]); que ces prestations ont toutes été réalisées à l'appui des conventions écrites et acceptées par l'associé unique des société BRE et Les trois caps, la société BREF ; que les factures contestées correspondent à des rétrocessions d'honoraires issues de facturation par la société BRE ou la société Les trois caps aux clients directement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sommes versées qui ont fait l'objet des saisies conservatoires sur les comptes de la société Océan 24 ont été versées au titre d'opérations existantes, réalisées et accomplies par Madame S..., gérante de la société Océan 24 ; qu'en conséquence, il y aura lieu de constater que les créances saisies sur les comptes bancaires de la société Océan 24 en exécution de l'ordonnance du 31 août 2018 sont non-fondées en leur principe ; qu'il y aura lieu de rétracter l'ordonnance du 31 août 2018 et d'ordonner la mainlevée des saisies pratiques en application de l'ordonnance du 31 août 2018 » ;
ALORS QUE, pour établir l'existence de créances fondées en leur principe, la société Les trois caps et la société Burger Real Estate se prévalaient de ce que les factures émises par la société Océan 24 ne correspondaient à aucune créance ; qu'à cet égard, elles soutenaient notamment que les conventions du 1er janvier 2015 invoquées par la société Océan 24 comme fondant les créances ayant donné lieu à factures, procédaient de conventions illicites pour n'être pas conformes aux règles gouvernant les conventions réglementées dans la mesure où Madame S... assumait la direction générale des deux sociétés (conclusions du 23 mai 2019, pp. 12-14) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant l'ordonnance du 22 décembre 2018, il a rétracté l'ordonnance du 31 août 2018 et ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « il convient, pour examiner si l'ordonnance du 31 août 2018 était ou non fondée, de se reporter à la date de la requête c'est-à-dire le 28 précédent ; que dans cette requête la société Les trois caps et la société Burger Real Estate exposaient : - d'une part que l'audit du Cabinet C... a mis en lumière de graves dysfonctionnements imputables à Madame S... que Madame S... s'est appropriée, via la société Océan 24 dont elle ne les pas informées de la création, une partie très importantes de leurs chiffres d'affaires et des commissions d'agent commercial que ne peut être une société ; - et d'autre part que la création récente (30 mai 2017) de la société Océan 24 les privent de toute visibilité sur sa situation financière ; que les 2 contrats d'agent commercial conclus le 1er janvier 2015 par les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate avec Madame S... comportent une apparente contradiction, puis leur début stipule "Madame Q... S... (...) ou toute autre société ultérieurement créée la représentant dans cette activité", tandis que l'article 9-3 précise "Le présent contrat étant conclu intuitu personae, L‘AGENT COMMERCIAL s'interdit de céder ou de transférer (...) les droits et obligations en résultant; sans l'accord exprès, préalable et écrit du MANDANT" ; que, mais en réalité la faculté de substitution ouverte à Madame S..., à laquelle les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ont clairement consenti par Monsieur H... dirigeant de leur associée unique la société BREF, ne constitue ni une cession ni un transfert, et par suite n'a pas à obtenir leur accord ; que les factures d'honoraires et de commissions établies par la société Océan 24 ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par cette structure, au profit d'une activité illicite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ; que le rapport de mission du Cabinet I..., missionné par la société BREF et établi le 31 mai 2018, ne relève pas de dysfonctionnements ni même d'anomalies de la part tant de Madame S... pour ses facturations entre 2015 et 2017, que de la société Océan 24 pour 2017, peu important que le contrat concernant cette dernière ne lui ait pas été communiqué ; qu'enfin si Madame K... F... a été engagée le 8 septembre 2017 par la société Burger Real Estate représentée par Madame S..., c'est en qualité d'assistance commerciale ce qui n'empêchait pas cette dernière de continuer à exercer son activité d'agent commercial ; que c'est donc à bon droit que l'ordonnance de référé a constaté que les créances des sociétés Les trois caps et Burger Real Estate ne sont pas fondées en leur principe, ce qui exclut toute saisie conservatoire au préjudice de la société Océan 24 » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « il ressort des éléments du dossier et des explications fournies au cours des débats qu'il est démontré que les factures querellées par les sociétés Les trois caps et BRE correspondent à des prestations effectivement réalisées par Madame S... au titre des contrats d'agent commercial conclus avec lesdites sociétés ; que la rémunération de l'agent commercial basée sur le chiffre d'affaires est fixée ainsi : - entrée d'un mandat, 25%, - vente d'un bien, 25%, - entrée et vente du bien, 50% ; qu'il conviendra de constater que Madame S... a strictement appliqué les dispositions sus-évoquées, au regard des conventions liant les parties ; que surabondamment, prétendre que ces contrats n'auraient jamais existé ou auraient été conclus sans l'accord de son co-contractant, Monsieur H... relève de la pure mauvaise foi, dans la mesure où ils ont été signés par le dirigeant de la société ; qu'il conviendrait de connaître les tenants et aboutissants de cette « faute d'une exceptionnelle gravité » comme par Madame S..., lorsque l'on constate de quelle façon Monsieur H... qualifie son travail de « formidable » ; qu'au surplus, ce qualificatif s'applique sur tous les dossiers traités par Madame S... et les facturations non-sérieusement contestables ; que les trois contrats d'agents commerciaux querellés avec la société BRE et Les trois caps ne souffriraient d'une contestation après que la société Océan 24 les ait remis à la barre du tribunal ; que la société Océan 24 excipe que si tout ce qui lui était reproché reflétait une quelconque réalité, cela justifierait d'une action pénale non-actionnée à ce jour ; qu'enfin, Madame S... a toujours réalisé ses prestations sous son statut d'agent commercial de la société BRE ou la société Les trois caps (par exemple, les correspondances avec les clients et différents intervenants aux opérations étaient toujours envoyées sur la boîte mail professionnelle Sotheby's de Madame S... : [...]); que ces prestations ont toutes été réalisées à l'appui des conventions écrites et acceptées par l'associé unique des société BRE et Les trois caps, la société BREF ; que les factures contestées correspondent à des rétrocessions d'honoraires issues de facturation par la société BRE ou la société Les trois caps aux clients directement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sommes versées qui ont fait l'objet des saisies conservatoires sur les comptes de la société Océan 24 ont été versées au titre d'opérations existantes, réalisées et accomplies par Madame S..., gérante de la société Océan 24 ; qu'en conséquence, il y aura lieu de constater que les créances saisies sur les comptes bancaires de la société Océan 24 en exécution de l'ordonnance du 31 août 2018 sont non-fondées en leur principe ; qu'il y aura lieu de rétracter l'ordonnance du 31 août 2018 et d'ordonner la mainlevée des saisies pratiques en application de l'ordonnance du 31 août 2018 » ;
ALORS QUE, premièrement, le premier juge, dont les motifs ont été adoptés, relève que les factures correspondent à des prestations accomplies en exécution des contrats d'agent commercial, et que Madame S... a strictement appliqué les conventions (jugement, p. 3) ; que l'arrêt lui-même constate que les conventions du 1er janvier 2015 conféraient à Madame S... un mandat d'agent commercial en vue de prospection et de transaction de vente d'appartements, maisons et terrains (arrêt, p. 3 alinéa 3) et que les factures émises visent des honoraires ou des commissions sur ventes ou locations (arrêt, p. 3 alinéa 5) ; qu'en refusant de rechercher, dans ces conditions, si, exercées par une personne morale dans le secteur de l'immobilier, comme il était constaté, les conventions conclues avec la SARL Océan 24 n'étaient pas illicites, excluant de ce fait l'existence de créances contractuelles, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, eu égard aux constatations figurant à l'arrêt attaché ainsi qu'à l'ordonnance entreprise, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale faute de s'expliquer sur la nullité, au regard de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
ALORS QUE, troisièmement et subsidiairement, les juges du second degré ont retenu : « les factures d'honoraires et de commissions [] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés LES TROIS CAP et Burger Real Estate » (arrêt, p. 7 alinéa 3) ; que ce motif confortait à son tour l'idée qu'il y avait eu exercice par une personne morale d'une activité d'agent commercial dans le domaine de l'immobilier ; qu'en refusant néanmoins d'examiner le moyen de nullité invoqué par les sociétés Les trois caps et Burger Real Estate, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
ET ALORS QUE, quatrièmement, si les juges du fond ont énoncé : « les factures d'honoraires et de commissions [] ne suffisent pas à écarter le caractère d'opérations non d'agent commercial comme prétendu par [la société Océan 24] au profit d'une activité licite d'agent immobilier telle qu'invoquée par les sociétés LES TROIS CAP et Burger Real Estate » (arrêt, p. 7 alinéa 3), ce motif, fondé sur le libellé des factures, devait être regardé comme impropre à justifier l'absence de créance, dès lors qu'à supposer même que les libellés des factures aient été imprécis, de toute façon, les juges du fond avaient constaté par ailleurs que les factures avaient été émises par une personne morale en exécution d'actes relevant de l'activité d'agent immobilier et sur la base de conventions confiant à l'intermédiaire un mandat d'agent commercial dans le domaine immobilier ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970.

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 février 2021, 19-21.046, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
MY1


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 3 février 2021



Cassation

Mme BATUT, président


Arrêt n° 128 F-P
Pourvoi n° U 19-21.046



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021
M. F... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.046 contre le jugement rendu le 12 juin 2019 par le tribunal d'instance de Villeurbanne, dans le litige l'opposant à la société La Broderie de Lomagne, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés, au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X..., et après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villeurbanne, 12 juin 2019), rendu en dernier ressort, M. X... (l'acheteur), soutenant ne pas avoir reçu des produits achetés le 2 décembre 2017 sur Internet à la société La Broderie de Lomagne (le vendeur), a, par déclaration au greffe, sollicité la condamnation du vendeur au paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'acheteur fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors « que le risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ; que, pour débouter l'acquéreur de sa demande indemnitaire, le jugement attaqué a considéré que le transporteur – choisi par le vendeur - ne lui avait pas remis le colis et que le vendeur n'était pas responsable de cette défaillance ; qu'en se prononçant de la sorte quand le vendeur supportait pourtant le risque de perte du colis jusqu'à sa prise de possession physique par l'acquéreur, le tribunal a violé les articles 1604 du code civil et L. 216-4 du code de la consommation »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 216-4 du code de la consommation :
4. Aux termes de ce texte, tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens.
5. Pour rejeter la demande formée par l'acheteur, le jugement retient que La Poste lui a offert une indemnisation forfaitaire de 16 euros, admettant ainsi implicitement une défaillance de ses services dont le vendeur n'est pas responsable, et que l'acheteur ne rapporte pas la preuve d'un manquement de celui-ci à ses obligations contractuelles.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acheteur n'avait pas pris physiquement possession des biens achetés sur Internet, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Villeurbanne ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon ;
Condamne la société La Broderie de Lomagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Broderie de Lomagne à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir débouté un acheteur consommateur (M. X..., l'exposant) de ses demandes indemnitaires contre le vendeur professionnel (la société La Broderie de Lomagne) ;
AUX MOTIFS QUE, pour l'application des dispositions générales du code civil, il appartenait aux parties de rapporter la preuve de leurs allégations ; que le demandeur déclarait ne pas avoir reçu la livraison des articles commandés quand, selon les pièces qu'il produisait, la société défenderesse prétendait que ces articles avaient été livrés à l'adresse indiquée ; que le mode de livraison, sans signature du destinataire, n'était pas contesté ; que, dans son courrier du 11 avril 2018, la Poste avait offert au demandeur une indemnisation forfaitaire de 16 euros, admettant ainsi implicitement une défaillance de ses services dont la société défenderesse n'était pas responsable ; que le demandeur ne rapportait ainsi pas la preuve d'un manquement de la société La Broderie de Lomagne à ses obligations contractuelles ;
ALORS QUE, d'une part, le risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ; que, pour débouter l'acquéreur de sa demande indemnitaire, le jugement attaqué a considéré que le transporteur – choisi par le vendeur - ne lui avait pas remis le colis et que le vendeur n'était pas responsable de cette défaillance ; qu'en se prononçant de la sorte quand le vendeur supportait pourtant le risque de perte du colis jusqu'à sa prise de possession physique par l'acquéreur, le Tribunal a violé les articles 1604 du code civil et L. 216-4 du code de la consommation ;
ALORS QUE, d'autre part, l'obligation de délivrance étant une obligation de résultat, le vendeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'à la condition de démontrer que le défaut de délivrance procède de la force majeure ou du fait de l'acquéreur ; qu'en décidant que le vendeur n'était pas responsable de la défaillance du transporteur dans la livraison du colis, quand le comportement du tiers ne constituait pas une cause étrangère exonératoire de responsabilité, le Tribunal a violé les articles 1604 du code civil et L. 216-4 du code de la consommation. Moyen addtionnel produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir débouté un acheteur consommateur (M. X..., l'exposant) de ses demandes indemnitaires contre le vendeur professionnel (la société La Broderie de Lomagne) ;
AUX MOTIFS QUE le mode de livraison, sans signature du destinataire, n'était pas contesté ; que, dans son courrier du 11 avril 2018, La Poste avait offert au demandeur une annulation forfaitaire de 16 €, admettant ainsi implicitement une défaillance de ses services dont le vendeur n'était pas responsable ; que l'acheteur ne rapportait ainsi pas la preuve d'un manquement du vendeur à ses obligations contractuelles ;
ALORS QUE la livraison s'entend du transfert au consommateur de la possession physique ou du contrôle du bien ; qu'après avoir constaté que la livraison se serait opérée sans signature du destinataire, c'est-à-dire sans mise en possession physique de l'acheteur, le jugement attaqué ne pouvait pas retenir que l'acheteur ne rapportait pas la preuve d'un manquement du vendeur à ses obligations contractuelles ; qu'en omettant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, le tribunal a violé l'article L. 216-1 du code de la consommation ainsi que les articles 1603 et 1604 du code civil.

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9 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-25.853, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-25.853, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 28 janvier 2021



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 88 F-P+I
Pourvoi n° U 19-25.853






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Centre Val de Loire, dont le siège est place du général de Gaulle, 45955 Orléans cedex 9, a formé le pourvoi n° U 19-25.853 contre le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil (pôle social), dans le litige l'opposant à M. B... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Centre Val de Loire, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. D..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Créteil, 17 octobre 2019), rendu en dernier ressort, l'URSSAF du Centre Val de Loire (l'URSSAF) a, le 15 décembre 2017, adressé à M. D... (le cotisant), un appel de la cotisation subsidiaire maladie due, pour l'année 2016, au titre de la protection universelle maladie (la PUMA).
2. Le cotisant a saisi d'un recours un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief au jugement d'accueillir ce recours, alors « que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée ; qu'en l'espèce, les dispositions du décret du 3 mai 2017 pris en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale étaient nécessairement applicables à la date de l'appel de cotisation dont avait fait l'objet le cotisant en décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie due pour l'année 2016 ; que le cotisant avait donc, à cette date, connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; qu'en se plaçant en 2016 pour décider du contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 du code civil, L. 380-2, D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, les trois derniers, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 9 juillet 2016 :
4. Selon le deuxième de ces textes, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle dont les conditions d'assujettissement, les modalités de détermination de l'assiette et le taux sont fixés par les trois derniers.
5. Pour dire que l'URSSAF ne peut réclamer la cotisation litigieuse et annuler l'appel de cotisations y afférent, le jugement relève en substance que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne peut être lu et interprété que par référence à l'application des articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 qui constituent ou modifient profondément les articles R. 380-3 à R. 380-6 et R. 380-9 du code de la sécurité sociale. Il retient que ces textes sont essentiels à l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du même code et qu'en 2016, il n'était pas possible à l'assuré d'avoir connaissance des conditions intégrales d'application de la PUMA.
6. En statuant ainsi, alors que les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l'assujettissement à la PUMA pour l'année 2016, le tribunal a violé ces derniers.
Et sur le même moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. L'URSSAF fait le même grief au jugement, alors « qu'il n'y a pas de nullité sans texte ; qu'aucun texte n'a prévu que le délai prévu par l'article R. 380-2 du code de la sécurité sociale pour appeler la cotisation était prescrit à peine de nullité ; qu'en jugeant qu'à défaut d'avoir appelé la cotisation subsidiaire maladie avant l'échéance du terme prévu par ces dispositions, l'appel de cotisation effectué le 15 décembre 2017 par l'URSSAF devait être annulé, le tribunal a violé les articles L. 380-2, D. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige, et le principe pas de nullité sans texte. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse :
8. Selon ce texte, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
9. Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible.
10. Pour annuler l'appel de cotisations litigieux, le jugement retient qu'il résulte des dispositions de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale que cette cotisation doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre, que passé ce délai, l'URSSAF n'est plus recevable à appeler la cotisation en cause, que le fait que l'organisme dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations n'implique pas qu'il puisse s'abstenir de respecter d'autres délais, notamment, celui de procéder à l'appel et au recouvrement des cotisations et qu'en l'espèce, l'URSSAF n'a pas appelé la cotisation litigieuse avant l'échéance du terme dont elle disposait.
11. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Créteil ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil ;
Condamne M. D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF Centre Val de Loire
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir fait droit à l'ensemble des demandes présentées par B... D..., d'avoir dit que l'URSSAF Centre Val de Loire ne pouvait lui réclamer la cotisation subsidiaire maladie, d'avoir annulé par suite l'appel de cotisations contesté et d'avoir condamné l'URSSAF Centre Val de Loire au paiement des entiers dépens de l'instance et de la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que « sur l'appel tardif de la cotisation 2016 l'article R380-4 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation mentionnée à l'article L380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due ; en l'espèce, l'appel réalisé en 2017 au titre de l'année 2017, a été fait auprès de B... D... par courrier en date du 15 décembre 2017 ; il résulte cependant clairement des dispositions de l'article R380-4 du code de la sécurité sociale que l'appel de cotisation de la CSM due au titre de l'année 2016 devait intervenir impérativement avant jeudi 30 novembre 2017 ; les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ne s'appliquent qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extra-judiciaires comme l'est en l'espèce l'appel a cotisations contesté ; le pouvoir réglementaire a choisi de limiter dans la temps la période pendant laquelle la CSM pouvait être appelée ; par un texte clair et dénué de toute équivoque, il indique que la CSM doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre ; passé ce délai, l'URSSAF n'est plus recevable à appeler la cotisation litigieuse ; le fait que l'URSSAF dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations n'implique pas qu'elle puisse s'abstenir de respecter d'autres délais notamment celui de procéder à l'appel et au recouvrement des cotisations ; si l'URSSAF dispose de trois années pour recouvrer la CSM mais ne peut le faire qu'à la condition d'avoir appelé la cotisation dans les délais légaux ; l'URSSAF ne peut justifier avoir appelé cette cotisation avant le 30 novembre 2017 ; faute d'avoir appeler la CSM avant l'échéance du terme dont elle disposait pour le faire , l'URSSAF n'était pas fondée à appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie supposée due par le cotisant ; en conséquence, il convient d'annuler l'appel de cotisation contesté et de condamner l'URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à Monsieur D... la somme de 516 euros () sur la non-rétroactivité des textes réglementaires ayant vocation à préciser la loi du 21 décembre 2015 (article L380-2 CSS) l'article L380-2 du code de la sécurité sociale a été institué par l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015 ; l'article D380-2 du code de la sécurité sociale qui le complète a été institué par le décret du 19 juillet 2016 ; les articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 « relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale» constituent une section au sein du décret intitulée « dispositions relatives au recouvrement des cotisations mentionnées aux articles L380-2 et L380-3-1 » compte tenu de l'intitulé de la section qui regroupe les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017, et au regard du contenu normatif du décret qui constitue ou modifie profondément les articles R380-3 et R380-4, R380-5, R380-6 et R380-9 de ce code, force est de constater que ces textes sont essentiels à l'application des dispositions de l'article L380-2 du code de la sécurité sociale ; l'article L380-2 ne peut être lu ou interprété que par référence à l'application des articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 ; un texte légal ou réglementaire ne peut pas être rétroactif, sauf si le texte le prévoit expressément ou si un texte de valeur supérieure dans la hiérarchie des normes le prévoit ; une jurisprudence constante affirme ces principes juridiques ; en l'espèce, les dispositions du décret du 03 mai 2017 n'indiquent pas être rétroactives et la loi du 21 décembre 2015 n'a rien prévu de tel concernant l'article L380-2 du code de la sécurité sociale ; il peut être constaté une « faille juridique », que le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 n'avait pu combler et dont peut bénéficier B... D... ; en 2016, il n'était pas possible à ce dernier d'avoir connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; il en découle que l'appel de cotisations fondé sur des textes juridiques ne portant effet que pour l'avenir sera annulé ; il serait inéquitable de laisser à la charge de B... D... les frais exposés par lui à l'occasion de la présente instance et la partie succombante sera donc condamnée à lui verser, dans le cadre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 200 euros ; le tribunal constate que le recours a été introduit le 4 mars 2019 ; de nouvelles dispositions ont été abrogé, à compter du 1er janvier 2019 la gratuité de la procédure dans les contentieux de la protection sociale ; il ressort des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens sauf décision contraire et motivée du juge ;
1. Alors qu'il n'y a pas de nullité de sans texte ; qu'aucun texte n'a prévu que le délai prévu par l'article R. 380-2 du code la sécurité sociale pour appeler la cotisation était prescrit à peine de nullité ; qu'en jugeant qu'à défaut d'avoir appelé la CSM avant l'échéance du terme prévu par ces dispositions, l'appel de cotisation effectué le 15 décembre 2017 par l'URSSAF Centre Val de Loire devait être annulé, le tribunal a violé les articles L. 380-2, D. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige, et le principe pas de nullité sans texte ;
2. Alors que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dispose que la cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée ; qu'en l'espèce, les dispositions du décret du décret du 3 mai 2017 pris en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale étaient nécessairement applicables à la date de l'appel de cotisation dont avait fait l'objet M. D... en décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie due pour l'année 2016 ; que M. D... avait donc, à cette date, connaissance des conditions intégrales d'application de la protection universelle maladie ; qu'en se plaçant en 2016 pour décider du contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 380-2, R. 380-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 du code civil ;

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10 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-22.958, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-22.958, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 28 janvier 2021



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 97 FS-P+I
Pourvoi n° X 19-22.958








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

Mme T... O..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O..., a formé le pourvoi n° X 19-22.958 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est 173-175 rue de Bercy, 75012 Paris, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme O..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, conseillers, Mme Le Fischer, M. Gauthier, Mme Dudit, M. Pradel, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2019), Mme O... a déclaré le 13 avril 2010 la maladie, dont son époux, H... O... (la victime), ingénieur de production employé par la société Sun Chemical, est décédé le 16 février 2010.
2. La caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) ayant refusé de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
3. La caisse soutient que le pourvoi serait irrecevable en raison de sa tardiveté.
4. Cependant, la requérante justifie, par la production d'une attestation du greffe de la cour d'appel de Paris, que l'arrêt attaqué lui a été notifié le 23 juillet 2019.
5. Le pourvoi, enregistré le 20 septembre 2019, est donc recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Mme O... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et par conséquent, de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, alors « que dans le cas où ne sont pas remplies les conditions d'exposition au risque prévues par un tableau de maladies professionnelles mentionnant l'affection déclarée par le salarié, le juge saisi du différend ne peut se prononcer sur l'origine de la maladie déclarée sans l'avis préalable du CRRMP ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tenu pour non établies les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 15 ter visant l'affection déclarée, de sorte qu'en écartant son origine professionnelle tout en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la caisse de recueillir l'avis préalable d'un CRRMP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995, applicables au litige :
7. Il résulte du premier de ces textes que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
8. Pour dire n'y avoir lieu de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, l'arrêt retient que pour bénéficier de la législation professionnelle en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, il faut que soit établie une exposition aux produits chimiques limitativement énumérés par le tableau n° 15 ter, A ou B, et que les témoignages produits par l'appelante sont insuffisants à apporter cette preuve. Il en déduit qu'il ne peut donc pas être considéré que les conditions du tableau précité seraient remplies, et que le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi. Il ajoute qu'à titre subsidiaire, l'intéressée considère que la cour doit enjoindre à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que cependant l'alinéa 3 de l'article L. 461-1 permet qu'une maladie puisse être reconnue d'origine professionnelle si une ou plusieurs conditions figurant au tableau ne sont pas remplies, et qu'en l'absence d'exposition au risque avérée, il ne peut pas être fait application de ce texte.
9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu'elle ne pouvait statuer sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et la condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme O..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'ayant droit (Mme O..., l'exposante) d'un salarié victime d'une pathologie désignée au tableau des maladies professionnelles, de sa demande tendant à voir enjoindre à l'organisme social (la CPAM de Paris) de saisir un CRRMP pour recueillir son avis préalable sur l'origine professionnelle de l'affection, et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande de reconnaissance de la maladie au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles applicable concernait les « lésions prolifératives de la vessie provoquées par les amines aromatiques et leurs sels et la N-nitroso-dibutylamine et ses sels » ; que les lésions malignes de l'épithélium vésical devaient découler de l'exposition à une liste limitative de substances chimiques reconnues cancérigènes qui figurait au tableau ; que l'enquête diligentée par la caisse avait permis d'établir que H... O... travaillait pour une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'encres et de vernis pour l'imprimerie ; qu'il intervenait ponctuellement sur divers sites de production d'encres ; que son collègue, M. B..., avait déclaré qu'il était exposé à divers produits mais pas à ceux figurant au tableau 15 ter A et B ; que, selon les indications de l'employeur, H... O... n'avait pas de mission de production des encres et vernis, mais occupait un poste de management au siège social, ne nécessitant que des visites ponctuelles dans les ateliers de production, ce qui ne caractérisait pas une exposition régulière aux produits ; que l'employeur ajoutait que les substances liées au tableau n° 15 ter B étaient des amines aromatiques exclues des encres d'imprimerie ; que les attestations produites par Mme O... pour établir qu'il y avait bien eu exposition au risque étaient insuffisantes à apporter cette preuve ; qu'il ne pouvait donc pas être considéré que les conditions du tableau précité auraient été remplies, de sorte que le caractère professionnel de la maladie n'était pas établi ; qu'en l'absence d'exposition au risque avérée, il ne pouvait être enjoint à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (arrêt attaqué, p. 3, motifs, 6ème, 7ème et 9ème al., et p. 4) ;
ALORS QUE, dans le cas où ne sont pas remplies les conditions d'exposition au risque prévues par un tableau de maladies professionnelles mentionnant l'affection déclarée par le salarié, le juge saisi du différend ne peut se prononcer sur l'origine de la maladie déclarée sans l'avis préalable du CRRMP ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tenu pour non établies les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 15 ter visant l'affection déclarée, de sorte qu'en écartant son origine professionnelle tout en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la caisse de recueillir l'avis préalable d'un CRRMP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale.

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11 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-25.722, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-25.722, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2
LM


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 28 janvier 2021



Cassation

M. PIREYRE, président


Arrêt n° 80 F-P+I
Pourvoi n° B 19-25.722

Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de M. W....Admission du bureau d'aide juridictionnelleprès la Cour de cassationen date du 17 octobre 2019.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

M. E... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-25.722 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), dont le siège est Lac CG 21, 30 rue Championnet, 75887 Paris cedex 18, prise en qualité d'organisme spécial de sécurité sociale dénommée Caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS de la RATP), défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. W..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la RATP, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2019), M. W... (la victime), agent de la Régie autonome des transports parisiens (la RATP), a déclaré auprès de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (la CCAS) avoir été victime d'un accident du travail, le 20 mai 2015, après une altercation avec un responsable de l'entreprise. La CCAS ayant refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que le seul fait pour le salarié d'avoir été à l'origine de l'incident ayant occasionné l'accident était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS ;
2°/ que la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que la seule existence d'antécédents dépressifs du salarié était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail de l'accident et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 75 et 77 du règlement intérieur de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports publics (RATP), seuls applicables au litige :
3. Selon le premier de ces textes, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu, par le fait ou à l'occasion du travail. Selon le second, l'accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire.
4. Pour l'application du second de ces textes, la preuve contraire s'entend de la preuve d'une cause totalement étrangère du travail.
5. Pour rejeter le recours de la victime, l'arrêt relève qu'une altercation, à l'occasion du travail, a eu lieu le 20 mai 2015 entre celle-ci et son supérieur hiérarchique, que le caractère houleux de la discussion est confirmé par les autres protagonistes dont l'intervention a été nécessaire pour la faire cesser, qu'ainsi la matérialité de l'événement soudain invoqué est démontrée de sorte que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique. Il ajoute que les certificats médicaux établis le lendemain constatent, sans être plus descriptifs, un syndrome anxio-dépressif réactionnel, se contentant de reprendre les propos de la victime et qu'un collègue de celle-ci fait état de l'existence d'antécédents. Il retient qu'il résulte surtout des éléments produits que, quelles qu'aient été les difficultés de la victime, elle est exclusivement à l'origine du différend l'ayant opposé à son responsable.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail de la victime, avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a privé de base légale sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. W...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports parisiens de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 20 mai 2015 à M. W... ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose : « est considéré comme accident, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise » ; que ce texte édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au temps et au lieu du travail, sauf à démontrer qu'il résulte d'une cause totalement étrangère au travail ; que pour que le présomption trouve à s'appliquer, il convient cependant que l'assuré démontre la matérialité d'un fait soudain intervenu au temps et au lieu du travail ; que, de même, la présomption d'imputabilité des lésions n'existe que dans la mesure où elles se sont manifestées immédiatement après l'accident ou dans un temps voisin ou encore s'il y a persistance des symptômes depuis le fait accidentel ; que les articles 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS de la RATP sont la reprise des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, l'article 75 prévoit : « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu, par le fait ou à l'occasion du travail, à tout agent du cadre permanent » ; que l'article 77 dispose pour sa part : « l'accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé comme imputable au service. Cette présomption est simple. La preuve contraire peut donc être rapportée par la Caisse » ; qu'en l'espèce, une altercation a eu lieu entre M. W... et M. G... le 20 mai 2015 à 17h45 ; que, s'il est constant que cet incident est intervenu sur le lieu de travail de l'agent, il n'est pas intervenu au temps du travail puisque M. W... devait prendre son service ce jour à 18h ; mais que l'accident se situe bien à l'occasion du travail puisqu'il concerne le casier d'habillement, donc le travail à proprement parler, et se situe dans un temps très proche de la prise de service ; qu'il résulte des pièces produites que, dans le cadre de l'enquête diligentée par la Caisse au mois de mai 2015, les différentes personnes présentes le jour de l'altercation entre M. W... et M. G... ont été entendues ; que M. F... a indiqué que les propos tenus par M. G... ne comportaient pas de caractère outrageant ou menaçant qui auraient pu choquer psychologiquement M. W... mais que, par contre, celui-ci avait jeté son trousseau de clefs sur le bureau et répété à deux reprises de façon menaçante qu'il y avait plusieurs façons de régler le problème, et ce sans que M. G... ne réagisse ; que M. G... a admis que l'attitude de M. W... l'avait agacé et qu'il avait donc haussé le ton ; que M. F... était intervenu pour mettre fin à cette discussion mais M. W... s'était emporté de manière provocatrice pour le pousser à la faute ; que M. B... a relaté un agacement réciproque avec un ton qui était monté mais sans incidence sur les propos alors tenus ; quant à M. M..., il a évoqué le fait que, compte tenu de l'insistance de M. W... concernant la réponse faite par M. G... relative à son casier habillement, le ton était monté entre eux et la discussion s'était envenimée sans que l'intégrité physique ou psychologique de quiconque ne soit atteinte ; que « suite à une sanction administrative qui est ressentie comme injustifiée par M. E... W..., l'état psychologique de l'agent démontre un déclin alarmant », une séance extraordinaire du CHSCT s'est tenue le 18 novembre 2015 à la demande des membres du comité ; que divers témoins ont été entendus à l'occasion de cette séance ; que M. M..., secrétaire du CHSCT, a modifié sa version des faits en expliquant qu'il avait d'abord rédigé un rapport succinct parce qu'il souhaitait que l'incident soit réglé en interne et qu'il n'avait pas connaissance de l'intégralité de la situation de M. W... ; qu'à cette occasion, il a confirmé les déclarations de celui-ci concernant les propos insultants que M. G... lui aurait tenus ; que le caractère houleux de la discussion est confirmé par les autres protagonistes dont l'intervention a été nécessaire pour faire cesser l'altercation ; que dès lors, la matérialité de l'événement soudain est suffisamment démontrée ; que ce faisant, la présomption d'imputabilité de l'accident du travail s'applique ; quant aux conséquences de cet événement sur l'état de santé psychologique de M. W..., si le fait que les pompiers ne soient pas intervenus ou que M. W... n'ait pas sollicité d'être raccompagné à son domicile ne sont pas de nature à contredire les constatations médicales, les certificats médicaux établis dès le lendemain tant par le médecin du travail que par le médecin traitant de M. W... ont constaté, sans être plus descriptifs, un syndrome anxio dépressif réactionnel, se contenant alors de reprendre les propos de la victime ; que la cour relève aussi que les propos de M. M... démontre l'existence d'antécédents chez M. W... ; que surtout, il résulte de l'ensemble des éléments produits que, quelles qu'aient été les difficultés de M. W..., il est exclusivement à l'origine du différent l'ayant opposé à son responsable, d'autant plus qu'il est démontré que son casier n'avait pas été forcé ; qu'alors que l'agent s'est emporté, l'énervement de son responsable est la conséquence du seul comportement du salarié lui-même ; qu'en conséquence, la décision de la CCAS de la RATP de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle des faits allégués du 20 mai 2015 est bien fondée » ;
1) ALORS QUE la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que le seul fait pour le salarié d'avoir été à l'origine de l'incident ayant occasionné l'accident était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS ;
2) ALORS QUE la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que la seule existence d'antécédents dépressifs du salarié était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail de l'accident et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS.

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12 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 janvier 2021, 19-21.089, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 janvier 2021, 19-21.089, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation partielle

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3
JL


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 28 janvier 2021



Cassation partielle

M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 130 F-P
Pourvoi n° R 19-21.089



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
1°/ la société de la Perrière neuve, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ la société du Traîneau d'or, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° R 19-21.089 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant à la commune de Chambéry, représentée par son maire, domicilié [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or, de Me Haas, avocat de la commune de Chambéry, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-11.884), le 27 décembre 1977, la société civile immobilière (SCI) de la Perrière neuve a conclu un bail emphytéotique sur une parcelle cadastrée [...], appartenant aux consorts Y....
2. Après expropriation partielle au profit de la commune de Chambéry, cette parcelle a été divisée en deux parcelles cadastrées, l'une [...], correspondant à la partie expropriée, sur laquelle la commune a construit un parc de stationnement public, et l'autre [...], demeurée hors emprise.
3. Le 14 novembre 1991, la SCI de la Perrière neuve a conclu avec la SCI du Traîneau d'or un sous-bail emphytéotique portant sur la parcelle [...].
4. Après déclaration d'utilité publique, les consorts Y... ont consenti à la commune de Chambéry la cession amiable d'une partie de la parcelle [...], laquelle a été divisée en deux parcelles cadastrées, l'une [...], cédée à la commune, et l'autre [...], conservée par les consorts Y....
5. Les SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or ont assigné la commune aux fins, notamment, d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices résultant de leur expropriation sans indemnité et de faire constater l'état d'enclave de la parcelle [...].
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Les SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de désenclavement et d'indemnisation, alors :
« 1°/ que les SCI Perrière neuve et du Traîneau d'or faisaient valoir que la commune de Chambéry leur avait refusé l'accès direct à la voie publique sur l'avenue de Mérande par courrier du 30 juin 2005 pour raisons de sécurité et demandaient en conséquence à la cour d'appel de désenclaver la parcelle [...] , en précisant expressément que « l'accès à la voie publique doit être recherchée sur la parcelle à l'origine de l'enclave, c'est-à-dire la parcelle [...] », à savoir la parcelle voisine issue de la première expropriation, transformée en parking par la commune de Chambéry ; qu'en énonçant que les demandes des SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or ne tendraient pas à obtenir un passage sur les parcelles voisines pour accéder à la voie publique, mais à obtenir un accès direct à la voie publique, refusé par la commune dans un courrier du 30 juin 2005 pour raisons de sécurité, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ en se fondant pour exclure le désenclavement sollicité par la parcelle voisine propriété de la commune, sur l'opinion exprimée par cette dernière dans son courrier du 30 juin 2005 selon laquelle il serait préférable d'améliorer l'accès côté parcelle voisine [...] propriété d'un tiers, sans exercer son pouvoir d'appréciation sur la possibilité et l'opportunité d'un désenclavement par cette parcelle [...] , la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil ;
3°/ si l'enclave résulte de la division d'un fonds, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de la division ; qu'en l'espèce, l'enclave étant le résultat de l'expropriation partielle de la parcelle [...], le passage devait être pris sur la parcelle [...] propriété de la commune, issue de cette division ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait en raison de la possibilité prétendue d'un passage par la parcelle [...] laquelle n'est pas issue de la division, la cour d'appel a violé l'article 684 du code civil ;
4°/ le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait en raison de la possibilité d'obtenir un passage sur la parcelle [...], sans vérifier si le trajet vers la voie publique sollicité par les SCI par la parcelle voisine cadastrée [...] , propriété de la commune, n'était pas plus court, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 683 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. L'article 684 du code civil, qui prévoit que, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes, ne s'applique pas en cas d'enclave résultant de la division d'un fonds par suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique.
8. La cour d'appel a constaté que la parcelle [...] était issue de la division d'un fonds par suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique.
9. Il en résulte que la demande, dont la cour d'appel était exclusivement saisie et qui tendait à la fixation de l'accès à la voie publique sur la parcelle [...] et à la condamnation de la commune de Chambéry à payer le coût des travaux de création d'un accès, par cette parcelle, jusqu'à la voie publique, devait être rejetée.
10. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. Les SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation, alors « que l'exproprié est fondé à demander la réparation du préjudice résultant pour lui de la prise de possession par l'expropriant de la parcelle expropriée sans paiement ni consignation préalable de l'indemnité, laquelle constitue une prise de possession irrégulièrement fautive ; qu'il en va ainsi quand bien même cette prise de possession irrégulière ne constituerait pas une voie de fait ; qu'en déboutant les SCI de leur demande d'indemnisation en raison de l'absence d'une voie de fait, après avoir constaté que l'expropriant avait pris possession des parcelles expropriées sans avoir préalablement offert et a fortiori sans avoir versé ni consigné l'indemnité qui était due aux SCI titulaires d'un bail emphytéotique sur ces parcelles, la cour d'appel a violé les articles L. 15-1 devenu L. 231-1 du code de l'expropriation et 1382 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 545 du code civil et l'article L. 13-2, alinéa 2, devenu L. 311-2, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
12. Aux termes du premier texte, la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
13. Aux termes du deuxième, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
14. Aux termes du troisième, le propriétaire et l'usufruitier sont tenus d'appeler et de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes.
15. Il résulte de ces dispositions que la prise de possession intervenue sans fixation ni paiement préalable de l'indemnité d'expropriation constitue une emprise irrégulière qui ouvre droit à indemnisation au profit des titulaires de droits réels immobiliers sur le bien exproprié dont l'expropriant connaissait l'existence.
16. Pour rejeter les demandes des SCI, l'arrêt relève qu'elles fondent leur demande d'indemnisation sur l'existence d'une voie de fait commise et retient que, en l'espèce, pour la prise de possession des parcelles expropriées, la commune n'a procédé à aucune exécution forcée et n'a pas procédé de manière irrégulière, l'ordonnance d'expropriation ayant éteint, par elle-même et à sa date, tout droit réel ou personnel existant sur les parties de parcelles expropriées, que, de plus, l'atteinte à un droit réel immobilier ne saurait être assimilée à une atteinte au droit de propriété lui-même, de sorte que les emphytéotes, qui ne peuvent se prévaloir d'un droit de propriété, ne peuvent invoquer une voie de fait, et que, enfin, la commune de Chambéry n'a pris de décisions que dans le cadre de ses pouvoirs en sa qualité d'autorité expropriante.
17. En statuant ainsi, alors que, même en l'absence de voie de fait, les emphytéotes, dont le droit était éteint par l'ordonnance d'expropriation, avaient droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes d'indemnisation des SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la commune de Chambéry aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de Chambéry et la condamne à payer aux SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d'or
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les SCI Perrière Neuve et du Traîneau d'Or de leurs demandes d'indemnisation de toute nature ;
Aux motifs que sur la première expropriation, la commune de Chambéry devait adresser une offre d'indemnisation aux propriétaires indivis d'une part et à la société preneuse d'autre part, nonobstant les clauses du bail emphytéotique et sur la seconde expropriation, les dispositions de l'avenant signé le 9 octobre 1991 par lesquels les consorts Y... et la SCI de la Perrière Neuve ont convenu après la première expropriation, de poursuivre le bail emphytéotique sur la parcelle [...] hors emprise étaient opposables à la commune qui devait en conséquence adresser une offre d'indemnisation à la SCI Perrière Neuve preneuse emphytéotique et à la SCI du Traîneau d'Or titulaire d'un bail sous-emphytéotique consenti par la SCI Perrière Neuve selon acte du 14 novembre 1991.
La SCI Perrière Neuve et la SCI du Traîneau d'Or fondent leur demande d'indemnisation sur l'existence d'une voie de fait commise par l'administration au regard des irrégularités commises. Or la compétence des juridictions judiciaires en matière de voie de fait de l'administration est limitée à des hypothèses où l'administration ainsi que l'a défini le Tribunal des conflits dans un arrêt n° 3911 du 17 juin 2013, a soit procédé à l'exécution forcée dans des conditions irrégulières d'une décision même régulière portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction du droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.
En l'espèce pour la prise de possession des parcelles expropriées, la commune de Chambéry n'a procédé à aucune exécution forcée et n'a pas procédé de manière irrégulière, l'ordonnance d'expropriation ayant éteint, par elle-même et à sa date, tout droit réel ou personnel existant sur les parties de parcelles expropriées.
De plus l'atteinte à un droit réel immobilier ne saurait être assimilée à une atteinte au droit de propriété lui-même : les emphytéotes ne pouvant se prévaloir d'un droit de propriété, ils ne peuvent invoquer à leur endroit une voie de fait relevant de la compétence judiciaire.
D'autre part, la commune de Chambéry n'a pris de décisions que dans le cadre de ses pouvoirs en sa qualité d'autorité expropriante.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Perrière Neuve de ses demandes d'indemnisation fondée sur une voie de fait.
1°- ALORS QU'en soulevant d'office le moyen tiré de l'incompétence du juge judiciaire pour connaitre de la réparation du préjudice résultant pour les SCI expropriées de la prise de possession des parcelles expropriées sans paiement de l'indemnité, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QU'en déboutant les SCI Perrière Neuve et du Traîneau d'Or de leurs demandes d'indemnisation de toute nature et en se prononçant ainsi sur le fond du litige après avoir retenu la compétence exclusive du juge administratif pour trancher cette demande, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3°- ALORS QUE l'exproprié est fondé à demander la réparation du préjudice résultant pour lui de la prise de possession par l'expropriant de la parcelle expropriée sans paiement ni consignation préalable de l'indemnité, laquelle constitue une prise de possession irrégulièrent fautive ; qu'il en va ainsi quand bien même cette prise de possession irrégulière ne constituerait pas une voie de fait ; qu'en déboutant les SCI de leur demande d'indemnisation en raison de l'absence d'une voie de fait, après avoir constaté que l'expropriant avait pris possession des parcelles expropriées sans avoir préalablement offert et a fortiori sans avoir versé ni consigné l'indemnité qui était due aux SCI titulaires d'un bail emphytéotique sur ces parcelles, la Cour d'appel a violé les articles L 15-1 devenu L 231-1 du code de l'expropriation et 1382 ancien du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les SCI Perrière Neuve et du Traîneau d'Or de leur demande de désenclavement et d'indemnisation ;
AUX MOTIFS QUE le bail emphytéotique s'est poursuivi sur la parcelle [...] . Dès lors le moyen de la commune de Chambéry fondé sur la résiliation de plein droit des baux emphytéotiques et la nullité de l'avenant du 9 octobre 1991 sera rejeté. Toutefois une procédure de désenclavement a pour objet de déterminer l'assiette d'un passage sur les fonds voisins pour accéder à la voie publique, dans les conditions prévues aux articles 682 et suivants du code civil.En l'espèce, les demandes des SCI de la Perrière Neuve et du Traîneau d'Or ne tendent pas à obtenir un passage sur les parcelles voisines pour accéder à la voie publique, mais à obtenir un accès direct à la voie publique à être indemnisés de divers préjudices en lien avec « l'enclavement ».Or il n'appartient pas au juge judiciaire sous couvert d'une prétendue action en désenclavement de contraindre une personne publique qui s'y refuse, d'autoriser un accès sur une voie publique ni de réparer les préjudices consécutifs à cette situation, d'autant que les juridictions administratives compétentes ont été saisies à cet égard et ont statué.Par ailleurs dans un courrier du 30 juin 2005, la commune de Chambéry a refusé aux SCI une autorisation de voirie sur l'avenue de Mérande, invoquant des « raisons de sécurité », et indiquant qu'il serait préférable d'améliorer l'accès existant côté parcelle voisine [...]. Il en résulte qu'un désenclavement de la parcelle [...] est envisageable en mettant en cause le propriétaire de la parcelle [...].En conséquence la demande ne peut qu'être rejetée.
1°- ALORS QUE les SCI Perrière Neuve et du Traîneau d'Or faisaient valoir que la commune de Chambéry leur avait refusé l'accès direct à la voie publique sur l'avenue de Mérande par courrier du 30 juin 2005 pour raisons de sécurité et demandaient en conséquence à la Cour d'appel de désenclaver la parcelle [...] , en précisant expressément que « l'accès à la voie publique doit être recherchée sur la parcelle à l'origine de l'enclave, c'est-à-dire la parcelle [...] », à savoir la parcelle voisine issue de la première expropriation, transformée en parking par la commune de Chambéry ; qu'en énonçant que les demandes des SCI de la Perrière Neuve et du Traîneau d'Or ne tendraient pas à obtenir un passage sur les parcelles voisines pour accéder à la voie publique, mais à obtenir un accès direct à la voie publique, refusé par la commune dans un courrier du 30 juin 2005 pour raisons de sécurité, la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QU'en se fondant pour exclure le désenclavement sollicité par la parcelle voisine propriété de la commune, sur l'opinion exprimée par cette dernière dans son courrier du 30 juin 2005 selon laquelle il serait préférable d'améliorer l'accès côté parcelle voisine [...] propriété d'un tiers, sans exercer son pouvoir d'appréciation sur la possibilité et l'opportunité d'un désenclavement par cette parcelle [...] , la Cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 12 du code de procédure civile et 4 du code civil ;
3°- ALORS QUE si l'enclave résulte de la division d'un fonds, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de la division ; qu'en l'espèce, l'enclave étant le résultat de l'expropriation partielle de la parcelle [...], le passage devait être pris sur la parcelle [...] propriété de la commune, issue de cette division ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait en raison de la possibilité prétendue d'un passage par la parcelle [...] laquelle n'est pas issue de la division, la Cour d'appel a violé l'article 684 du code civil ;
4°- ALORS, en tout état de cause, QUE le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait en raison de la possibilité d'obtenir un passage sur la parcelle [...], sans vérifier si le trajet vers la voie publique sollicité par les SCI par la parcelle voisine cadastrée [...] , propriété de la commune, n'était pas plus court, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 683 du code civil.

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13 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-18.278, Publié au bulletin -
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SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation

Mme BATUT, président


Arrêt n° 104 FS-P
Pourvoi n° K 19-18.278




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. M... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-18.278 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2 - 4), dans le litige l'opposant à Mme I... Y..., épouse D..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. D..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme Y..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 avril 2019) et les productions, par acte authentique du 10 octobre 1981, C... T... a consenti une donation à sa fille I... Y.... Un arrêt définitif du 1er juillet 2016 a condamné celle-ci pour des violences volontaires commises sur sa mère le 23 juillet 2014.
2. C... T... est décédée le [...], laissant pour lui succéder sa fille et son petit-fils, M. D..., institué légataire universel.
3. Invoquant sa qualité d'héritier de C... T..., celui-ci a assigné Mme Y... en révocation de la donation pour cause d'ingratitude, en application de l'article 957, alinéa 2, du code civil.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. D... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas qualité pour agir en révocation de la donation consentie par C... T... à sa fille Mme Y..., alors « que l'action en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude peut être demandée par l'héritier du donateur contre le donataire, à la condition que l'action ait été intentée par le donateur ou que le donateur soit décédé dans l'année du délit ; que la notion d'héritier doit être prise dans le sens de continuateur de la personne du défunt, que sont les héritiers légaux comme les légataires universels ; qu'en jugeant que M. D..., légataire universel, n'avait pas qualité pour agir en révocation de la donation pour cause d'ingratitude, faute d'être un héritier légal, la cour d'appel a violé l'article 957 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 957, alinéa 2, du code civil :
5. Selon ce texte, la demande en révocation pour cause d'ingratitude ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit.
6. Un légataire universel a la qualité d'héritier au sens de ce texte.
7. Pour déclarer irrecevable la demande de M. D..., l'arrêt retient que l'action en révocation pour cause d'ingratitude est d'une nature très particulière, à la fois patrimoniale, en ce qu'elle tend à faire revenir dans le patrimoine du donateur un bien dont il avait fait donation, et personnelle jusqu'à l'intime, en ce qu'elle se fonde sur le comportement du donataire à l'égard du donateur et sur le ressenti de ce dernier. Il en déduit que le légataire universel n'est pas un héritier au sens de l'article 957 du code civil et n'a donc pas qualité pour exercer cette action.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Y... et la condamne à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. D...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur M... D... n'a pas qualité pour agir en révocation de la donation consentie par C... T... veuve Y... à sa fille Madame I... Y... épouse D... ;
Aux motifs que, « Aux termes de l'article 955 du code civil l'action en révocation d'une donation peut être exercée par les héritiers du donateur à l'encontre du donataire a condition que l'action ait été intentée par ce dernier ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit.
Mme D... estime que son fils qui n'est que légataire universel n'a pas la qualité d'héritier au sens de l'article précité et qu'il ne peut donc exercer l'action en révocation.
Le code civil dans le chapitre III de la section II du titre I du livre troisième intitulé « Des héritiers » ne mentionne que les personnes auxquelles la succession est dévolue par la loi, parents et conjoint successible mais la notion d'héritier ne peut se résoudre à ces seuls héritiers désignés par la loi et peut englober ceux au bénéfice desquels le défunt a testé.
Pour autant, le législateur en faisant référence à différents endroits du code à la notion d'héritier n'a pas nécessairement visé tous ceux qui viennent à la succession à quelque titre que ce soit et il a pu être jugé, par exemple en ce qui concerne l'action prévue à l'article 322 du code civil que le légataire universel n'était pas un héritier au sens de ce texte.
Il appartient donc à la présente juridiction d'apprécier si au regard de la nature de l'action le terme d'héritier recouvre uniquement les héritiers désignés par la loi ou s'il inclut les légataires universels.
L'action en révocation pour cause d'ingratitude est une action particulière, à la fois patrimoniale en ce qu'elle tend à faire revenir dans le patrimoine du donateur un bien dont il avait fait donation, et personnelle en ce qu'elle se fonde sur le comportement du donataire à l'égard du donateur et sur le ressenti de ce dernier.
Le législateur a d'ailleurs enfermé cette action, contrairement à l'action en révocation pour inexécution des conditions, dans des délais stricts et ne l'a autorisée aux héritiers que dans le cas où le donataire avait lui-même manifesté sa volonté de voir sanctionner l'ingratitude du gratifié ou s'il était décédé dans des délais trop brefs pour avoir pu la traduire en actes.
Compte tenu de la nature très particulière de cette action qui au-delà du personnel touche à l'intime il y a lieu de considérer que le légataire universel n'est pas un héritier au sens de l'article 955 du code civil.
M. D... qui n'est pas héritier désigné par la loi de sa grand-mère n'a en conséquence pas qualité pour exercer l'action en révocation de la donation que celle-ci avait consenti à sa fille.
Au demeurant, il serait en toute hypothèse forclos dans son action. En effet ainsi que le souligne justement Mme D... dans ses écritures, si l'article 955 du code civil permet au donateur d'agir soit dans l'année où le délit a été commis soit dans l'année qui suit le jour où ce délit a pu être connu, l'héritier ne peut agir que lorsque le donateur est décédé dans l'année du délit, cette date étant insusceptible de variations et donc indépendante de l'action pénale consécutive au délit.
En l'espèce les faits se sont produits le 23 juillet 2014 et le décès de Mme Y... est intervenu le [...] sans qu'elle ait exercé l'action en révocation pour cause d'ingratitude.
Plus d'un an s'étant écoulé entre le délit et le décès de Mme Y... l'action de M. D..., à supposer qu'il ait eu qualité pour agir serait frappée de forclusion.
Il convient en conséquence de déclarer M. D... irrecevable en sa demande » ;
Alors que, d'une part, l'action en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude peut être demandée par l'héritier du donateur contre le donataire, à la condition que l'action ait été intentée par le donateur ou que le donateur soit décédé dans l'année du délit ; que la notion d'héritier doit être prise dans le sens de continuateur de la personne du défunt, que sont les héritiers légaux comme les légataires universels ; qu'en jugeant que Monsieur M... D..., légataire universel, n'avait pas qualité pour agir en révocation de la donation pour cause d'ingratitude, faute d'être un héritier légal, la cour d'appel a violé l'article 957 du code civil ;
Alors que, d'autre part, si le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude est fixé au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, ce point de départ est retardé lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, jusqu'au jour où la condamnation pénale établit la réalité de ce fait, c'est à dire au jour où elle devient définitive ; que lorsque la condamnation pénale devient définitive après le décès du donateur, les héritiers, continuateurs de la personne du défunt, peuvent donc agir dans l'année suivant cette condamnation pénale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé irrecevable la demande de Monsieur M... D... en révocation pour cause d'ingratitude à raison de la forclusion de son action, considérant que les faits s'étaient produits le 23 juillet 2014 et que le décès de C... T... veuve Y... était intervenu le [...], sans qu'elle ait exercé l'action en révocation pour cause d'ingratitude ; qu'en statuant ainsi, quand la condamnation pénale définitive n'était intervenue que le 11 juillet 2016, de sorte que Monsieur M... D..., en sa qualité de continuateur de la personne de C... T... veuve Y... pouvait exercer l'action révocatoire jusqu'au 11 juillet 2017, la cour d'appel a derechef violé l'article 957 du code civil.

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14 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-16.917, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-16.917, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CH.B


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation

Mme BATUT, président


Arrêt n° 99 FS-P+I
Pourvoi n° F 19-16.917



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
La société Koch Films Gmbh, dont le siège est Lochhamer strasse 9 D8215 Planego B, Munich (Allemagne), a formé le pourvoi n° F 19-16.917 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ouragan Films, société à responsabilité limitée, dont le siège est route de Cazan Marie-Louise, 13330 Pélissanne,
2°/ à la société Saint Thomas productions, société par actions simplifiée, dont le siège est rue Anne Gacon, village d'entreprise Saint-Henri, bâtiment 302, 13016 Marseille,
3°/ à la société Gros d'Haillecourt Chetboun Saltel, société civile professionnelle, dont le siège est 282 boulevard maréchal Foch, BP 14, 13300 Salon-de-Provence,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Koch films Gmbh, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Ouragan films et Saint Thomas productions, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 février 2019), par contrat du 30 juillet 2012, la société française Ouragan Films (la société Ouragan), a cédé à la société allemande Koch Films (la société Koch) les droits exclusifs de distribution, dans les pays européens germanophones à l'exception de la Suisse, d'un film à réaliser. Ce contrat stipulait une clause attributive de juridiction au tribunal de première instance de Munich (Allemagne). La production de ce film destinée à une exploitation cinématographique devant être accompagnée d'une série télévisée, à finalité pédagogique, la société française Saint Thomas productions (la société Saint Thomas) a, par contrat du 26 mai 2014, stipulant une clause attributive de juridiction similaire, cédé à la société Koch les droits de distribution de cette série, pour différents pays. Un différend ayant opposé les parties sur la bonne exécution de leurs obligations contractuelles, la société Koch a enjoint aux sociétés Ouragan et Saint Thomas de lui communiquer différents documents démontrant la réalité du budget effectivement engagé dans la production du film et de la série, puis a saisi, par voie de requête, le président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence en désignation d'un huissier de justice aux fins de procéder à des investigations informatiques et à la récupération de données. Cette demande ayant été accueillie par ordonnances des 22 et 28 février 2018, les sociétés Ouragan et Saint Thomas en ont sollicité la rétractation.




Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La société Koch fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente, alors « que seule une mesure dont l'objectif est de permettre au demandeur d'apprécier les chances ou les risques d'un éventuel procès ne peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour écarter la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la recherche par la société Koch, au moyen d'ordonnances sur requêtes, d'éléments en possession des sociétés Ouragan et Saint Thomas a pour seul but de préparer un éventuel procès au fond, ce qui démontre son caractère uniquement probatoire, mais ni provisoire ni conservatoire vu l'absence de volonté de cette requérante de maintenir une situation de fait ou de droit ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans vérifier si les mesures requises par la société Koch Films ne tendaient pas également à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige l'opposant aux sociétés Ouragan films et Saint Thomas productions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 35 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 145 du code de procédure civile :
3. Aux termes du premier de ces textes, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d'un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond.
4. Aux termes du second, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les mesures provisoires ou conservatoires autorisées par l'article 35 sont des mesures qui, dans les matières relevant du champ d'application du règlement, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond (CJCE, 26 mars 1992, C-261/90, Reichert et Kockler, points 31 et 34, CJCE 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden Maritime / Kommanditgesellschaft in Firma Deco-Line e.a., point 40) et que ne revêtent pas ce caractère, celles ordonnées dans le but de permettre au demandeur d'évaluer l'opportunité d'une action éventuelle, de déterminer le fondement d'une telle action et d'apprécier la pertinence des moyens pouvant être invoqués dans ce cadre (CJCE, 28 avril 2005, C-104/03, St. Paul Dairy Industries NV / Unibel Exser BVBA, point 25).
6. Pour refuser les mesures sollicitées, l'arrêt retient que celles-ci ont pour seul but de préparer un éventuel procès au fond, ce qui démontre leur caractère probatoire, mais ni provisoire ni conservatoire, en l'absence de volonté de la société Koch de maintenir une situation de fait ou de droit.
7. En se déterminant ainsi, par une affirmation générale, sans rechercher si ces mesures, qui visaient à obtenir la communication de documents en possession des parties adverses, n'avaient pas pour objet de prémunir la société Koch contre un risque de dépérissement d'éléments de preuve dont la conservation pouvait commander la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les sociétés Ouragan Films et Saint Thomas productions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Ouragan Films et Saint Thomas productions et les condamne à payer à la société Koch Films la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Koch films Gmbh.
LE MOYEN reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé la juridiction française incompétente pour rendre les ordonnances sur requêtes des 22 et 28 février 2018,
AUX MOTIFS QUE « sur la compétence de la juridiction, selon l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant notamment la compétence judiciaire des décisions en matière civile et commerciale "Les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un Etat membre peuvent être demandées aux juridictions de cet Etat, même si les juridictions d'un autre Etat membre sont compétentes pour connaître du fond" ; que ce texte déroge à la clause attributive de compétence, et par suite est d'interprétation stricte ; que la recherche par la société Koch, au moyen d'ordonnances sur requêtes, d'éléments en possession des sociétés Ouragan et Saint Thomas a pour seul but de préparer un éventuel procès au fond, ce qui démontre son caractère uniquement probatoire, mais ni provisoire ni conservatoire vu l'absence de volonté de cette requérante de maintenir une situation de fait ou de droit ; que ce litige est donc de la compétence de la juridiction de Munich stipulée dans les contrats des 30 juillet 2012 et 30 janvier [en réalité le 26 mai] 2014 ; que, c'est par suite à tort que le président du tribunal de commerce français a retenu sa compétence, d'où l'infirmation de l'ordonnance de référé rendue, sauf en ce qui concerne l'huissier de justice ; que cette infirmation entraîne nécessairement, mais sans qu'il soit nécessaire pour la cour de le préciser explicitement, la rétractation des ordonnances sur requêtes des 22 et 28 février 2018 et la disparition juridique des 2 procès-verbaux de constats du 7 mars 2018 ainsi que de leurs effets » ;
1°/ALORS, d'une part, QU' une mesure d'expertise destinée à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, ordonnée en référé avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, constitue une mesure provisoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui peut être demandée même si, en vertu de cette Convention, une juridiction d'un autre Etat lié par celle-ci est compétente pour connaître du fond ; et que le président du tribunal dans le ressort duquel elle doit, même partiellement, être exécutée est compétent pour l'ordonner ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et 145 du code de procédure civile ;
2°/ALORS, d'autre part et subsidiairement, QUE seule une mesure dont l'objectif est de permettre au demandeur d'apprécier les chances ou les risques d'un éventuel procès ne peut être qualifiée de mesure provisoire ou conservatoire au sens de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que, pour écarter la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a énoncé que la recherche par la société Koch, au moyen d'ordonnances sur requêtes, d'éléments en possession des sociétés Ouragan et Saint Thomas a pour seul but de préparer un éventuel procès au fond, ce qui démontre son caractère uniquement probatoire, mais ni provisoire ni conservatoire vu l'absence de volonté de cette requérante de maintenir une situation de fait ou de droit ; qu'en statuant ainsi, par la voie d'une affirmation générale, sans vérifier si les mesures requises par la société Koch Films ne tendaient pas également à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige l'opposant aux sociétés Ouragan films et Saint Thomas productions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et 145 du code de procédure civile.

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15 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-15.921 19-24.608 20-14.012, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-15.921 19-24.608 20-14.012, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation

Mme BATUT, président


Arrêt n° 100 FS-P + B

Pourvois n°Y 19-15.921R 19-24.608U 20-14.012 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. Q... A..., domicilié [...] , a formé les pourvois n° Y 19-15.921, R 19-24.608 et U 20-14.012 contre les arrêts rendus les 5 mars, 5 novembre et 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Riom (2e chambre civile), dans les litiges l'opposant :
1°/ à M. F... R...,
2°/ à Mme K... J..., épouse R...,
domiciliés [...] ,
3°/ au préfet de l'Allier, domicilié [...] , pris en qualité d'organe chargé de la tutelle de l'enfant I... T... H...,
4°/ au conseil départemental de l'Allier, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.Le demandeur invoque, à l'appui de ses pourvois, respectivement six, deux et deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. A..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme R..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat du préfet de l'Allier, ès qualités, et du conseil départemental de l'Allier, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 19-15.921, n° R 19-24.608 et n° U 20-14.012 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Riom, 5 mars, 5 novembre et 17 décembre 2019), I... T... H... est née le [...] . Sa mère a demandé le secret de son accouchement. Le lendemain, l'enfant a été admise, à titre provisoire, comme pupille de l'Etat puis, à titre définitif, le 24 décembre suivant. Le conseil de famille des pupilles de l'Etat a consenti à son adoption le 10 janvier 2017 et une décision de placement a été prise le 28 janvier. L'enfant a été remise au foyer de M. et Mme R... le 15 février. Après avoir, le 2 février 2017, entrepris des démarches auprès du procureur de la République pour retrouver l'enfant, et ultérieurement identifié celle-ci, M. A..., père de naissance, l'a reconnue le 12 juin. M. et Mme R... ayant déposé une requête aux fins de voir prononcer l'adoption plénière de l'enfant, M. A... est intervenu volontairement à l'instance.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
3. Selon l'article 611 du code de procédure civile, en matière contentieuse, le pourvoi est recevable même lorsqu'une condamnation a été prononcée au profit ou à l'encontre d'une personne qui n'était pas partie à l'instance.
4. M. et Mme R... contestent la recevabilité du pourvoi. Ils soutiennent que M. A... ne peut former un pourvoi dès lors qu'il n'est pas partie, son intervention devant la cour d'appel ayant été déclarée irrecevable.
5. Cependant, l'arrêt du 5 mars 2019 annule la reconnaissance de paternité faite par M. A... le 12 juin 2017.
6. Son pourvoi est donc recevable.
Examen des moyens
Sur les seconds moyens des pourvois n° R 19-24.608 et n° U 20-14.012 qui sont préalables et sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° Y 19-15.921, ci-après annexés
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi n° R 19-24.608 et le deuxième moyen du pourvoi n° Y 19-15.921, sur le second moyen du pourvoi n° U 20-14.012, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, sur le second moyen du pourvoi n° U 20-14.012, pris en sa troisième branche et sur le premier moyen du pourvoi n° Y 19-15.921, qui sont irrecevables.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° Y 19-15.921, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. M. A... fait grief à l'arrêt de dire que son action est irrecevable et de prononcer l'adoption de l'enfant I... T... H..., alors « qu'aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne, la vie familiale s'étend à la relation potentielle qui aurait pu se développer entre un père naturel et un enfant né hors mariage et que la vie privée, qui englobe des aspects importants de l'identité personnelle, inclut le droit au regroupement d'un père avec son enfant biologique ainsi que l'établissement d'un lien juridique ou biologique entre un enfant né hors mariage et son géniteur ; toujours selon la jurisprudence de la Cour européenne, la notion de vie privée inclut le droit à la connaissance de ses origines, l'intérêt vital de l'enfant dans son épanouissement étant également largement reconnu dans l'économie générale de la Convention ; que l'annulation par la cour d'appel de l'acte de reconnaissance de I... par son père après son placement en vue de l'adoption et la décision de prononcer l'adoption plénière de l'enfant constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et de I... garanti par l'article 8 de la Convention ; qu'il appartient au juge de vérifier si concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d'apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif ; après avoir constaté que M. A... avait démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de I..., à faire reconnaître sa paternité sur l'enfant et qu'il était prouvé, par les expertises biologiques, qu'il était bien le père biologique de I..., la cour d'appel a annulé l'acte de reconnaissance au motif que le placement en vue de l'adoption faisait échec à toute déclaration de filiation en application de l'article 352 du code civil et a retenu qu'il était de l'intérêt de I... de voir prononcer son adoption par les époux R... avec lesquels elle avait noué des liens affectifs forts qu'il serait traumatisant de rompre brutalement ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs ne prenant en compte que les conséquences immédiates qu'aurait sur l'enfant une séparation avec la famille d'accueil sans prendre en considération les effets à long terme d'une séparation permanente avec son père biologique et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si concrètement, les autorités nationales, sollicitées à plusieurs reprises par M. A..., avaient pris les mesures nécessaires et adéquates pour garantir l'effectivité de son droit à voir établi un lien futur entre lui et sa fille, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Le préfet de l'Allier et le conseil départemental de l'Allier contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le grief est nouveau.
10. Cependant, M. A..., dans ses conclusions devant la cour d'appel, a soutenu que l'irrecevabilité de son intervention volontaire à la procédure d'adoption de sa fille biologique, en raison du caractère tardif de sa reconnaissance, serait contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 352, alinéa 1er, du code civil et l'article 329 du code de procédure civile :
12. Le premier de ces textes dispose :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
13. Selon le deuxième, le placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance.
14. Aux termes du troisième, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.
15. Il résulte de la combinaison des deux derniers textes que l'intervention volontaire dans une procédure d'adoption plénière du père de naissance d'un enfant immatriculé définitivement comme pupille de l'Etat et placé en vue de son adoption est irrecevable, faute de qualité à agir, dès lors qu'aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux.
16. Ces dispositions, qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance, poursuivent les buts légitimes de protection des droits d'autrui en sécurisant, dans l'intérêt de l'enfant et des adoptants, la situation de celui-ci à compter de son placement en vue de l'adoption et en évitant les conflits de filiation.
17. Il appartient cependant au juge, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, de procéder, au regard des circonstances de l'espèce, à une mise en balance des intérêts en présence, celui de l'enfant, qui prime, celui des parents de naissance et celui des candidats à l'adoption, afin de vérifier que les dispositions de droit interne, eu égard à la gravité des mesures envisagées, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du père de naissance.
18. Pour déclarer M. A... irrecevable en son intervention volontaire et annuler sa reconnaissance de paternité, l'arrêt retient que, s'il a démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l'enfant, à faire reconnaître sa paternité, il ne justifie pas d'une qualité à agir dès lors que le lien de filiation ne peut être établi.
19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'irrecevabilité de l'action du père de naissance, qui n'avait pu, en temps utile, sans que cela puisse lui être reproché, faire valoir ses droits au cours de la phase administrative de la procédure, ne portait pas, eu égard aux différents intérêts en présence, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en ce qu'elle interdisait l'examen de ses demandes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
Et sur les premiers moyens des pourvois n° R 19-24.608 et n° U 20-14.012, rédigés en termes identiques, réunis
Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :
20. La cassation de l'arrêt du 5 mars 2019 entraîne, par voie de conséquence, celle des arrêts des 5 novembre et 17 décembre 2019, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour avis consultatif, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 5 mars, 5 novembre et 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° Y 19-15.921 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 1174 du code de procédure civile, en matière d'adoption, le jugement est rendu en audience publique ; que pour se prononcer sur l'appel interjeté par M. et Mme R... contre le jugement les ayant déboutés de leur demande d'adoption de l'enfant I... T... H..., la cour d'appel a statué par un arrêt mentionnant qu'il a été prononcé en chambre du conseil par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1174 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article 1174 du code de procédure civile, le jugement prononçant l'adoption doit préciser dans son dispositif s'il s'agit d'une adoption plénière ou d'une adoption simple ; qu'en se bornant à prononcer, dans le dispositif de l'arrêt, l'adoption de I... T... H... sans préciser s'il s'agit d'une adoption simple ou d'une adoption plénière, la cour d'appel a violé l'article 1174 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'aux termes de l'article 1174 du code civil, le jugement prononçant l'adoption doit contenir dans son dispositif les mentions prescrites par l'article 1056 ; que l'article 1056 du code de procédure civile prescrit que toute décision dont la transcription ou la mention sur les registres de l'état civil est ordonnée doit énoncer, dans son dispositif, les prénoms et noms des parties ainsi que, selon le cas, le lieu où la transcription doit être faite ou les lieux et dates des actes en marge desquels la mention doit être portée ; qu'en se bornant à prononcer, dans le dispositif de l'arrêt, l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy sans énoncer les noms et prénoms des adoptants, la cour d'appel a violé les articles 1174 et 56 du code de procédure civile.



DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur et Madame R... soutiennent que Monsieur A..., qui est intervenu volontairement dans la procédure d'adoption, n'a ni intérêt ni qualité à agir aux motifs que le lien de filiation n'est pas établi ; ils précisent que la reconnaissance de paternité est nulle car effectuée après le placement en vue de l'adoption. Par ailleurs, l'examen biologique ordonné en dehors de toute action relative à l'établissement ou à la contestation de la filiation est sans effet et non conforme ; qui plus est, en supposant même que cette expertise soit envisageable dans une action ne portant pas sur la filiation mais sur une adoption, elle ne serait justifiée que si la solution du litige en dépendait ce qui n'était pas le cas dans la mesure où l'article 352 du code civil prévoit que le placement en vue de l'adoption fait échec à toute déclaration de filiation et de reconnaissance ; la préfète de l'Allier et le conseil départemental de l'Allier font valoir que Monsieur A... n'a pas relevé appel des décisions d'admission de pupille de l'Etat et de placement en vue de l'adoption qui sont définitives alors qu'il connaissait la date de l'accouchement de son ex-conjointe et qu'il ne pouvait avoir aucun doute sur le lien biologique qui l'unissait à l'enfant né de cette union, au vu de la teneur des SMS échangés entre eux. La reconnaissance de paternité du 12 juin 2017 ne peut porter effet ; Monsieur A... soutient qu'il s'est intéressé à l'enfant dès qu'il a été informé par son ex-compagne qu'elle était enceinte. Les démarches pour pouvoir reconnaître et s'occuper de I... n'ont été retardées que par le mensonge de son ex-compagne au moment de l'accouchement et l'absence de réaction du procureur de la République à ses courriers ; pour ce qui concerne l'examen comparé des sangs, il fait observer qu'il a été ordonné judiciairement après que la préfète et le conseil départemental de l'Allier ont pu faire valoir leurs observations et exercer les voies de recours et il n'y a aucune raison pour l'écarter ; s'agissant de la reconnaissance, aucun texte ne prévoit qu'une reconnaissance intervenue plus de deux mois après un accouchement sous X est nulle ; l'intervention de Monsieur A..., qui forme des prétentions, est principale et suppose la réunion d'un intérêt et d'une qualité pour agir ; Monsieur A... a démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l'enfant, à faire reconnaître sa paternité sur l'enfant ; cependant, il ne justifie pas d'une qualité à agir dans la présente instance tendant à voir prononcer l'adoption dès lors que le lien de filiation entre lui-même et l'enfant ne peut être établi ; en effet, en application des dispositions de l'article 352 du code civil, le placement à adoption fait échec à toute déclaration de filiation et de reconnaissance de sorte que la reconnaissance du 12 juin 2017 est privée d'effet et que l'expertise biologique dont les conclusions ont été déposées le 15 mai 2018 ne peut permettre d'établir sa paternité à l'égard de l'enfant ; par conséquent, l'intervention de Monsieur A... sera déclarée irrecevable ; Monsieur et Madame R... font valoir que les conditions matérielles prévues par les dispositions du code civil relatives à l'adoption sont remplies. Par ailleurs, l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; ils rappellent que l'enfant leur a été confié en février 2017 et que, depuis cette date, ils ont noué une relation épanouissante et sécurisante pour elle ; rompre ces liens serait traumatique pour I... ; la Préfète de l'Allier et le conseil départemental de l'Allier affirment qu'à aucun moment, la convention internationale des droits de l'enfant ne consacre le lien biologique comme étant de l'intérêt supérieur de l'enfant compte-tenu de la réserve résultant de la formule "dans la mesure du possible" ; il en est de même en droit français, l'article 112-4 du code de l'action sociale et des familles qui définit la notion de l'intérêt de l'enfant ne privilégie pas les liens avec la famille biologique ; concrètement, ils indiquent que l'engagement de I... à l'égard de ses parents adoptifs est définitif de sorte que toute rupture serait contraire à ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs au sens de l'article 112-4 précité ; l'article 353 du code civil dispose que l'adoption est prononcée si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; cette disposition n'est pas contraire à la convention relative aux droits de l'enfant qui prévoit, dans son article 3 que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, leur intérêt supérieur doit être une considération primordiale et, dans son article 7 que, dans la mesure du possible, l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ; la cour européenne fait également primer l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant et reconnaît à l'enfant le droit au développement personnel ainsi qu'à la connaissance de ses origines ; s'agissant de la régularité de la procédure et plus précisément du consentement à adoption, il convient de constater que le conseil de famille des pupilles de l'Etat a régulièrement donné son consentement le 28 janvier 2017 ; les délais légaux, prévus par les articles L224-4 à L224-8 du code de l'aide sociale, qui ont pour objectif de sécuriser la situation de l'enfant, ont été respectés ; la démarche de Monsieur A... auprès du conseil départemental en date du 9 mai 2017 ne pouvait aboutir car elle était postérieure à la décision de placement en adoption intervenue le 28 janvier 2017, laquelle met fin à toute possibilité de restitution en application de l'article 352 du code civil ; pour ce qui concerne l'intérêt de I... à être adoptée par Monsieur et Madame R..., il doit être apprécié in concreto ; I..., qui est âgée de deux ans et 5 mois, vit depuis l'âge de quatre mois avec ces derniers avec qui elle entretient des liens affectifs forts qu'il serait, selon les travaux des professionnels de l'enfance, traumatisant de rompre brutalement ; les enquêtes de suivi de l'aide sociale à l'enfance des 13 septembre 2017, 28 février 2018 et 27 septembre 2018 ont constaté, par ailleurs, son épanouissement ; dès lors, il est de son intérêt de voir prononcer l'adoption, de dire qu'elle se prénommera et nommera Q..., I... R... et d'annuler l'acte de reconnaissance du 12 juin 2017 ;
1°) ALORS QUE dans un mémoire distinct et motivé, M. A... a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 351, alinéa 2 et 352, alinéa 1 du code civil en ce qu'elles interdisent au père d'un enfant né d'un accouchement anonyme d'établir tout lien de filiation avec lui dès son placement en vue de l'adoption lequel peut intervenir seulement deux mois après sa naissance, ce qui porte atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'au respect de la vie privée garanti à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique ;
2°) ALORS QUE dans un mémoire distinct et motivé, M. A... a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 353, alinéa 3 en ce qu'elles prévoient que dans le cas où l'adoptant a des descendants, le tribunal vérifie en outre si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale mais sans prévoir la même obligation lorsque l'enfant placé en vue de l'adoption a des ascendants, notamment un père biologique qui revendique le droit d'entretenir des liens avec lui, ce qui porte atteinte au principe résultant de l'article 34 de la Constitution selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l'occurrence le droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur et Madame R... soutiennent que Monsieur A..., qui est intervenu volontairement dans la procédure d'adoption, n'a ni intérêt ni qualité à agir aux motifs que le lien de filiation n'est pas établi ; ils précisent que la reconnaissance de paternité est nulle car effectuée après le placement en vue de l'adoption. Par ailleurs, l'examen biologique ordonné en dehors de toute action relative à l'établissement ou à la contestation de la filiation est sans effet et non conforme ; qui plus est, en supposant même que cette expertise soit envisageable dans une action ne portant pas sur la filiation mais sur une adoption, elle ne serait justifiée que si la solution du litige en dépendait ce qui n'était pas le cas dans la mesure où l'article 352 du code civil prévoit que le placement en vue de l'adoption fait échec à toute déclaration de filiation et de reconnaissance ; la préfète de l'Allier et le conseil départemental de l'Allier font valoir que Monsieur A... n'a pas relevé appel des décisions d'admission de pupille de l'Etat et de placement en vue de l'adoption qui sont définitives alors qu'il connaissait la date de l'accouchement de son ex-conjointe et qu'il ne pouvait avoir aucun doute sur le lien biologique qui l'unissait à l'enfant né de cette union, au vu de la teneur des SMS échangés entre eux. La reconnaissance de paternité du 12 juin 2017 ne peut porter effet ; Monsieur A... soutient qu'il s'est intéressé à l'enfant dès qu'il a été informé par son ex-compagne qu'elle était enceinte. Les démarches pour pouvoir reconnaître et s'occuper de I... n'ont été retardées que par le mensonge de son ex-compagne au moment de l'accouchement et l'absence de réaction du procureur de la République à ses courriers ; pour ce qui concerne l'examen comparé des sangs, il fait observer qu'il a été ordonné judiciairement après que la préfète et le conseil départemental de l'Allier ont pu faire valoir leurs observations et exercer les voies de recours et il n'y a aucune raison pour l'écarter ; s'agissant de la reconnaissance, aucun texte ne prévoit qu'une reconnaissance intervenue plus de deux mois après un accouchement sous X est nulle ; l'intervention de Monsieur A..., qui forme des prétentions, est principale et suppose la réunion d'un intérêt et d'une qualité pour agir ; Monsieur A... a démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l'enfant, à faire reconnaître sa paternité sur l'enfant ; cependant, il ne justifie pas d'une qualité à agir dans la présente instance tendant à voir prononcer l'adoption dès lors que le lien de filiation entre lui-même et l'enfant ne peut être établi ; en effet, en application des dispositions de l'article 352 du code civil, le placement à adoption fait échec à toute déclaration de filiation et de reconnaissance de sorte que la reconnaissance du 12 juin 2017 est privée d'effet et que l'expertise biologique dont les conclusions ont été déposées le 15 mai 2018 ne peut permettre d'établir sa paternité à l'égard de l'enfant ; par conséquent, l'intervention de Monsieur A... sera déclarée irrecevable ;
ALORS QUE la qualité pour agir ou pour intervenir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son bien-fondé ; qu'en retenant que la reconnaissance de M. A... serait privée d'effet en application de l'article 352 du code civil car postérieure au placement de I... en vue de son adoption pour juger son action irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 31, 66 et 329 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
AUX MOTIFS QUE cités au premier moyen de cassation ;
1°) ALORS QUE selon l'article 3 § 1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, applicable directement devant les tribunaux français, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que selon l'article 7§1 de la même convention, l'enfant a dès sa naissance et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevés par eux ; pour annuler l'acte de reconnaissance du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil, l'arrêt relève que cette reconnaissance est privée d'effet pour avoir été effectuée par M. A... après le placement de I... en vue de l'adoption et qu'il était de l'intérêt de l'enfant de voir prononcer son adoption par les époux R... avec lesquels elle entretenait des liens affectifs forts qu'il serait traumatisant de rompre brutalement ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs tirés d'un intérêt immédiat à être adopté, impropre à caractériser, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit être apprécié à long terme et en considération de son droit fondamental à connaître dès sa naissance ses parents et d'être élevé par eux, la nécessité d'annuler l'acte de reconnaissance effectué par M. A... et de prononcer l'adoption plénière de I..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions conventionnelles précitées ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que selon la jurisprudence de la cour européenne, la vie familiale s'étend à la relation potentielle qui aurait pu se développer entre un père naturel et un enfant né hors mariage et que la vie privée, qui englobe des aspects importants de l'identité personnelle, inclut le droit au regroupement d'un père avec son enfant biologique ainsi que l'établissement d'un lien juridique ou biologique entre un enfant né hors mariage et son géniteur ; toujours selon la jurisprudence de la Cour européenne, la notion de vie privée inclut le droit à la connaissance de ses origines, l'intérêt vital de l'enfant dans son épanouissement étant également largement reconnu dans l'économie générale de la Convention ; que l'annulation par la cour d'appel de l'acte de reconnaissance de I... par son père après son placement en vue de l'adoption et la décision de prononcer l'adoption plénière de l'enfant constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et de I... garanti par l'article 8 de la Convention; qu'il appartient au juge de vérifier si concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d'apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif ; après avoir constaté que M. A... avait démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de I..., à faire reconnaitre sa paternité sur l'enfant et qu'il était prouvé, par les expertises biologiques, qu'il était bien le père biologique de I..., la cour d'appel a annulé l'acte de reconnaissance au motif que le placement en vue de l'adoption faisait échec à toute déclaration de filiation en application de l'article 352 du code civil et a retenu qu'il était de l'intérêt de I... de voir prononcer son adoption par les époux R... avec lesquels elle avait noué des liens affectifs forts qu'il serait traumatisant de rompre brutalement ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs ne prenant en compte que les conséquences immédiates qu'aurait sur l'enfant une séparation avec la famille d'accueil sans prendre en considération les effets à long terme d'une séparation permanente avec son père biologique et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si concrètement, les autorités nationales, sollicitées à plusieurs reprises par M. A..., avaient pris les mesures nécessaires et adéquates pour garantir l'effectivité de son droit à voir établi un lien futur entre lui et sa fille, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. A... (p.11) qui a fait valoir que les stricts délais du placement de l'enfant en vue de l'adoption ne lui avaient pas permis de faire valoir ses droits de père en violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE si le droit à un tribunal impartial, dont le droit d'accès effectif et concret constitue un aspect n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; qu'une telle atteinte est caractérisée lorsqu'il est dénié au père d'un enfant né d'un accouchement anonyme qualité à agir dans la procédure d'adoption et à contester devant les tribunaux la décision de placement de l'enfant en vue de son adoption ; qu'en déclarant l'action de M. A... irrecevable faute de qualité à agir, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS, en tout état de cause, QU'en application du protocole n°16 du 1er août 2018, la Cour de cassation pourra adresser à la Cour européenne des droits de l'Homme une demande d'avis consultatif sur la question suivante : En déclarant inefficace et nul l'acte de reconnaissance paternelle d'un enfant né d'un accouchement anonyme car effectué après son placement en vue de l'adoption et en prononçant l'adoption plénière de l'enfant alors que dès la naissance, le père biologique a effectué des démarches auprès du Parquet et des services d'aide sociale à l'enfance pour retrouver et identifier son enfant afin de faire établir et d'assumer pleinement sa paternité, un Etat partie excède-t-il la marge d'appréciation dont il dispose au regard du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ?
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
AUX MOTIFS déjà cités au troisième moyen
1°) ALORS QUE la reconnaissance d'un enfant naturel, déclarative de filiation, prend effet à la date de naissance de l'enfant dès lors qu'il a été identifié ; qu'il en résulte qu'à partir du moment où le père d'un enfant né d'un accouchement anonyme a pu l'identifier et le reconnaître, son placement en vue de l'adoption devient de jure irrégulier et ses effets sont rétroactivement résolus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que M. A... avait démontré sa détermination, par les nombreuses démarches qu'il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l'enfant, à faire reconnaître sa paternité sur l'enfant et qu'une fois qu'il a enfin pu identifier I..., il l'a reconnue auprès de l'officier d'état civil de la mairie de Vichy ; qu'en refusant néanmoins, pour dire que M. A... n'avait pas qualité à intervenir à la procédure, de faire produire effet à la reconnaissance de paternité effectuée dès que l'enfant a pu être identifiée par son père au seul motif qu'elle était intervenue postérieurement au placement de l'enfant en vue de l'adoption, la cour d'appel a violé les articles 7§1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 335, 336, 341-1, 348-1 et 352 du code civil et 31, 66 et 329 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QU'une reconnaissance contestée sur le fondement de l'article 352 du code civil, parce que faite après le placement en vue de l'adoption, n'est pas nulle mais seulement privée d'effet à la condition que le placement soit régulier et que l'adoption soit prononcée ; que M. A... avait donc incontestablement qualité, au jour de son intervention et avant que l'adoption soit prononcée, à défendre à la demande d'annulation de l'acte de reconnaissance formée par les époux R... et à intervenir à la procédure d'adoption plénière pour faire valoir ses droits ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention de M. A... faute de qualité à agir, la cour d'appel a violé les articles 31, 66, 329 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et du citoyen ;
3°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel (p.16) de M. A... qui a fait valoir que l'impossibilité de reconnaître I... avant son placement en vue de l'adoption ne pouvait lui être imputée en raison des mensonges répétés de la mère qui lui avait indiqué que l'enfant était mort-né puis de l'inertie du parquet auquel il avait écrit pour demander de l'aide dès le 2 février 2017, soit avant le placement de I... en vue de son adoption, mais qui lui avait opposé une fin de non-recevoir sans procéder à la recherche des date et lieu d'établissement de l'acte de naissance de l'enfant comme il en avait pourtant l'obligation en application de l'article 62-1 du code civil, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que l'action de M. Q... A... était irrecevable faute de qualité à agir et D'AVOIR prononcé l'adoption de I... T... H..., de sexe féminin, née le [...] à Vichy (03), dit que I..., T... H... se prénommerait et nommerait Q..., I... R..., dit que copie du présent arrêt serait transmise à Mme la procureure générale en vue de sa transcription sur les registres de l'état civil de Vichy, annulé l'acte de reconnaissance n° 568 du 12 juin 2017 inscrit sur le registre de l'état civil de la mairie de Vichy ;
AUX MOTIFS déjà cités aux deuxième et troisième moyen
ALORS QUE l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; comme dans toutes les décisions qui concernent un enfant, son intérêt supérieur, lequel intègre son droit fondamental à connaître sa famille d'origine, doit être une considération primordiale ; qu'en se focalisant, pour dire qu'il était de l'intérêt de I... de voir prononcer son adoption, sur les conséquences immédiates qu'aurait sur elle une séparation avec sa famille d'accueil sans prendre en considération, ainsi qu'elle était invitée à le faire, les effets à long terme d'une séparation permanente et irréversible avec son père naturel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 353 du code civil, 7§1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Moyens produits au pourvoi n° R 19-24.608 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Application de l'article 625 du Code de procédure civile
La cassation à intervenir sur le pourvoi n° Y 19-15.921 entrainera la cassation de l'arrêt présentement attaqué, dès que lors que cet arrêt rectificatif n'est que la suite et la conséquence de l'arrêt rectifié du 5 mars 2019.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rectifié le dispositif de l'arrêt du 5 mars 2019, en ajoutant à cet arrêt que l'adoption de la petite I... T... H... par les époux R... était une adoption plénière, que la transcription tiendra lieu d'acte de naissance à l'enfant, et que la mention « adoption » sera portée en marge de son acte de naissance d'origine dressé à Vichy le 24 octobre 2014, lequel sera considéré comme nul ;
ALORS QUE sous couleur d'erreur matérielle, le juge ne peut pas modifier la décision qu'il a rendue sur le fond, ni modifier les droits des parties ; que l'arrêt rectifié du 5 mars 2019 se bornait à prononcer l'adoption de I... T... H... et à annuler l'acte de reconnaissance souscrit par M. Q... A... ; que sous-couleur de rectification, en précisant que l'adoption sera plénière, que la transcription de l'arrêt d'adoption tiendra lieu d'acte de naissance à l'enfant, et que la mention « adoption » sera portée en marge de son acte de naissance d'origine, la Cour a ajouté à ce qu'elle avait jugé, en modifiant les droits et obligations des parties, et excédé ses pouvoirs, en violation des articles 462 du Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Moyens produits au pourvoi n° U 20-14.012 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Application de l'article 625 du Code de procédure civile
La cassation à intervenir sur le pourvoi n° Y 19-15.921 entrainera la cassation de l'arrêt présentement attaqué, dès lors que cet arrêt dit rectificatif n'est que la suite et la conséquence de l'arrêt rectifié du 5 mars 2019.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rectifié pour erreur matérielle la mention de l'arrêt du 5 mars 2019 selon laquelle cet arrêt a été « prononcé en Chambre du Conseil », et d'avoir dit que le paragraphe de la deuxième page de cet arrêt sera rédigé comme suit :
« - prononcer en audience publique le 5 mars 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile » ;
1°/ ALORS QUE la rectification d'erreur matérielle ne peut avoir pour objet de modifier une mention indispensable à la validité de l'arrêt rendu, énoncée jusqu'à inscription de faux, et correspondant à une formalité essentielle de procédure dont l'absence doit entraîner la nullité de la décision ; qu'en prétendant modifier sa décision par voie de « rectification d'erreur matérielle », pour dire qu'elle aurait été rendue publiquement et non en Chambre du Conseil, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 462 du Code de procédure civile.
2°/ ALORS QU'une rectification d'erreur matérielle doit être motivée, le Juge étant tenu d'expliquer en quoi sa précédente décision était entachée d'erreur, et en quoi il ne s'agissait que d'une simple erreur matérielle ; que l'arrêt attaqué est dépourvu de tout motif et a donc été rendu en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE l'erreur supposée matérielle peut être réparée, selon « ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande » ; en l'espèce, le dossier ne révèle rien sur les conditions du prononcé de l'arrêt et la raison ne commande pas davantage que la mention selon laquelle l'arrêt rectifié a été rendu en Chambre du Conseil serait affectée d'une erreur ; que la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 462 du Code de procédure civile.

4°/ ALORS QUE la formalité de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, aux termes duquel le Président « peut aviser les partiesque le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique » est étrangère aux modalités du prononcé, et n'emporte aucune conséquence sur le mode de prononcé régi pour sa part par l'article 451 du même Code ; que faute de caractériser la moindre erreur matérielle, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 462 du Code de procédure civile, l'article 6 de la CEDH et les droits de la défense.

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16 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-22.508, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-22.508, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation partielle sans renvoi

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
MY1


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président


Arrêt n° 102 FS-P+I
Pourvoi n° G 19-22.508



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. N... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-22.508 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme L... P..., domiciliée [...] ,
2°/ à l'Union départementale des association familiales (UDAF) de l'Ain, dont le siège est 12 bis rue de la Liberté, BP 30160, 01004 Bourg-en-Bresse, en qualité de tuteur de Mme J... U...,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. N... U..., de Me Bouthors, avocat de Mme P..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 juillet 2019), E... U... a souscrit un contrat d'assurance sur la vie auprès de la compagnie Aviva. Le 23 août 2010, il a désigné comme bénéficiaire sa concubine, Mme P..., et, à défaut, ses héritiers. Il a été placé en tutelle par jugement du 30 juin 2015, son fils, M. N... U..., étant désigné en qualité de tuteur. Par ordonnance du 25 avril 2016, le juge des tutelles a autorisé ce dernier à faire procéder au changement de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie et à désigner Mme U... et M. N... U..., les enfants du majeur protégé, en qualité de bénéficiaires. E... U... est décédé le 20 novembre 2016.
2. Le 15 septembre 2017, Mme P... a formé tierce opposition à l'encontre de l'ordonnance du 25 avril 2016. Par ordonnance du 4 janvier 2018, le juge des tutelles a déclaré la tierce-opposition irrecevable. Le 22 janvier 2018, Mme P... a interjeté appel de l'ordonnance du 25 avril 2016 et de l'ordonnance du 4 janvier 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. M. N... U... fait grief à l'arrêt de dire que l'application des dispositions des articles 1239, alinéa 2 et 3, et 1241-1 du code de procédure civile au cas d'espèce est contraire à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conséquence, de recevoir Mme P... en son appel et de rejeter sa requête tendant à être autorisé à faire procéder au changement de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie souscrit par E... U..., alors « que l'appel des décisions du juge des tutelles est réservé aux personnes proches du majeur protégé, à savoir son conjoint, son partenaire ou son concubin dans la mesure où la communauté de vie n'a pas cessé, un parent ou un allié, ou une personne qui entretient avec le protégé des liens stables ; que la cour d'appel a constaté que Mme P... ne partageait plus la vie de E... U... depuis au moins 18 mois, sans que ce dernier ait cherché à renouer avec elle ; qu'elle en a déduit que le concubinage avait pris fin ; qu'en déclarant le recours de Mme P... recevable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que Mme P... n'avait plus de lien avec E... U... et n'avait dès lors pas qualité pour intervenir aux opérations de tutelle ; qu'elle a ce faisant violé les articles l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1239 et 430 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019, et l'article 430 du code civil :
4. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.
5. Il résulte de la combinaison des deuxième et troisième de ces textes que, sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles sont susceptibles d'appel et que, sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l'appel est ouvert à la personne qu'il y a lieu de protéger, son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, les parents ou alliés, les personnes entretenant avec le majeur des liens étroits et stables et la personne qui exerce la mesure de protection juridique, et ce, même si ces personnes ne sont pas intervenues à l'instance.
6. Il s'en déduit que seuls peuvent interjeter appel des décisions du juge des tutelles, en matière de protection juridique des majeurs, outre le procureur de la République, les membres du cercle étroit des parents et proches qui sont intéressés à la protection du majeur concerné, ainsi que l'organe de protection.
7. En ouvrant ainsi le droit d'accès au juge à certaines catégories de personnes, qui, en raison de leurs liens avec le majeur protégé, ont vocation à veiller à la sauvegarde de ses intérêts, ces dispositions poursuivent les buts légitimes de protection des majeurs vulnérables et d'efficacité des mesures.
8. Elles ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre la restriction du droit d'accès au juge et le but légitime visé dès lors que les tiers à la mesure de protection disposent des voies de droit commun pour faire valoir leurs intérêts personnels.
9. Pour déclarer recevable l'appel formé par Mme P... contre l'ordonnance du juge des tutelles du 25 avril 2016, après avoir constaté que celle-ci n'avait pas qualité à agir, l'arrêt retient que, si les restrictions légales à l'exercice des voies de recours contre les décisions du juge des tutelles poursuivent des objectifs légitimes de continuité et de stabilité de la situation du majeur protégé, dans le cas d'espèce, la privation du droit d'appel est sans rapport raisonnable avec le but visé dès lors que Mme P... est privée de tout recours contre une décision qui porte atteinte de manière grave à ses intérêts.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le concubinage de Mme P... et E... U... avait pris fin en mars 2015 et qu'après la séparation du couple, Mme P... n'avait pas entretenu avec le majeur protégé des liens étroits et stables au sens de l'article 430 du code civil, ce dont il résultait que l'absence de droit d'appel de celle-ci ne portait pas atteinte à son droit d'accès au juge, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Ainsi que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen et le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'application des dispositions des articles 1239, alinéa 2 et 3, et 1241-1 du code de procédure civile au cas d'espèce est contraire à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conséquence, reçoit Mme P... en son appel, réforme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 25 avril 2016 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bourg en Bresse et, statuant à nouveau, déboute N... U..., agissant en sa précédente qualité de tuteur de E... U..., de sa requête visant à être autorisé à faire procéder au changement de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie multi-support DSK Afer n° 12536892 auprès de la compagnie d'assurance Aviva et à désigner J... U... et N... U..., ses enfants, dit la décision opposable à l'UDAF de l'Ain, en sa qualité de tuteur de Mme J... U... et condamne M. N... U... aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable l'appel formé par Mme P... à l'encontre de l'ordonnance rendue le 25 avril 2016 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bourg en Bresse ;
Condamne Mme P... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. N... U....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'application des dispositions des articles 1239 al 2 et 3 et 1241-1 du code de procédure civile au cas d'espèce est contraire à l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conséquence, d'avoir reçu Mme A... U... en son appel et débouté M. N... U... de sa requête tendant à être autorisé à faire procéder un changement de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie souscrit par E... U...,
AUX MOTIFS QUE l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqué verbalement par le conseil de l'appelante au cours des débats devant la Cour, fonde le droit de toute personne à ce que sa cause, en particulier sur ses droits et obligations à caractère civil, soit entendue par un tribunal ; que l'application des dispositions précitées du code de procédure civile conduit à priver L... P... de toute voie de recours contre une décision qui atteint indiscutablement et de manière grave à ses intérêts et, de surcroît, a été prise sans qu'elle ait été entendue ou mise en mesure de faire valoir ses observations ; qu'en effet, comme il a été dit, les règles du code de procédure civile ne permettent pas à L... P... d'exercer une voie de recours contre l'ordonnance du 25 avril 2016, dès lors que : - la tierce-opposition est subordonnée à une qualité de créancier qu'elle ne possède pas, - l'exercice du droit d'appel, outre qu'il était rendu de fait quasiment impossible à défaut pour l'intéressée d'être informée de la décision dans les 15 jours de son prononcé, est subordonné à la démonstration d'un lien avec le majeur protégé qui n'était plus effectif après la séparation du couple ; que les restrictions légales à l'exercice des voies de recours contre les décisions du juge des tutelles poursuivent les objectifs légitimes de continuité et de stabilité de la situation du majeur protégé ; que dans le cas d'espèce, la privation du droit d'appel est sans rapport raisonnable avec le but visé dès lors que, sans que la décision attaquée ait touché aux droits et intérêts matériels du majeur protégé, elle conduit à priver L... P... du droit fondamental à un procès équitable en violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne précitée que le juge national se doit d'appliquer ; qu'en conséquence, il convient d'écarter les dispositions des articles 1239 al. 2 et 3 et 1241-1 du code de procédure civile restrictives du droit d'appel et déclarer recevable l'appel de L... P... à l'encontre de l'ordonnance du 25 avril 2016,
1) ALORS QUE pour agir en justice, il faut à la fois justifier d'un intérêt et avoir qualité à agir ; que pour déclarer le recours recevable, la cour d'appel a constaté que Mme L... P... avait intérêt à agir contre une décision qui avait porté atteinte à ses intérêts pécuniaires ; qu'en ne recherchant pas si Mme L... P..., dont elle a constaté qu'elle ne partageait plus ni communauté de vie, ni lien affectif avec E... U..., avait en outre qualité à intervenir aux opérations de tutelle, dont elle a rappelé qu'elles avaient pour seul objectif la protection du majeur vulnérable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE l'appel des décisions du juge des tutelles est réservé aux personnes proches du majeur protégé, à savoir son conjoint, son partenaire ou son concubin dans la mesure où la communauté de vie n'a pas cessé, un parent ou un allié, ou une personne qui entretient avec le protégé des liens stables ; que la cour d'appel a constaté que Mme L... P... ne partageait plus la vie de E... U... depuis au moins 18 mois, sans que ce dernier ait cherché à renouer avec elle; qu'elle en a déduit que le concubinage avait pris fin ; qu'en déclarant le recours de Mme L... P... recevable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que Mme L... P... n'avait plus de lien avec E... U... et n'avait dès lors pas qualité pour intervenir aux opérations de tutelle ; qu'elle a ce faisant violé les articles l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1239 et 430 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N... U... agissant en qualité de tuteur de E... U..., de sa requête visant à être autorisé à faire procéder au changement de clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie et désigner Mme J... et M. N... U... en tant que bénéficiaires,
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance attaquée a été rendue sur la requête de N... U... déposée le 25 mars 2016, par laquelle il exposait que la bénéficiaire du contrat d'assurance-vie était L... P... qui avait quitté le domicile de son père depuis un an ; que le requérant précisait que, depuis lors, sa mère A... et lui-même assuraient le principal entourage de son père ainsi que le bon fonctionnement de ses affaires ; que cette ordonnance appelle une triple critique : que tout d'abord, le juge ne pouvait pas autoriser N... U... à procéder à un acte dans une situation de confusion manifeste d'intérêts, entre sa qualité de tuteur et sa qualité de futur bénéficiaire d'une partie du capital de l'assurance-vie ; que l'article L. 132-4-1 a1. 2 du code des assurances prévoit d'ailleurs que si le bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie est le curateur ou le tuteur, il est réputé être en opposition d'intérêts avec la personne protégée ; que cette disposition, qui vise à écarter la confusion entre les actes du tuteur dans l'exercice de sa mission et la protection de ses intérêts propres, ne saurait se limiter au cas où le tuteur est bénéficiaire de l'ensemble de l'assurance mais s'entend nécessairement du cas où il ne doit bénéficier que d'une partie du capital, ce qui est le cas en l'espèce puisque les droits sont partagés entre N... U... et sa soeur J... U... ; qu'ensuite, le juge ne pouvait pas valablement autoriser un acte de révocation d'une stipulation de bénéficiaire d'assurance-vie et de substitution de bénéficiaire, prohibé par les articles L. 132-4-1 et L. 132-9 al. 2 du code des assurances ; que l'article L. 132-4-1 al.2 dispose que notamment que "Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la souscription ou le rachat d'un contrat d'assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué » ; que l'article L 132-9 al. 2 est rédigé comme suit : tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué ; qu'il ressort de ces dispositions que seul E... U... et non son tuteur pouvait, avec l'autorisation du juge des tutelles, révoquer la stipulation au bénéfice de L... P... pour y substituer une stipulation au profit de ses enfants ; qu'enfin, le juge n'a pas spécifié en quoi l'opération serait conforme aux intérêts du majeur protégé ; qu'en l'espèce, dès lors que la décision n'affectait pas directement son patrimoine, l'intérêt de E... U..., majeur protégé, ne pouvait être que le respect de sa volonté quant au choix du bénéficiaire de l'assurance-vie ; qu'aucun élément du dossier, pas même la requête de N... U..., ne fait état d'une quelconque expression de volonté de E... U... de révoquer la stipulation bénéficiant à son ancienne compagne ; que le débat sur les capacités de discernement de E... U... à la désignation de sa compagne comme bénéficiaire de son assurance-vie le 23 août 2010, eu égard à la pathologie d'Alzheimer diagnostiquée l'année précédente, est sans objet dans le présent litige,
1) ALORS QUE lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant d'une assurance-vie, la souscription ou le rachat du contrat ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué ; que lorsque le bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie est le curateur ou le tuteur, il est réputé être en opposition d'intérêts avec la personne protégée ; que le conflit d'intérêt n'interdit pas le changement de bénéficiaire mais appelle, de la part du juge, une vigilance accrue ; qu'en retenant que M. N... U..., tuteur de son père, ne pouvait être désigné bénéficiaire d'une assurance en cas de décès, la cour d'appel a violé l'article L 132-4-1 du code des assurances ;
2) ALORS QUE lorsqu'une tutelle a été ouverte, le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie ne peut intervenir qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de changement de bénéficiaire, que seul E... U..., et non son tuteur, même autorisé par le juge, pouvait procéder au changement de bénéficiaire, la cour d'appel a violé les articles L 132—14-1 la2 et L 132-9 al 2 du code des assurances ;
3) ALORS QU'il appartient à celui qui conteste une décision du juge des tutelles d'établir en quoi elle est contraire aux intérêts de la personne protégée ; que l'ordonnance du 25 avril 2016 énonçait que le rétablissement des enfants en tant que bénéficiaires de l'assurance-vie était conforme aux intérêts de E... U... ; qu'il appartenait à Mme L... P..., qui contestait cette décision, d'établir le contraire ; qu'en considérant, pour réformer l'ordonnance entreprise, qu'il n'était pas spécifié en quoi l'opération était conforme aux intérêts de E... U..., la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil.

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17 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-26.140, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-26.140, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Rejet

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
MY1


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Rejet

Mme BATUT, président


Arrêt n° 103 FS-P
Pourvoi n° F 19-26.140



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. L... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-26.140 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section B), dans le litige l'opposant à Mme E... G..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. K..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme G..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 octobre 2019), le 6 septembre 2003, M. K... et Mme G... ont acquis en indivision un bien immobilier destiné à leur résidence principale. Ils ont souscrit le même jour deux prêts immobiliers destinés à financer cette acquisition. Le 26 septembre suivant, ils ont conclu un pacte civil de solidarité, qui a été dissout le 8 mars 2013. Le 12 mai 2016, Mme G... a assigné M. K... devant le juge aux affaires familiales afin que soit ordonné le partage judiciaire de l'indivision existant entre eux.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'une créance soit constatée à son profit à raison du remboursement par ses soins de sommes dues tant par lui que par Mme G... et ce, pour la période couverte par le pacte civil de solidarité, soit jusqu'au 8 mars 2013, alors :
« 1°/ que la seule circonstance que l'une des parties ait assumé en fait le remboursement de l'intégralité des prêts, les revenus de l'autre partie étant insuffisants pour faire face à la fraction des remboursements lui incombant, ne pouvait être regardée comme révélant la volonté non-équivoque des deux parties de faire peser l'intégralité des remboursements sur l'une d'elle ; qu'ayant fondé l'existence d'un accord tacite sur des circonstances équivoques, les juges du fond ont violé les articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
2°/ qu'en tout cas, le seul fait que l'une des parties ait assuré le remboursement intégral des prêts et que l'autre ne disposait pas de revenus à la hauteur des remboursements qui lui incombaient, n'établissait pas, en tout état de cause, la volonté commune non-équivoque des parties de faire peser sur l'une d'elle une charge excédant ce qui lui incombait au titre des facultés respectives des parties ; qu'à cet égard également, fondé sur des circonstances équivoques, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
3°/ que l'arrêt ne peut être considéré comme légalement justifié au regard des charges résultant de l'existence du PACS dès lors que les juges du fond ne se sont pas prononcés sur la répartition des charges en fonction des facultés respectives ; qu'à tout le moins, l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 515-4 du code civil ;
4°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en retenant qu'il y avait volonté commune des parties de faire peser l'ensemble des charges de l'emprunt sur M. K..., faute pour celui-ci de démontrer le contraire, quand les règles de l'indivision faisaient présumer une participation aux charges à hauteur des parts dans l'indivision, les juges du fond ont violé l'article 1315 ancien devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article 515-4, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable à la cause, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.
4. Après avoir constaté que l'immeuble avait été acquis indivisément par les parties et que les mensualités des prêts avaient été réglées intégralement par M. K..., l'arrêt relève que les intéressés ont disposé de facultés contributives inégales, M. K... ayant perçu des revenus quatre à cinq fois supérieurs à ceux de Mme G.... Il ajoute qu'il résulte des relevés du compte de Mme G... que celui-ci a oscillé entre un faible solde créditeur et un solde régulièrement débiteur, le livret bleu étant créditeur de façon constante d'un montant d'environ 1 700 euros, et que, si M. K... soutient avoir payé l'intégralité des charges du ménage, permettant ainsi à Mme G... de réaliser des économies, la preuve de ces économies n'est pas rapportée. Il relève encore que les revenus de Mme G... étaient notoirement insuffisants pour faire face à la moitié du règlement des échéances des emprunts immobiliers.
5. La cour d'appel, qui a souverainement estimé que les paiements effectués par M. K... l'avaient été en proportion de ses facultés contributives, a pu décider que les règlements relatifs à l'acquisition du bien immobilier opérés par celui-ci participaient de l'exécution de l'aide matérielle entre partenaires et en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il ne pouvait prétendre bénéficier d'une créance à ce titre.
6. Le moyen, inopérant en ses deux premières branches en ce qu'il critique des motifs surabondants de l'arrêt relatifs à l'accord des parties, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. K... et le condamne à payer à Mme G... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. K....
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure
EN CE QU'il a rejeté la demande de Monsieur K... tendant à ce qu'une créance soit constatée à son profit dans le cadre de la liquidation du PACS à raison du remboursement par ses soins de sommes dues tant par Monsieur K... que par Madame G... et ce, pour la période couverte par le PACS, soit jusqu'au 8 mars 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « en première instance, le Tribunal a justement rappelé que le régime applicable aux biens des partenaires de PACS signés avant le 1er janvier 2007 demeure celui ayant existé avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 lorsque les partenaires n'ont pas choisi par convention modificative de se soumettre à l'un des deux régimes issus des nouvelles dispositions des articles 515-5 à 515-5-3 du Code civil ; que présentement, en l'absence de toute précision sur le régime auquel les concubins signataires du PACS ont entendu soumettre le bien dont ils ont fait l'acquisition, existe une présomption d'indivision, le PACS conclu le 26 septembre 2003 ne mentionnant aucune convention modificative ; que dans l'acte d'acquisition du bien considéré, M. K... et Mme G... apparaissent tous deux comme emprunteurs des deux prêts souscrits pour les montants de 95 000 € et 95 620 €, remboursables tous les deux en 180 mensualités, de 705,09 € pour le premier (avec une échéance de 704,20 €) et de 683,57 € pour le second (avec une échéance de 683,74 €) ; que suivant attestation du Crédit Agricole de l'Anjou et du Maine, il est établi que les échéances des prêts ont été prélevées sur le compte de M. K... et il doit être admis que la charge des emprunts a été réglée avec ses deniers, aucun élément ne permettant de supposer le contraire ; que M. K... justifie en outre avoir réglé les taxes foncières concernant le bien, les factures de gaz et d'électricité lui étant par ailleurs adressées ; que l'article 515-4 du Code civil dispose notamment que « Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques ; que si les partenaires n'en disposent autrement l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives » ; que l'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2009 du couple mentionne un revenu fiscal de 86 606 € ; que l'avis d'imposition sur les revenus de 2010 fait apparaître un montant de salaires de 17 032 € pour Mme G... et un montant de pensions de 16 909 € et de revenus non commerciaux de 69 177 € pour M. K... ;
que l'avis d'impôt sur les revenus de 2013 fait figurer 36 604 € de pensions et 63 621 € de revenus non commerciaux pour M. K... et 23 228 € de revenus pour Mme G... ; que les relevés du compte détenu par Mme G... au CIC Banque Régionale de l'Ouest pour la période d'octobre 2003 à décembre 2007 font apparaître que ce compte a oscillé entre un faible solde créditeur (1 392,64 € en septembre 2007) et un solde régulièrement débiteur, le livret bleu de l'appelante étant créditeur de façon constante d'un montant d'environ 1 700 €, le virement mensuel de 1 250 € intitulé "PMU" figurant sur les relevés antérieurs à novembre 2003 étant remplacé sur les relevés postérieurs par un virement mensuel de la CPAM, pour une somme comprise entre 200 € (octobre 2007) et 1 073 € (septembre 2007) ; que ces pièces établissent que M. K... et Mme G..., qui sont désignés avec les professions respectives de médecin et de maroquinière dans l'acte d'acquisition du 6 septembre 2003, ont disposé de facultés contributives inégales et que les revenus de l'appelante étaient notoirement insuffisants pour faire face à la moitié du règlement des échéances d'emprunt soit : 705,09 € + 683,57 € % 2 = 694,33 €, la preuve n'étant pas rapportée d'économies faites par Mme G... ; qu'en l'absence d'éléments contraires de la part de M. K..., il doit être déduit qu'il a existé une volonté commune que ce dernier assumât la charge des échéances du crédit immobilier qui prévaut sur la présomption d'indivision régissant le PACS conclu le 26 septembre 2003 ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a lieu pour le notaire de tenir compte du financement par M. K... de l'intégralité des mensualités des prêts de 95 000 € et de 95 620 € » (arrêt, pp. 5-6) ;
ALORS QUE, premièrement, la seule circonstance que l'une des parties ait assumé en fait le remboursement de l'intégralité des prêts, les revenus de l'autre partie étant insuffisants pour faire face à la fraction des remboursements lui incombant, ne pouvait être regardée comme révélant la volonté non-équivoque des deux parties de faire peser l'intégralité des remboursements sur l'une d'elle ; qu'ayant fondé l'existence d'un accord tacite sur des circonstances équivoques, les juges du fond ont violé les articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, le seul fait que l'une des parties ait assuré le remboursement intégral des prêts et que l'autre ne disposait pas de revenus à la hauteur des remboursements qui lui incombaient, n'établissait pas, en tout état de cause, la volonté commune non-équivoque des parties de faire peser sur l'une d'elle une charge excédant ce qui lui incombait au titre des facultés respectives des parties ; qu'à cet égard également, fondé sur des circonstances équivoques, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
ALORS QUE, troisièmement, l'arrêt ne peut être considéré comme légalement justifié au regard des charges résultant de l'existence du PACS dès lors que les juges du fond ne se sont pas prononcés sur la répartition des charges en fonction des facultés respectives ; qu'à tout le moins, l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 515-4 du code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en retenant qu'il y avait volonté commune des parties de faire peser l'ensemble des charges de l'emprunt sur M. K..., faute pour celui-ci de démontrer le contraire, quand les règles de l'indivision faisaient présumer une participation aux charges à hauteur des parts dans l'indivision, les juges du fond ont violé l'article 1315 ancien devenu 1353 du code civil.

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18 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-23.461, Publié au bulletin -
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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-23.461, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation

Mme BATUT, président


Arrêt n° 97 F-P+I
Pourvoi n° U 19-23.461




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
La société Argent Energy UK LTD, dont le siège est 236-240 Biggard Road Newarthill ML1 5FA, Motherwell (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° U 19-23.461 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Kapp, société par actions simplifiée, dont le siège est ZAC de Sacuny, avenue Marcel Mérieux, 69530 Brignais,
2°/ à la société Stappert France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 7 rue Michel Jacquet, 69800 Saint-Priest,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Argent Energy UK LTD, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Kapp, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), la société Argent Energy (l'acheteur), ayant son siège social à Motherwell (Royaume-Uni), a commandé à la société française Kapp (le vendeur) différents matériels de chaudronnerie. Un différend ayant opposé les parties, postérieurement à la livraison, le vendeur a assigné l'acheteur devant un tribunal français. Celui-ci a décliné la compétence de la juridiction française en application de l'article 25, §1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et, subsidiairement, des articles 4, §1, et 7, §1, a) du même texte.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'acheteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée, alors « que la partie qui soulève l'incompétence des juridictions françaises n'est tenue d'indiquer que l'Etat dans lequel se trouve la juridiction compétente, sans avoir à préciser ni sa nature ni sa localisation exacte ; que de même, en cas d'option de compétence entre les juridictions de plusieurs Etats étrangers, le demandeur à l'exception ne doit préciser que les Etats dans lesquels se trouvent les juridictions compétentes ; qu'en l'espèce, la société Argent Energy avait soulevé l'incompétence des tribunaux français au profit de celle des juridictions anglaises ou écossaises – au choix de la société Kapp – que le droit particulier de ces nations désignera comme compétentes ; qu'en jugeant que cette exception d'incompétence était irrecevable dès lors que la société Argent Energy n'identifiait pas plus précisément les juridictions écossaises et anglaises qu'elle considérait comme compétentes, la cour d'appel, qui a méconnu la spécificité du régime de l'exception d'incompétence internationale, a violé l'article 75 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 75 du code de procédure civile :
3. Aux termes de ce texte, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
4. Dans l'ordre international, satisfait aux exigences de ce texte, la partie qui fait connaître, dans son déclinatoire, que l'affaire doit, conformément aux règles de conflit applicables, être portée devant les juridictions d'un autre Etat, la recevabilité de l'exception n'étant pas subordonnée à l'indication de la juridiction dudit Etat devant être précisément saisie ni des règles de sa loi interne permettant cette désignation. Il en est de même lorsque ces règles de conflit offrent au demandeur le choix entre plusieurs fors internes d'un même Etat.
5. Pour déclarer irrecevable l'exception soulevée par l'acheteur, l'arrêt retient qu'en demandant à la juridiction française de se déclarer incompétente au profit des juridictions anglaises ou écossaises au choix du vendeur que le droit particulier de ces nations déterminera comme compétentes pour statuer sur lesdites demandes, l'acheteur n'a donné à son exception d'incompétence aucune précision pour que la désignation de la juridiction soit certaine.
6. En statuant ainsi, alors que l'acheteur déclinait la compétence de la juridiction française au profit de celle des juridictions du Royaume-Uni désignées par les règles de conflit qu'il invoquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Kapp aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kapp et la condamne à payer à la société Argent Energy la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Argent Energy UK LTD
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau, d'avoir déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Argent Energy ;
Aux motifs que « au soutien de son appel, la société Kapp reproche aux premiers juges, à titre principal, d'avoir déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Argent alors, qu'en violation des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile, la société Argent n'a pas désigné la juridiction prétendue compétente ; à titre subsidiaire, de l'avoir déclarée fondée alors que le contrat s'est formé en considération de ses clauses générales de vente stipulant une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Lyon ; que l'article 75 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, dispose que ‘s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel, est incompétente, la partie qui soulève cette exception, doit à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée' ; que la société Argent a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce saisi en invoquant une clause attributive de compétence, contenue dans ses conditions générales d'achat prétendues applicables, et a désigné comme compétentes les juridictions anglaises ou écossaises, au choix de la société Kapp, que le droit particulier de ces nations désignera comme compétente pour statuer sur les demandes ; que la société Kapp prétend que cette désignation n'est pas précise et non valable au regard des dispositions précitées dont la portée est générale et qui s'applique au déclinatoire de compétence internationale, ce que conteste la société Argent ; que celle-ci fait valoir que la nécessité de désigner précisément la juridiction considérée comme compétente ne concerne que les seuls cas d'incompétence du juge judiciaire français au profit du juge administratif français mais que dans le cas de l'incompétence d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère, la désignation générale des juridictions d'un Etat étranger est licite dès lors que le droit interne de cet Etat permet de déterminer effectivement le tribunal spécialement compétent ; d'autre part que l'exception d'incompétence internationale peut, en tout état de cause, être relevée d'office par la cour ; qu'en précisant que la partie qui soulève l'exception d'incompétence de la juridiction saisie doit, à peine d'irrecevabilité, faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée et ce dans tous les cas, l'article 75 du code de procédure civile ne permet pas d'exclure cette obligation lorsqu'il est prétendu que la juridiction compétente est une juridiction étrangère ; que la société Argent a donc l'obligation de désigner de manière précise la juridiction qu'elle estime compétente matériellement et territorialement, peu important que le juge ne puisse pas désigner la juridiction de renvoi lorsqu'il s'agit d'une juridiction étrangère ; qu'en l'espèce en désignant comme compétentes les juridictions anglaises ou écossaises, au choix de la société Kapp, que le droit particulier de ces nations désignera comme compétente pour statuer sur les demandes, la société Argent n'a donné à son exception d'incompétence, aucune précision pour que la désignation de la juridiction soit certaine ; que l'exception d'incompétence est donc irrecevable » (arrêt p. 4) ;
Alors que la partie qui soulève l'incompétence des juridictions françaises n'est tenue d'indiquer que l'Etat dans lequel se trouve la juridiction compétente, sans avoir à préciser ni sa nature ni sa localisation exacte ; que de même, en cas d'option de compétence entre les juridictions de plusieurs Etats étrangers, le demandeur à l'exception ne doit préciser que les Etats dans lesquels se trouvent les juridictions compétentes ; qu'en l'espèce, la société Argent Energy avait soulevé l'incompétence des tribunaux français au profit de celle des juridictions anglaises ou écossaises – au choix de la société Kapp – que le droit particulier de ces nations désignera comme compétentes ; qu'en jugeant que cette exception d'incompétence était irrecevable dès lors que la société Argent Energy n'identifiait pas plus précisément les juridictions écossaises et anglaises qu'elle considérait comme compétentes, la cour d'appel, qui a méconnu la spécificité du régime de l'exception d'incompétence internationale, a violé l'article 75 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-15.059, Publié au bulletin

SENS DE LA DECISION : Cassation partielle

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1
CF


COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 27 janvier 2021



Cassation partielle

Mme BATUT, président


Arrêt n° 101 FS-P+I
Pourvoi n° M 19-15.059




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. K... F..., domicilié [...] (Suisse), a formé le pourvoi n° M 19-15.059 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Pau (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Z... I... X..., domicilié [...] (Suisse),
2°/ à M. J... X... . P..., domicilié [...] ,
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Pau, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
M. X... . P... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs aux pourvois principal et incident invoquent, chacun, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation identiques annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. F... et X... . P..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. I... X..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau,12 décembre 2018), le 14 décembre 2012, Y... X... a signé à Pully (Suisse), où elle résidait habituellement, un mandat d'inaptitude, visant la loi suisse, qui désignait en qualité de mandataire son fils, M. X... . P... et comme suppléant, M. F.... Sa mère ayant fixé en France sa résidence habituelle, M. X... a mis en oeuvre le mandat en le faisant viser par le greffier du tribunal d'instance de Bayonne le 30 juin 2017.
2. M. I... X..., autre fils de la mandante, a saisi le juge des tutelles de Bayonne d'une contestation de la mise en oeuvre du mandat de protection future.
3. Y... de la E... X... . est décédée le 29 novembre 2017.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
4. M. F... et M. X... font grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'ordonnance rendue le 12 janvier 2018 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bayonne, alors « qu'hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer ; que si le juge qui veut relever d'office un moyen de droit ou fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été discutée contradictoirement par les parties doit solliciter leurs explications, en revanche, le juge qui se borne à prendre acte de la survenance, au cours du délibéré, d'un événement connu des deux parties, apprécie discrétionnairement la nécessité de rouvrir les débats ; qu'en l'espèce, le premier juge s'est borné à prendre acte du décès de E... X... intervenu au cours du délibéré et a « utilisé cette donnée en tant que moyen de fait pour écarter comme dénuée d'objet la demande de M. I... X... en désignation d'un mandataire extérieur au cercle familial » ; que, pour prononcer la nullité du jugement, la cour d'appel a cru pouvoir reprocher au premier juge de ne pas avoir « [sursis] à statuer et [rouvert] les débats sur ce point afin d'assurer le respect du principe du contradictoire et de mettre les parties à même de s'expliquer sur cet élément nouveau » ; qu'en mettant à la charge du juge une obligation de sursis à statuer non prévue par la loi, la cour d'appel a violé l'article 378 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code. »
Réponse de la Cour
5. Saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, en application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour d'appel était tenue de statuer sur le fond de la contestation, quelle qu'ait été sa décision sur l'exception.
6. Le moyen, qui reproche à l'arrêt d'annuler le jugement, est donc inopérant.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
7. M. F... et M. X... font grief à l'arrêt de dire que la procuration établie par Y... X... le 14 décembre 2012 n'aurait pas dû recevoir le visa du greffier du tribunal d'instance de Bayonne en vertu de l'article 1258-3 du code de procédure civile, et de prononcer en conséquence l'annulation de ce visa, alors « que les conditions de validité d'un acte unilatéral par lequel un adulte confère des pouvoirs de représentation à un mandataire pour que celui-ci les exerce lorsqu'il sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts, sont régies, à défaut de choix, par la loi de l'Etat de la résidence habituelle du mandant au moment de l'acte ; que seules les modalités d'exercice du mandat sont régies par la loi de l'Etat où il est exercé ; que si la validité du mandat de protection future français est subordonnée à la condition que des modalités de contrôle du mandataire soient prévues par le mandat, un mandat d'inaptitude relevant d'un droit étranger n'a en revanche pas à remplir cette condition pour être exécuté en France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir annuler le visa apposé par le tribunal d'instance de Bayonne en vue de l'exécution en France du mandat d'inaptitude conclu par E... X... en Suisse, au motif que ce mandat ne comportait formellement aucune modalité de contrôle du mandataire, « la seule référence de l'acte stipulant qu'il est soumis aux règles des articles 360 et suivants du code civil suisse ne pouvant pallier cette carence et être tenue pour équivaloir à la nécessité d'énoncer "formellement" les modalités de contrôle de l'activité du mandataire » ; qu'en conditionnant ainsi l'exécution en France d'un mandat d'inaptitude suisse à la condition qu'il remplisse une condition de validité du mandat de protection future français, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 de la convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 15 et 16 de la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes et les articles 1258, 1258-2 et 1258-3 du code de procédure civile :
8. Le premier de ces textes dispose :
« 1. L'existence, l'étendue, la modification et l'extinction des pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord soit par un acte unilatéral, pour être exercés lorsque cet adulte sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts, sont régies par la loi de l'Etat de la résidence habituelle de l'adulte au moment de l'accord ou de l'acte unilatéral, à moins qu'une des lois mentionnées au paragraphe 2 ait été désignée expressément par écrit.(...)3. Les modalités d'exercice de ces pouvoirs de représentation sont régies par la loi de l'Etat où ils sont exercés.»
9. Le deuxième dispose :
« Les pouvoirs de représentation prévus à l'article 15, lorsqu'ils ne sont pas exercés de manière à assurer suffisamment la protection de la personne ou des biens de l'adulte, peuvent être retirés ou modifiés par des mesures prises par une autorité ayant compétence selon la Convention. Pour retirer ou modifier ces pouvoirs de représentation, la loi déterminée à l'article 15 doit être prise en considération dans la mesure du possible. »
10. Aux termes du troisième, pour la mise en œuvre du mandat de protection future établi en application du premier alinéa de l'article 477 du code civil, le mandataire se présente en personne au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel réside le mandant. Il remet au greffier l'original du mandat ou sa copie authentique, signé du mandant et du mandataire, leurs pièces d'identité, ainsi qu'un certificat médical et un justificatif de la résidence habituelle du mandant.
11. Selon le quatrième, le greffier vérifie, notamment, au vu des pièces produites, que les modalités du contrôle de l'activité du mandataire sont formellement prévues.
12. Aux termes du cinquième, si l'ensemble des conditions requises est rempli, le greffier, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, et y appose son visa.
13. En premier lieu, il résulte de l'article 15 de la Convention précitée que si la mise en oeuvre en France d'un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un Etat étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle, peut être soumise, au titre des modalités d'exercice des pouvoirs de représentation mentionnées au paragraphe 3, à une procédure de visa destinée à vérifier que l'altération des facultés du mandant a été médicalement constatée et à fixer la date de prise d'effet du mandat, elle ne saurait être subordonnée à des conditions propres au droit français, telles que l'exigence d'une prévision expresse, dans le mandat, de modalités de contrôle du mandataire que n'impose pas la loi applicable à cet acte.
14. En second lieu, il se déduit de l'article 16 de la Convention que, si le mandat n'est pas exercé conformément aux intérêts du mandant, les autorités de l'Etat de la résidence habituelle du majeur protégé peuvent le suspendre, le révoquer et le remplacer par une autre mesure de protection, cette action, selon les articles 483 et 484 du code civil, étant ouverte à tout intéressé.
15. Pour dire que la procuration établie le 14 décembre 2012 en Suisse par Y... X... n'aurait pas dû recevoir le visa du greffier du tribunal d'instance et prononcer l'annulation de ce visa, l'arrêt retient qu'il appartient à celui-ci de vérifier si l'acte qui lui est présenté répond à toutes les conditions énumérées aux articles 1258 et 1258-2 du code de procédure civile, parmi lesquelles la mention dans la procuration des modalités de contrôle du mandataire.
16. L'arrêt ajoute que l'existence de ces modalités de contrôle doit être formellement prévue dans l'acte présenté, et qu'il apparaît à la lecture de la procuration litigieuse qu'elle n'en comporte aucune, la seule référence de l'acte aux dispositions des articles 360 et suivants du code civil suisse ne pouvant pallier cette lacune.
17. En statuant ainsi, alors que la mise en oeuvre en France d'un mandat d'inaptitude suisse ne pouvait être subordonnée à une condition de validité que n'imposait pas la loi suisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la procuration établie par Y... X... le 14 décembre 2012 n'aurait pas dû recevoir le visa du greffier du tribunal d'instance de Bayonne en vertu de l'article 1258-3 du code de procédure civile, et prononce en conséquence l'annulation de ce visa, l'arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. I... X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. I... X... et le condamne à payer à chacun de MM. F... et de la X... P... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens identiques produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, au pourvoi principal, pour M. F..., et au pourvoi incident, pour M. X... . P...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'ordonnance rendue le 12 janvier 2018 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bayonne ;
AUX MOTIFS QU' « il est constant :
*que Y... X... est décédée le 29 novembre 2017, soit postérieurement à l'audience des plaidoiries ;
*que le premier juge, informé de cet événement alors que l'affaire était en délibéré, a utilisé cette donnée en tant que moyen de fait (page 12 de l'ordonnance) pour écarter comme dénuée d'objet la demande de Z... I... en désignation d'un mandataire extérieur au cercle familial (dispositif de la décision) ;
que ce faisant, il appartenait au premier juge de surseoir à statuer et de rouvrir les débats sur ce point afin d'assurer le respect du principe du contradictoire et de mettre les parties à même de s'expliquer sur cet élément nouveau ;
qu'il y a en conséquence lieu de prononcer la nullité de la décision rendue ;
que le premier juge ayant été régulièrement saisi, la cour de céans demeure saisie de l'entier litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel ;
qu'il résulte de cette nullité prononcée que le grief fait au premier juge d'avoir statué ultra petita et les demandes qui en découlent sont sans objet » ;
ALORS QU' hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer ; que si le juge qui veut relever d'office un moyen de droit ou fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été discutée contradictoirement par les parties doit solliciter leurs explications, en revanche, le juge qui se borne à prendre acte de la survenance, au cours du délibéré, d'un évènement connu des deux parties, apprécie discrétionnairement la nécessité de rouvrir les débats; qu'en l'espèce, le premier juge s'est borné à prendre acte du décès de E... X... intervenu au cours du délibéré et a « utilisé cette donnée en tant que moyen de fait (page 12 de l'ordonnance) pour écarter comme dénuée d'objet la demande de Z... I... en désignation d'un mandataire extérieur au cercle familial » (v. arrêt attaqué p. 6, § 7) ; que, pour prononcer la nullité du jugement, la cour d'appel a cru pouvoir reprocher au premier juge de ne pas avoir « [sursis] à statuer et [rouvert] les débats sur ce point afin d'assurer le respect du principe du contradictoire et de mettre les parties à même de s'expliquer sur cet élément nouveau » (v. arrêt attaqué p. 6, § 9) ; qu'en mettant à la charge du juge une obligation de sursis à statuer non prévue par la loi, la cour d'appel a violé l'article 378 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procuration établie par Y... X... le 14/12/12 n'aurait pas dû recevoir visa du greffier en chef du tribunal d'instance de Bayonne en vertu de l'article 1258-3 du code de procédure civile et d'avoir en conséquence prononcé l'annulation dudit visa ;
AUX MOTIFS QUE « Par acte en date du 14/12/12, Y... X..., marquise de P..., a établi une "procuration ayant pour objet de prendre des dispositions de protection selon les articles 360 et suivants du code civil suisse" au profit de J... X... . P... dans l'hypothèse suivante : "si je perds mes facultés mentales et, en particulier, ne suis plus capable de faire part de mes intentions et de gérer mes affaires personnelles, juridiques et économique moi-même, je déclare que la personne indiquée ci-dessous (à savoir J... X... . P...) doit agir en qualité de mandataire pour prendre des dispositions de protection pour moi et en mon nom selon les articles 360 et suivants du code civil suisse ;
que cet acte, régulièrement traduit, a été présenté au greffier en chef du tribunal d'instance de Bayonne pour visa ;
que nul ne disconvient que cette présentation a été faite sur le fondement juridique des articles 15 de la convention sur la protection internationale des adultes de la Haye conclue le 13/01/2000, convention ratifiée par la France, et 1258 et suivants du code de procédure civile ;
que le greffier en chef du tribunal d'instance de Bayonne a apposé son visa sur cet acte le 30 juin 2017, pour lui faire prendre effet ;
que selon l'appelant, qui fait à tort référence à la notion d'enregistrement puisqu'il ne s'agit en vérité que de l'apposition d'un simple visa avec restitution de toutes ses pièces au requérant, une telle démarche était irrégulière aux motifs que l'acte litigieux était en réalité un mandat pour cause d'inaptitude de droit suisse impossible à "enregistrer" faute de correspondre et d'être l'équivalent du mandat de protection future du droit français ;
qu'en soutenant cette thèse, l'appelant crée une condition qui ne figure pas mais ajoute aux dispositions de l'article 15 de la convention sur la protection internationale des adultes de la Haye du 13/01/2000 dans laquelle il n'est question que de "l'existence, l'étendue, la modification et l'extinction des pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord, soit par un acte unilatéral, pour être exercé lorsque cet adulte sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts" ;
que la procuration établie le 14/12/12 par Y... X..., marquise de la P..., entre parfaitement dans la définition de ce texte ;
que le greffier en chef du tribunal d'instance de Bayonne n'avait pas pour mission d'opérer, sur ce point particulier, des vérifications plus poussées, étant rappelé que ce dernier :
- n'est nullement chargé de rechercher et de donner une définition juridique à l'acte étranger qui lui est présenté, acte conclu par un majeur pour organiser la gestion de sa personne et de ses biens pour le jour où elle ne serait plus capable d'y faire face ;
- n'a pas à procéder à un contrôle autre que succinct, pas plus qu'à l'instruction du dossier ;
que ni l'article 15 précité, ni aucun autre figurant dans la convention de la Haye du 13/01/2000 n'exige une parfaite coïncidence entre d'une part un "mandat d'inaptitude" ou son équivalent dans d'autres législations étrangères connaissant d'une telle institution et, d'autre part, le mandat de protection future du droit français ; qu'au demeurant, si tel était le cas, aucune mise en oeuvre des règles figurant au paragraphe 3 de l'article 15 de la convention – les modalités d'exercice de ces pouvoirs de représentation sont régies par la loi de l'Etat où elles sont exercées – ne serait possible dès lors qu'aucun visa ne pourrait jamais, dans ces conditions, être apposé sur l'acte étranger pour permettre qu'il sorte à effet, conformément aux dispositions de l'article 1258-1 du code de procédure civile ;
que l'appelant invoque encore diverses décisions suisses aux termes desquelles la procuration litigieuse aurait été déclarée nulle et inefficace ;qu'il cite notamment une décision prononcée le 11/08/17 par le tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève ; que ce moyen ne saurait être retenu aux motifs suivants :
1°) qu'il constitue un anachronisme ; que cette nullité et cette inefficacité ont été déclarées postérieurement, plusieurs mois après l'apposition du visa sur la procuration ; qu'or, il convient de se placer au moment de cette apposition pour apprécier sa validité ;
2°) qui plus est, le tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève, par ordonnance du 12/09/17 a finalement jugé que ces décisions prises de manière "superprovisionnelles" les 28/07/17 et 11/08/17 avaient "cessé de déployer leurs effets" à compter du prononcé par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bayonne de sa décision du 30/08/17 ;
qu'il appartenait en revanche au greffier en chef du tribunal d'instance de Bayonne de vérifier si l'acte qui lui était présenté répondait en totalité aux différents critères énumérés aux articles 1258-1 et 1258-2 du code de procédure civile ;
que l'appelant fait grief à ce dernier de ne pas avoir, conformément au paragraphe 2 de l'article 1258-2 du code précité, vérifié l'existence de modalités de contrôle du mandataire dans la procuration du 14/12/12 établie par Y... X... ; que selon lui, cet acte est dépourvu de la moindre disposition à cet égard ;
qu'une telle vérification entre effectivement bien dans la mission assignée par ce texte au greffier en chef ; que l'existence de modalités de contrôle du mandataire doit être "formellement" prévue dans l'acte présenté ; que cette existence constitue une exigence préalable conditionnant l'apposition du visa ;
qu'or, il apparaît à la lecture de la procuration litigieuse qu'elle n'en comporte "formellement" aucune, la seule référence de l'acte stipulant qu'il est soumis aux règles des articles 360 et suivants du code civil suisse ne pouvant pallier cette carence et être tenue pour équivaloir à la nécessité d'énoncer "formellement" les modalités du contrôle de l'activité du mandataire ;
d'où il suit que la procuration établie par Y... X... le 14/12/12 n'aurait pas dû recevoir visa en vertu de l'art. 1258-3 du C.P.C ;
qu'il convient en conséquence de prononcer l'annulation dudit visa, étant précisé que la demande de l'appelant, bien que faisant référence à un "enregistrement" de l'acte litigieux doit – et ne peut – se comprendre que comme tendant à la nullité de cette apposition ;
qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'appelant tendant à dire et juger que l'acte du 14/12/12 a été révoqué par l'effet du décès de son rédacteur, réclamation totalement étrangère à la question de la validité du visa » ;
ALORS QUE les conditions de validité d'un acte unilatéral par lequel un adulte confère des pouvoirs de représentation à un mandataire pour que celui-ci les exerce lorsqu'il sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts, sont régies, à défaut de choix, par la loi de l'Etat de la résidence habituelle du mandant au moment de l'acte ; que seules les modalités d'exercice du mandat sont régies par la loi de l'Etat où il est exercé ; que si la validité du mandat de protection future français est subordonnée à la condition que des modalités de contrôle du mandataire soient prévues par le mandat, un mandat d'inaptitude relevant d'un droit étranger n'a en revanche pas à remplir cette condition pour être exécuté en France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir annuler le visa apposé par le tribunal d'instance de Bayonne en vue de l'exécution en France du mandat d'inaptitude conclu par E... X... en Suisse, au motif que ce mandat ne comportait formellement aucune modalité de contrôle du mandataire, « la seule référence de l'acte stipulant qu'il est soumis aux règles des articles 360 et suivants du code civil suisse ne pouvant pallier cette carence et être tenue pour équivaloir à la nécessité d'énoncer "formellement" les modalités de contrôle de l'activité du mandataire » (v. arrêt attaqué p. 8, § 7) ; qu'en conditionnant ainsi l'exécution en France d'un mandat d'inaptitude suisse à la condition qu'il remplisse une condition de validité du mandat de protection future français, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 de la convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.

___________________ Cliuez sur l'intitulé de larrêt pour lire________________________
20 / Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 janvier 2021, 20-40.061 20-40.062, Publié au bulletin -
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SENS DE LA DECISION : Qpc seule - renvoi au cc

MOTS CLES DE L'ARRET :

ANALYSE DE L'ARRET :



DECISION :
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3
COUR DE CASSATION


MF

______________________
QUESTIONS PRIORITAIRESdeCONSTITUTIONNALITÉ______________________




Audience publique du 21 janvier 2021



RENVOI

M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 166 FS-P
Affaires n° G 20-40.061et J 20-40.062 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021
La juridiction de l'expropriation des Bouches-du-Rhône siégeant au tribunal judiciaire de Marseille a transmis à la Cour de cassation, suite aux jugements rendus le 21 octobre 2020 (RG : 20/00045 et 20/00057), les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 26 octobre 2020, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
1°/ la société [...], dont le siège est [...] ,
2°/ la société Somaré (Société de maintenance de réparation de matériel maritime), dont le siège est [...] ,
D'autre part,
l'Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée - EPAEM, dont le siège est [...] ,
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Société de maintenance de réparation de matériel maritime et de la société [...], de Me Le Prado, avocat de l'Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée, l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire apporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les questions prioritaires de constitutionnalité n° J 20-40.062 et G 20-40.061 sont jointes.
Faits et procédure
2. Après avoir acquis, par voie de cessions amiables, les parcelles nécessaires à la réalisation d'un projet qui avait préalablement été déclaré d'utilité publique, l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée (l'EPAEM) a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation des indemnités d'éviction revenant à la société [...] et à la Société de maintenance de réparation de matériel maritime, locataires des biens en cause.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
3. Par jugements du 21 octobre 2020, la juridiction de l'expropriation des Bouches-du-Rhône a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 323-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en ce qu'elles ne s'appliquent pas aux locataires occupant un bien ayant fait l'objet d'un transfert de propriété par voie de cession amiable au profit de l'expropriant, portent-t-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d'égalité devant la loi et la liberté d'entreprendre ? ».
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
4. La disposition contestée est applicable au litige, qui porte sur la fixation d'une indemnité d'éviction par le juge de l'expropriation au profit d'un locataire commerçant dont le relogement ou la réinstallation n'est pas assurée par l'expropriant.
5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
6. La question posée présente un caractère sérieux en ce que cette disposition, qui permet aux locataires ou preneurs commerçants, artisans, industriels ou agricoles d'un bien exproprié d'obtenir un acompte, représentant la moitié du montant des offres de l'expropriant, est réservée aux locataires d'un bien ayant fait l'objet d'une ordonnance d'expropriation, à l'exclusion des locataires d'un bien ayant donné lieu à une cession amiable consentie à l'expropriant après déclaration d'utilité publique, est susceptible de porter atteinte aux principes d'égalité devant la loi et de la liberté d'entreprendre.
7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt et un.

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